La campagne de fouilles 2003 à Pachacamac
Les recherches se sont déroulées cette année selon
trois axes principaux : chronologie des pyramides à rampe,
définition du système de transit interne du secteur des
pyramides (Deuxième enceinte) et levers topographiques et planimétriques.
La chronologie des pyramides à rampe a té définie
grâces à des fouilles ponctuelles dans des endroits stratégiques
des pyramides n°12, 13, et 15. Rappelons que le modèle explicatif
qui sert d'hypothèse de travail est celui de la succession dynastique :
chaque pyramide serait le palais d'un chef qui la construit, l'occupe
durant son règne et y est enterré quand il meurt, son successeur
construisant alors sa propre pyramide palais. Il s'agit donc, pour chaque édifice,
de déterminer de la manière la plus précise le moment
de fondation, la durée de l'occupation et la date d'abandon volontaire.
La méthodologie et la stratégie de fouilles ont été expliquées
ailleurs.
Les recherches menées dans la pyramide 12 ont totalement confirmé le
modèle proposé. Il faut savoir que la pyramide 12 est une
pyramide double, c'est-à-dire qu'elle se compose de deux unités
architecturales incluses dans une même enceinte. Les stratigraphies
mises au jour ont permis de démontrer de façon indiscutable
la succession des édifices au sein du complexe : la pyramide
12A a été occupée durant deux phases successives
et a ensuite été abandonnée et fermée, tandis
qu'une partie de sa cour antérieure a été utilisée
pour la pyramide 12B, laquelle a également connu deux phases principales
avant d'être à son tour abandonnée. L'ensemble du
complexe a été utilisé comme site de campement provisoire
par des pèlerins sous l'Empire inca, tandis que les entrepôts
annexes ont été utilisés comme chambres funéraires à la
même période.
Les phases de chaque pyramide sont très intéressantes
car elles se marquent entre autres choses par la croissance de la rampe
centrale, la première phase se trouvant totalement recouverte
par la seconde.
Les stratigraphies découvertes dans la pyramide 13 sont malheureusement
moins claires : nous disposons de données sûres pour
la fondation mais elles sont moins évidente pour l'abandon. En
effet, d'une part les occupations inca puis coloniales (éleveurs
de chèvres) ont profondément affecté les structures,
mais de plus les pillages post-conquête ont été particulièrement
destructeurs. Des puits de sondage ouverts dans d'autres parties de l'édifice
devraient nous apporter des compléments d'information quant à la
durée de l'occupation initiale de la pyramide 13.
La pyramide 15 a été découverte durant la campagne
2002 de levers planimétriques. Elle a été identifiée
sur base d'une partie des éléments structurels que comporte
généralement ce type d'édifices, mais la rampe n'était
pas visible, aussi avions-nous suggéré qu'elle avait été détruite.
Les fouilles ont confirmé cette supposition mais une phase plus
ancienne, relativement bien conservée, a été découverte.
Là aussi les destructions de tous types rendent l'interprétation
difficile à cette étape de l'analyse des données :
l'étude détaillée es données de terrain,
du matériel et l'apport des datations absolues permettront de
préciser les choses de façon substantielle. Les offrandes
découvertes (bijoux et objets divers en argent doré) laissent
cependant peu de doute quant à l'occupation de la structure par
des élites parmi les plus élevées de la hiérarchie
locale.
Le système de transit interne n'a jamais été étudié à Pachacamac.
Deux axes principaux se croisent au centre du site : la Rue Est-Ouest
et la Rue Nord-Sud (ou Rue Hernando Pizarro). Nos investigations se sont
focalisées cette année sur les ramification de la Rue Sud.
Il faut savoir que cette importante avenue est la seule qui fait le lien
entre la partie monumentale et l'extérieur du site. C'est sans
doute par là que transitaient les pèlerins issus de la
région (aux temps pré-incas) et par la suite des diverses
régions de l'Empire (sous le Tahuantinsuyu). Par conséquent
il s'avère important de déterminer comment le transit s'organisait à ces
différentes époques. Là encore des fouilles ponctuelles
ont pu mettre en évidence une série de parcours et leur évolution
au cours du temps. Il serait fastidieux de décrire ici les structures
architecturales et leur évolution : l'apport de la modélisation
3D permettra d'en rendre compte de manière plus claire et détaillée
que n'importe quelle description. Plus intéressante a cette étape
est le fait qu'une des Unités de fouille a permis de mettre au
jour une stratigraphie exceptionnelle totalement intacte. Cette fouille
relativement modeste (8m2) a révélé 24 couches successives
sur une profondeur de 5 mètres, couvrant la totalité de
l'occupation permanente à Pachacamac depuis les débuts
de notre ère (culture Lima, phases 3-4) passant par l'Horizon
moyen (avec , entre autres, la première découverte en stratigraphie
de tessons décorés de style Pachacamac B, l'un des plus
fameux styles de céramique du Pérou ancien), la période
Intermédiaire Récent (thème principal de nos recherches),
la période inca (avec un matériel fort abondant), et jusqu'à l'époque
moderne, puisqu'une offrande contemporaine a été découverte
dans la couche superficielle. Il faut souligner le caractère exceptionnel
et unique de cette fouille, car en dépit du fait que le site de
Pachacamac est connu au travers des quatre cultures qui s'y sont succédées
(Lima, Huari, Ychsma et Inca), jamais cette succession n'avait été mise
en évidence de manière continue dans un seul endroit, comme
c'est le cas ici. De plus, nous disposons d'échantillons datables
pour chaque couche, ainsi que plusieurs témoins architecturaux
(en pierres, adobes, tapia, adobitos) associés à la stratigraphie
et représentatifs de chacune des cultures mentionnées.
Pour couronner le tout, une sépulture, probablement votive, a été découverte
dans l'avant-dernière couche (23) et correspond à la première
occupation du site à cet endroit. Il ne fait aucun doute que cette
fouille nous permettra d'avancer considérablement dans notre compréhension
de la chronologie globale du site.
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