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Chargée de recherche FNRS au sein du Centre Cevipol, en Faculté de Philosophie et Sciences sociales, Nathalie Brack s’intéresse aux eurosceptiques et à leurs stratégies; elle étudie également les institutions européennes et les élections européennes, avec un focus sur la Belgique, le Royaume-Uni et la France. La question du référendum britannique et les réformes du Parlement européen retiennent tout particulièrement son attention.

En 2015, elle a reçu le prix Xavier Mabille de la meilleure thèse de doctorat en science politique par l'Association belge de science politique, pour son étude S'opposer à l'Europe. Quels rôles les eurosceptiques au Parlement européen?i>.

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Mai 2015 - Elections au Royaume-Uni: l'Europe interpellée

Nathalie Brack, Centre d’étude de la vie politique - CEVIPOL


Nathalie Brack, des observateurs ont dit que David Cameron était pris à son piège avec le Brexit. C’était un mauvais coup de poker menteur?

David Cameron était sérieux lorsqu’il a lancé la promesse d’un referendum sur le maintien dans l’Union européenne. Mais, au départ, la promesse s’adressait d’abord et avant tout à la faction eurosceptique au sein du parti conservateur, dans la campagne de Cameron pour le leadership des Tories. Puis, c’est devenu un des arguments de la campagne électorale pour récupérer de l’électorat eurosceptique et éviter qu’ils votent UKIP, ce qui est d’ailleurs relativement étonnant puisque la majorité des Britanniques se préoccupaient surtout de questions liées à l’économie, l’emploi, l’immigration, les soins de santé… Une fois élu, le Premier Ministre a dû préciser sa stratégie: il fera campagne pour le " oui" sous réserve d’obtenir des réformes de l’Union européenne.


Le 10 novembre, dans une lettre au président du Conseil européen, David Cameron pose ses conditions. Rappelez-les-nous…

En effet, le 10 novembre, il a envoyé cette lettre et tenu un discours à destination du public britannique sur ses demandes de réforme de l’Union européenne qui s’articulent en quatre grandes thématiques. Premièrement, la compétitivité, avec un soutien pour la Commission européenne de moins (mais mieux) légiférer et un appel en faveur des accords globaux de libre-échange. Deuxièmement, la gouvernance économique, avec un plaidoyer pour une meilleure reconnaissance du statut de non-membre de la zone euro. Selon Cameron, les États non-membres de la zone euro ne devraient pas être affectés négativement par les décisions prises par les membres de la zone euro et toutes les décisions de gouvernance économique et monétaire affectant l’ensemble de l’UE devraient être prises par l’ensemble des États. Troisièmement, il insiste beaucoup sur la souveraineté nationale, demandant d’une part que le Royaume-Uni soit exempté de l’objectif du traité de se diriger vers " une Union sans cesse plus étroite" et d’autre part, que les parlements nationaux puissent stopper la législation européenne. Enfin, l’immigration est un des sujets sensibles: Cameron demande une restriction à la libre circulation intra-européenne, notamment pour les futurs nouveaux États ainsi que la possibilité de lutter contre les " abus" à la sécurité sociale (par exemple, en restreignant l’accès aux allocations de chômage ou aux logements sociaux).


Peut-on qualifier ces conditions de raisonnables?

Il faut savoir que ces demandes sont le résultat de discussions informelles que Cameron a eues avec les différents chefs d’État et de gouvernement. Il a d’abord tâté le terrain avant de les émettre. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’elles sont perçues comme raisonnables par l’ensemble de ses partenaires ou par les institutions européennes. En ce qui concerne la compétitivité, cela s’inscrit dans l’agenda de travail de la Commission européenne, donc, ce n’est pas le point le plus contentieux. Et cela permet à David Cameron de continuer à bénéficier du soutien de l’industrie britannique. Une discussion sur le rôle des parlements nationaux devrait être possible également. Par contre, la question de la gouvernance économique mais surtout celle de l’immigration risque de s’avérer beaucoup plus contentieuse. La libre circulation des citoyens européens est au cœur de la construction européenne depuis le Traité de Rome et il est inacceptable pour certains États membres de la remettre en cause. Il faudra voir ce que Cameron pourra obtenir de ses partenaires et des institutions européennes à ce niveau. Enfin, il demande des garanties juridiques. Si cela sous-entend une révision des traités, cela complique évidemment les choses, en termes de calendrier mais aussi parce que chaque État pourrait également mettre ses demandes sur la table et plusieurs, comme la Belgique, pourraient en profiter pour réclamer un approfondissement de l’intégration sur certains aspects. Certaines demandes vont donc être plus compliquées à satisfaire et il est probable que nous verrons émerger des coalitions différenciées sur chacune des questions soulevées par David Cameron dans sa lettre.


L’Union européenne se déforcerait-elle en acceptant une Europe " à géométrie variable"?

Il existe déjà différentes formes d’intégration dans l’Union européenne: le Royaume-Uni par exemple n’est pas dans la zone euro ni dans l’Espace Schengen. La Belgique a la vision d’un grand fédéralisme européen, l’Allemagne et la France le promeuvent aussi même si c’est parfois discrètement, mais ce n’est qu’une vision de l’Europe. Il en existe d’autres. De facto, on a déjà une Europe à géométrie variable.


Une autre crise potentielle se profile pour l’Europe: l’intégration de "nouveaux" États comme éventuellement la Catalogne.

La question de l’adhésion d’une hypothétique république de Catalogne mettrait en effet l’Europe dans une position difficile. Très populaire il y a quelques années, le concept d’Europe des régions est aujourd’hui un peu passé à la trappe. A chaque adhésion, le débat est tendu mais ici, il le serait particulièrement, puisque non seulement l’attitude de l’Espagne serait importante mais également la position que prendraient les autres États faisant également face à des revendications séparatistes. Mais au-delà des tensions ou des crises, on notera que ces États sont pro-européens. Et dans l’ensemble, l’Europe répond à un modèle pragmatique: à chaque crise, l’Union européenne discute, s’adapte et progresse, certes lentement mais c’est plutôt sain.

Rappelez-vous

Jeudi 7 mai.

Les conservateurs emportent les élections législatives au Royaume-Uni.

Le parti du Premier Ministre, David Cameron obtient 331 sièges, soit une majorité absolue à la Chambre des communes.

Remportée haut la main, cette victoire a un impact direct sur l’Europe. Dès l’hiver 2013, en effet, David Cameron avait promis aux Britanniques un référendum sur le maintien dans l’Union européenne.

Elu, il devrait tenir sa promesse d’ici fin 2017.