Françoise Delplancke
Des yeux de géants pour scruter l'univers
L'ESO a été fondé en 1962 pour fournir aux astronomes européens un accès à des télescopes de pointe capables de concurrencer
les grands observatoires américains en Californie et à Hawaii. Basé sur le modèle du CERN, ayant commencé avec 5 pays, dont
la Belgique, et un seul observatoire, l'ESO compte maintenant 13 pays membres et 3 sites d'observation au Chili : la Silla,
le site original ; Paranal avec le Very Large Telescope (VLT) ; et Chajnantor, le site d'ALMA, un réseau de 50 antennes sub-millimétriques,
développé en collaboration avec les Américains et les Japonais. Le quartier général de l'ESO se trouve à Garching près de
Munich en Allemagne.
Arrivée à l'ESO peu de temps avant la première lumière du VLT, j'ai pu participer au développement de ce bijou de technologie.
Le Cerro Paranal est un sommet à 2600m d'altitude et 12km à vol d'oiseau de l'océan, au milieu du désert d'Atacama. Il a été
arasé pour y construire 4 télescopes géants de 8m de diamètre chacun et son réseau interférométrique (le VLTI).
Paysage martien
Le milieu est hostile : quasiment sans végétation, avec une humidité relative inférieure à 15% en moyenne, un vent parfois
fort, des températures variant de 0 à 20°C, dans une région connue pour sa séismicité. Dans ce paysage martien, l'ESO a construit
un oasis permettant aux quelque 100 ingénieurs, astronomes et membres du personnel d'entretien, de toutes nationalités, présents
en permanence sur le site, de vivre assez confortablement. Cela nécessite par exemple l'amenée de 2 camions citernes d'eau
(non potable) par jour. Les astronomes bénéficient d'un ciel extrêmement clair avec de nombreuses nuits d'observation par
an, loin de la pollutions lumineuse, la ville la plus proche, Antofagasta, étant à 120km. Les couchers de soleils sur un océan
de nuages au-dessus du Pacifique attirent toujours un public admiratif : la couche d'inversion atmosphérique dans laquelle
se situent ces nuages est habituellement à une altitude plus basse que l'observatoire, ce qui explique la qualité du ciel.
La Voie Lactée et les nuages de Magellan sont magnifiques depuis Paranal, le centre galactique et ses nuages de poussières
et d'étoiles passant près du zénith. Je passerais volontiers des nuits entières, allongée sur sol avec une paire de jumelles
à explorer la multitude de nébuleuses et amas d'étoiles qui semblent à portée de main...
Les 4 grands téeleéescopes de 8m de diamèetre peuvent observer avec différents instruments: dans le visible, l'infra-rouge
proche ou moyen (donc de 400 à 20.000 nm), ils permettent d'obtenir des images et/ou des spectres. Certains d'entre eux sont
équipés d'optique adaptative pour compenser la turbulence atmosphérique qui rend les images troubles et limite habituellement
la résolution des télescopes. Ceux-ci sont aussi à optique active : le miroir, un ménisque très mince (mêmes proportions que
les lentilles de vision mais pesant 23 tonnes), est supporté par un système de vérins qui compensent les déformations du miroir
sous son propre poids et lui maintiennent une forme parabolique parfaite quelle que soit sa position. Les 430 tonnes du télescope
reposent sur un film d'huile qui assure une rotation si douce que le télescope pourrait être poussé à la main. L'ensemble
est entièrement automatisé et piloté par quelques milliers d'ordinateurs et assure un pointage précis à la fraction de seconde
d'arc.
Polytechnicien, car
Le VLTI, lui, combine la lumière de 2 ou 3 télescopes, ceux de 8m ou bien les " petits " télescopes auxiliaires de 1,8m de
diamètre (fabriqués par une firme belge AMOS à Liège). Cela permet d'obtenir la résolution d'un télescope de plus de 100m
de diamètre. C'est sur ce défi technique que je travaille : pour obtenir le signal d'interférence, il faut amener les photons
provenant des différents télescopes dans le même micromètre-cube, dans la même femto-seconde. Cela nécessite la combinaison
d'expertises dans de nombreux domaines : optique, mécanique, électronique, contrôle en temps réel, vibrations de structures,
physique, astrophysique mais aussi gestion de projet et de personnes de différentes cultures. Le terme de polytechnicien prend
alors tout son sens et c'est ce qui me passionne.
Le VLT fonctionne maintenant depuis plus de 10 ans, est en constant développement et est considéré comme l'un des 2 ou 3 meilleurs
observatoires astronomiques au monde : les Américains en sont même jaloux. Mais l'ESO n'en reste pas là : ALMA est en cours
d'installation et l'ESO travaille sur un projet encore plus ambitieux, l'Extremely Large Telescope, un télescope de 42m de
diamètre. Si cela vous intéresse, je vous engage à surfer sur le site web de l'ESO et à venir visiter l'observatoire de Paranal
si vos pérégrinations vous emmènent un jour du côté du Chili, un pays intéressant à visiter avec une population très accueillante.
Françoise Delplancke
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Après des études d'ingénieur et une thèse en sciences appliquées, j'ai eu la chance de réaliser un post-doctorat à l'ESO(1)
à Munich, dans un domaine combinant mon métier et mon hobby : l'astronomie. Partie pour une période de 2 ou 3 ans, voilà maintenant 10 ans que je vis en Bavière avec de fréquentes missions au Chili
où sont installés les observatoires.
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(1) Observatoire Européen pour la Recherche Astronomique dans l'Hémisphère Austral http://www.eso.org
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