Présentation du projet

Les fouilles belges ont débuté dans la région en 1993, avec une attention particulière pour la Pyramide n°3, l'un des plus imposants bâtiments de Pachacamac. En 1999, une convention de recherches a été signée entre l'ULB et l'Instituto Nacional de Cultura del Perú, qui octroie au Projet Ychsma l'autorisation des fouilles dans le site, ce au rythme d'une campagne annuelle.

L'objectif général des recherches est l'éclaircissement des problématiques locales et régionales durant la période Intermédiaire récent (ca 900-1470 p.C) et Horizon Récent (ca 1470-1533 p.C.).

Le Projet Ychsma, co-dirigé par Peter Eeckhout (Pofesseur en Histoire de l'Art et Archéologie à l'ULB) et Carlos Farfán Lobatón (Profesor de Arqueología, Universidad Nacional Federico Villareal, Lima) a reçu l'appui financier du Fonds de la Recherche Fondamentale Collective, du Fonds National de la Recherche Scientifique, de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'ULB, du Centre de Recherches Archéologiques de l'ULB, de la Curtiss T. & Mary G. Brennan Foundation et de la National Geographic Society.

La vocation première du Projet Ychsma est bien entendu la recherche scientifique, mais ses activités incluent également la formation des étudiants et jeunes archéologues ainsi que la mise en valeur du site de Pachacamac. La formation consiste en stages de fouilles, effectués par des étudiants et jeunes licenciés en histoire de l'art et archéologie de l'ULB, de l'Universidad Villareal et d'ailleurs. La mise en valeur comprend la restauration des pièces découvertes lors des fouilles à fins d'exposition et la réalisation d'une maquette virtuelle animée de l'ensemble du site.


le complexe pyramidal
n°3 vu depuis l'ouest


fouilles en cours dans
la pyramide n°3B
(campagne 1999)

Dans le cadre de ses recherches, Peter Eeckhout a cherché à éclaircir le processus de fonctionnement et de développement du site monumental de Pachacamac, ainsi que son influence sur la Côte centrale du Pérou au cours de la période Intermédiaire récent (ca 900-1470 P.C.). Alors que l'interprétation traditionnelle repose presque exclusivement sur l'exégèse des rares sources ethnohistoriques disponibles, c'est par le biais des fouilles archéologiques et de l'analyse du matériel récolté qu'il a abordé la question.

Les recherches ont permis d'avancer sur plusieurs plans, qui précisent notre entendement du site. Un même type d'édifice est répété à plusieurs dizaines d'exemplaires à Pachacamac et dans ses environs : la pyramide à rampe, c'est-à-dire une plateforme rectangulaire à plusieurs niveaux et superstructures, associée par le biais d'un plan incliné à une grande place entourée d'une enceinte et pourvue d'un accès extérieur. Trois types de pyramide à rampe ont été identifiés :

•  les pyramides à rampe latérale, qui assument des fonctions rituelles peut-être liées aux préparatifs funéraires ;

•  les pyramides à rampe décalée, qui ont une fonction principalement funéraire pour un groupe social assez large (lignage, voire clan) ;

•  les pyramides à rampe centrale (les plus nombreuses), qui cumulent une série de fonctions (résidentielles d'élite, cérémonielles, publiques, économiques) puis se convertissent en structures funéraires garantes de la légitimité du pouvoir. Ces pyramides à rampe centrale comportent un espace public, celui de la place, destiné aux réceptions et cérémonies, tandis que le reste de la pyramide, d'accès réservé, sert de résidence au seigneur qui se trouve au sommet de la hiérarchie politique et économique locale. Il contrôle les entrepôts ainsi que la production d'artefacts réalisés dans l'enceinte du palais. Les palais fouillés jusqu'à présent n'ont pas été occupées de façon simultanée mais successive. Le modèle explicatif développé sur base du résultat des fouilles est celui de la succession générationnelle de type dynastique. Chaque pyramide à rampe centrale de Pachacamac est un palais construit par un seigneur qui l'occupe le temps de son règne et y est enterré à sa mort. L'édifice est alors rituellement abandonné, tandis que le successeur du chef défunt élève sa propre pyramide. Ce modèle trouve des exemples de comparaison dans d'autres établissements andins mieux connus que Pachacamac, tels que le Cuzco et Chan Chan.

La typologie et le fonctionnement des structures architecturales constituaient deux objectifs majeurs des recherches 1999-2002, objectifs qui ont été atteints. D'autres tâches restent pendantes.

La série de datations absolues tirées des fouilles a permis de dater précisément trois des palais de Pachacamac, et la chronologie qui s'en dégage confirme le modèle de succession proposé. Cela dit, il manque encore les données nécessaires pour dater les 15 autres palais identifiés jusqu'ici. Il est clair cependant qu'un site de l'importance de Pachacamac, dont la superficie avoisine les 600 hectares, ne saurait être fouillé en entier, aussi la stratégie de recherches doit-elle être adaptée aux objectifs de façon réaliste, comme cela est détaillé dans l'exposé des recherches.

Les conditions géo-climatiques dont bénéficie la côte péruvienne favorisent la conservation optimale de toutes les classes de matériaux. En conséquence, la quantité de matériel archéologique récupéré est énorme. A titre indicatif, près de 70.000 tessons de céramique ont été récoltés entre 1999 et 2002. A cela s'ajoutent les restes osseux (humains et animaux), organiques (végétaux, plumes, coquillages, etc.), les artefacts (en bois, en tissus, en métaux et alliages divers), les lithiques de toutes sortes. Là aussi, les études ne sont à l'heure actuelle que partiellement abouties.

Par ailleurs, les investigations archéologiques et ethnohistoriques ont fait apparaître que Pachacamac, autrefois dénommée Ychsma, était la capitale d'une chefferie composée de quatre lignages qui se partageaient un territoire couvrant la basse et moyenne vallée du Lurín, ainsi que la vallée moyenne du Chilca, plus au sud. Le pouvoir, comme il est souvent de règle dans les Andes préhispaniques, s'organisait sur une base hiérarchisée et dualiste, conceptualisée en termes de « moitiés » complémentaires. La « moitié » de la capitale de Pachacamac a ainsi été identifiée comme étant le site de Pampa de las Florès, situé sur la rive opposée du fleuve Lurín, à quelque 10 km en amont. Cet établissement n'a été que partiellement fouillé en 1995. Les découvertes qui y ont été faites sont d'un intérêt majeur et la poursuite des fouilles s'impose comme une évidence.