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Professeur de sociologie en Faculté de Philosophie et Sciences sociales, Dirk Jacobs est directeur du groupe de recherche sur les relations ethniques, les migrations et l’égalité, GERME.

Titulaire d’un Starting Grant du Conseil européen de la recherche (ERC), ses intérêts de recherche portent sur l’éducation, la participation politique, l’immigration et l’égalité.

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Novembre 2015 - Attentats à Paris

Dirk Jacobs, groupe de recherche sur les relations ethniques, les migrations et l’égalité - GERME


Après les attentats de Paris, la Belgique et en particulier Molenbeek ont été pointés du doigt; le journal Le Monde titrant notamment " Molenbeek, plaque tournante du terrorisme islamiste". Dirk Jacobs, Molenbeek est-elle une base européenne du djihadisme?

N’exagérons pas: le problème se pose dans d’autres grandes villes européennes où une petite partie de la communauté musulmane est influencée par des tendances extrémistes, notamment un salafisme radical qui peut virer vers le djihadisme. En 1967, la Belgique a donné les clefs de la grande mosquée de Bruxelles à l’Arabie Saoudite qui a envoyé des imams en Belgique, avec une vision ultra-conservatrice de l’islam et une incompréhension totale de la Belgique. C’est une erreur: les imams devraient être semblables aux fidèles, connaître la réalité locale. On ne peut pas changer l’histoire, mais les attentats de Paris doivent nous faire réfléchir et oser prendre une attitude plus claire entre nos intérêts économiques avec l’Arabie Saoudite et nos valeurs occidentales… Mais, j’insiste: être musulman ne pose pas de problème en soi; c’est une des religions reconnues dans notre pays et la très grande majorité des musulmans considèrent que Daesh ou Al-Qaïda n’ont rien à voir avec l’islam. Mon collègue français Olivier Roy a, je pense, une bonne analyse lorsqu’il dit qu’il ne s’agit pas d’une " radicalisation de l’islam mais plutôt d’une islamisation de la radicalité".


Comment expliquer que certains jeunes partent se battre en Syrie ou se font sauter à Paris, au nom de l’islam?

Le psychologue social John Berry distingue l’attitude vis-à-vis de la société, les institutions d’accueil et l’attitude par rapport à son pays d’origine, sa culture familiale. Il existe quatre possibilités. Premier cas: la personne est favorable à la fois à la société d’accueil et à sa culture familiale, on parle alors d’intégration. Deuxième possibilité: elle est critique à l’égard de la société d’accueil et favorable à sa culture d’origine, on est alors dans la ségrégation communautaire. Troisième cas: elle est positive envers la société où elle vit, voulant faire oublier ses différences et refuse la culture familiale, on parle là d’assimilation. Enfin, quatrième possibilité: elle rejette à la fois la société où elle vit et l’héritage culturel familial; on parle de marginalisation qui peut déboucher sur certaines formes de criminalité (toxicomanie notamment) ou aller parfois jusqu’à la radicalisation: le jeune qui part se battre en Syrie nourrit un rêve identitaire. Mais, quand il rentre en Belgique, il représente un danger réel: comment se sent-il dans notre société? Quel est son projet d’avenir?


Ces jeunes sont nés en Belgique. Pourquoi rejettent-ils le pays où ils ont grandi?

Ils se sentent exclus de nos sociétés occidentales; ils sont à la recherche de repères identitaires; certains, plus influençables, deviennent des cibles pour les recruteurs salafistes. Ce n’est pas une excuse pour les individus, mais il faut vouloir comprendre. La blessure identitaire et l’exclusion sont des réalités dès l’école: les études Pisa de l’OCDE montrent que la Belgique et la France sont les pays dont l’enseignement reproduit le plus les inégalités sociales; les élèves issus de l’immigration réussissent moins bien; nous n’offrons pas la même qualité d’enseignement à tous nos enfants! Et quand ces élèves parviennent à décrocher un diplôme, ils se trouvent confrontés à une autre réalité: la discrimination à l’embauche! Ce n’est pas la seule explication bien sûr mais la situation serait déjà meilleure si tous les habitants se sentaient des citoyens à part entière. C’est essentiel de travailler sur la cohésion sociale. Nous avons commémoré les accords bilatéraux avec le Maroc et la Turquie: ils ont 50 ans, c’est plus vieux que moi et pourtant, on voudrait me faire croire que je suis plus belge que d’autres personnes, de ma génération, qui sont nées comme moi ici? Nous devons accepter que la Belgique de l’avenir est une Belgique multiculturelle, diversifiée, avec plein d’histoires familiales différentes.


Le vivre ensemble que vous évoquez là, c’est un travail de fond qui nécessitera sans doute encore du temps. Mais les attentats de Paris nous ont aussi montré l’urgence d’agir. Peut-on anticiper et voir que des jeunes se radicalisent?

Pour afficher la vidéo, cliquez sur la flèche "play", puis sur le logo YouTube.

Rappelez-vous

Vendredi 13 novembre.

Un vendredi soir presqu’ordinaire à Paris...

Les supporters de foot se sont donné rendez-vous au stade de France pour le match France-Allemagne; des amateurs de rock se retrouvent au concert d’Eagles of Death Metal au Bataclan; des amoureux et des copains dinent ou boivent un verre au Petit Cambodge ou au Comptoir Voltaire, dans le 10e arrondissement…

Soudain, des détonations, des tirs, des cris, du sang…

Armés de fusils d’assaut, ceinturés d’explosifs, des terroristes tuent au nom de l’État islamique. Ce soir-là, ils feront 130 morts et 350 blessés dans Paris.

Très vite, les enquêteurs identifient les kamikazes, interpellent des présumés complices, déjouent un éventuel autre attentat et pointent du doigt la Belgique: Molenbeek-Saint-Jean serait une des bases européennes du terrorisme islamiste.

Le 21 novembre, Bruxelles passe en niveau d’alerte 4, le niveau maximum, en raison d’une menace terroriste "imminente".