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Professeur au Département de Science politique de la Faculté de Philosophie et Sciences sociales, Thierry Kellner est chercheur au REPI-ULB (Recherche et Etudes en Politique Internationale), à EASt-ULB (Maison des Sciences Humaines) et chercheur associé au GRIP. Ses recherches portent principalement sur la politique étrangère de la République populaire de Chine et, par extension, sur la géopolitique de l’ensemble de l’Asie de l’Est et Centrale. Le conflit intercoréen est l’un des sujets régulièrement abordé dans ses publications.


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Février 2018 - Rapprochement des deux Corée

Thierry Kellner, Recherche et Etudes en Politique Internationale (REPI-ULB)


Thierry Kellner, les délégations de Corée du Sud et Corée du Nord qui défilent ensemble lors des JO, c’est un symbole fort de réconciliation entre ces pays, opposés depuis 1953. Quelles sont les raisons de ce rapprochement?

C’est la suite logique des évènements des mois précédents: en 2017, la tension entre la Corée du Nord, sa voisine du Sud et les États-Unis a atteint un paroxysme. La Corée du Nord voulait en effet renforcer ses capacités balistiques et montrer sa puissance nucléaire aux yeux du monde, gage de survie du régime en place mais aussi de sécurité et de crédibilité tant en interne qu’à l’international. Une fois cet objectif atteint, désormais en position de force, les Nord-Coréens peuvent passer à la phase suivante: se concentrer sur le développement économique nécessaire du pays, sans doute sur le modèle chinois. Pour cela, Kim Jong Un joue l’apaisement, afin de créer l’occasion favorable et de se présenter en position de force à la table des inévitables négociations. Les JO représentaient dès lors une excellente occasion de concrétiser cette phase de détente. Depuis 1953, on a assisté à de nombreux cycles marqués par les tensions et la rhétorique belliqueuse, suivies d’une phase d’apaisement: c’est une stratégie bien rôdée et parfaitement utilisée par la Corée du Nord.


La rencontre avec le président sud-coréen Moon Jae In s’inscrit-elle dans cette stratégie?

Oui, mais il faut aussi préciser que le timing était également excellent: Moon Jae In a basé une partie de sa campagne présidentielle sur l’apaisement avec la Corée du Nord. Du côté américain, le troisième acteur principal de ce conflit, une opportunité s’est aussi offerte: Donald Trump avait en effet laissé entendre lorsqu’il était en campagne qu’il ne voyait pas de problème à rencontrer un dirigeant nord-coréen, ce qu’aucun Président américain n’avait jamais fait.


La rencontre entre Kim Jong Un et Donald Trump est en effet inédite, et les deux camps se sont dit satisfaits: que peut-on concrètement retirer de cette rencontre de Singapour?

Chacun y trouve son compte, notamment en terme d’image. Mais au-delà, pas grand-chose. L’accord sur la dénucléarisation n’inclut pas d’inventaire de l’arsenal nord-coréen, pas d’agenda de démantèlement, pas de modalités de contrôle... C’est le jour et la nuit par rapport à l’accord détaillé sur le nucléaire iranien, négocié par Obama et rejeté ensuite par Trump. C’est une victoire de l’image et de l’égo de Donald Trump mais sur le fond, rien n’est réglé! C’est plutôt Kim Jong Un qui ressort gagnant: une rencontre avec un président américain en tête à tête, c’est une reconnaissance de son statut et de son régime. De plus, Chine et Russie ont ensuite assoupli les sanctions économiques qu’elles avaient prises vis-à-vis de la Corée du Nord, ce qui affaiblit la pression américaine: encore un point positif pour Kim Jong Un et un bémol pour Donald Trump.


Tout est donc à faire en 2019?

Oui, les négociations vont se poursuivre et Trump a évoqué une deuxième rencontre avec Kim Jong Un au début de l’année. Ce sera peut-être l’occasion d’aborder les points qui fâchent et de voir ce que la Corée du Nord est réellement prête à concéder. Personnellement, je pense qu’une dénucléarisation complète sera extrêmement difficile à obtenir car le programme nucléaire est la garantie de survie du régime. Il est cependant incompatible avec le développement économique recherché par Kim Jong Un, qui demandera certainement un relâchement des sanctions américaines. C’est un peu la quadrature du cercle… Il faudra donc voir ce qui est acceptable pour le régime et pour la communauté internationale et si un compromis est possible et à quel prix. Par ailleurs, la question des droits de l’homme devra également être abordée à un moment ou à un autre, alors qu’elle est totalement mise de côté pour favoriser les discussions actuelles. Une chose me semble cependant claire: si les négociations ne tournent pas comme la Corée du Nord le souhaite, nous risquons de voir réapparaître les tensions et de repartir dans un cycle de crise.

Rappelez-vous

Vendredi 9 février

Les 23ème Jeux Olympiques d’hiver s’ouvrent à Pyeongchang, en Corée du Sud. Lors de la cérémonie d’ouverture, les athlètes de Corée du Nord et de Corée du Sud défilent sous le drapeau de la Corée unifiée.

Le président sud-coréen, Moon Jae In, et le dirigeant nord-coréen, Kim Jong Un, se rencontrent officiellement le 27 avril et s’engagent à ce qu’il n’y ait plus de guerre dans la péninsule coréenne.

Le 12 juin, Kim Jong Un et le président américain Donald Trump se rencontrent à Singapour. Leur entretien se conclut notamment sur la promesse de la dénucléarisation de la Corée du Nord, d’une part, et l’arrêt des manœuvres navales américaines dans la région, d’autre part.