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Chargé de recherches du FNRS, Romain Weikmans poursuit ses travaux au sein du Centre d'Études du développement durable, en Faculté des Sciences. Il s'intéresse en particulier à la gouvernance internationale du changement climatique et à l'intégration de l'environnement dans la coopération au développement. Il est, entre autres, Vice-Président du Groupe de Travail ‘Énergie-Climat’ du Conseil Fédéral du Développement Durable. Romain Weikmans enseigne en Faculté des Sciences de l’ULB et à Sciences Po Lille.


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Décembre 2018 - La COP 24 et les enjeux climatiques

Romain Weikmans, Centre d'Études du développement durable


En ce mois de décembre, la COP 24 est en cours: quels en sont les enjeux, Romain Weikmans?

L’accord de Paris, adopté lors de la COP 21, définit de façon très générale les éléments d’une nouvelle gouvernance internationale pour le climat. La COP 24 est importante dans la mesure où les négociations sur les modalités concrètes de la mise en œuvre de cet accord sont censées y aboutir. Il s’agit par ailleurs d’évaluer dans quelle mesure les engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre annoncés jusqu’à présent par les différents pays placent la planète sur une trajectoire compatible avec cet accord, notamment à la lumière des conclusions du récent rapport du GIEC sur un réchauffement de 1,5°C.


Que faut-il retenir de ce rapport du GIEC?

Ce rapport met en évidence le fait que la limitation du réchauffement planétaire à 1,5°C par rapport à la période préindustrielle est toujours géophysiquement possible. Dit autrement: les émissions passées de gaz à effet de serre ne nous engagent pas encore irrémédiablement dans un réchauffement de 1,5°C. Mais à mon sens, la touche d’optimisme s’arrête là. Nous en sommes déjà à 1°C de réchauffement. Et lorsqu’on se rend compte de la rapidité et de l’ampleur des transformations socioéconomiques qui seraient nécessaires à l’échelle mondiale pour réduire suffisamment les émissions, on réalise qu’il est tout à fait illusoire de penser que cet objectif sera atteint. Il faut bien comprendre que ce rapport du GIEC résulte d’une commande des différents pays de la planète lancée suite à des demandes insistantes de la part d’États extrêmement vulnérables au changement climatique. Ceux menacés de submersion par la montée des océans, notamment. Ce rapport, établi par des scientifiques, a donc une importante portée politique.


Que représente une hausse de +1,5°C et quelles sont les conséquences?

Intuitivement, une augmentation de 1,5°C peut paraître assez insignifiante, alors que les variations de température qu’on peut observer lors d’une journée dépassent très souvent les 10°C. Si on prend en compte les moyennes planétaires, une différence de seulement 0,5°C est pourtant capitale. Le rapport spécial du GIEC met par exemple en évidence le fait qu’une augmentation de 1,5°C engendrerait la disparition de 70 à 90% des récifs coralliens tropicaux. Une augmentation de 2°C mènerait à la disparition de 99% de ces récifs. À l’échelle mondiale, les moyens de subsistance de 500 millions de personnes dépendent aujourd’hui de ces écosystèmes.


Agir est-il encore possible?

La situation est grave et il faut pouvoir le dire… et l’entendre. On observe déjà de nombreux impacts. Les émissions passées et actuelles de gaz à effet de serre nous entraînent dans un niveau de réchauffement qui aura des conséquences dramatiques pour de nombreux êtres humains et non-humains. Cela dit, bien des pertes et des souffrances peuvent encore être évitées. Tous les leviers doivent être mobilisés, tant à l’échelle individuelle que collective. Il est d’ailleurs stérile de chercher à opposer ces deux niveaux, puisqu’ils se renforcent mutuellement. La consommation de viande et le transport aérien sont deux leviers qu’il est assez facile pour les citoyens d’activer et qui ont des effets importants en matière de réduction des émissions des individus. Les citoyens doivent aussi exiger et soutenir des politiques publiques permettant de réduire rapidement les émissions. La question de la préparation, de l’adaptation aux impacts du changement climatique est également cruciale. Celle du soutien à apporter aux populations les plus vulnérables aux effets du changement climatique – dans notre pays ou ailleurs – l’est tout autant.

Il faut donc espérer que ce rapport spécial du GIEC poussera les différents pays de la planète à annoncer un renforcement de l’ambition de leurs promesses de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il faut aller plus loin, car lorsqu’on fait la somme des engagements actuels d’atténuation des émissions, on arrive pour l’instant à un réchauffement de l’ordre de 3°C. Un tel niveau de réchauffement modifierait assez radicalement notre planète.

Rappelez-vous

Mercredi 12 décembre

Cela fera trois ans jour pour jour que les États parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques ont adopté à l’unanimité l’Accord de Paris. Cet accord avait entériné l’ambition de limiter la hausse de la température globale "bien en-deçà de 2°C" et de "poursuivre les efforts pour la limiter à 1,5°C" par rapport au niveau préindustriel.

L’Accord de Paris repose sur un mécanisme dit de pledge and review par lequel chaque État annonce les efforts qu’il est prêt à accomplir pour lutter contre le changement climatique; les différents engagements des pays de la planète sont ensuite régulièrement additionnés et évalués au regard des objectifs de limitation du réchauffement. Ce mécanisme est censé encourager les États à renforcer l’ambition de leurs politiques de réduction des émissions.