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Chargée de cours sur la Russie et le Caucase en Faculté de Philosophie et Sciences sociales, Aude Merlin mène des recherches sur le Caucase au Centre d’étude de la vie politique, CEVIPOL. Elle participe à un projet de recherche européen FP7 sur le Caucase, CASCADE.

Chaque année, elle se rend plusieurs fois sur le terrain. Elle a également participé à des reportages en Russie pour Radio France ainsi qu’à des missions de Médecins du Monde en Tchétchénie et Ingouchie ou encore à Moscou pour la Fédération internationale des Droits de l’Homme, FIDH.

Retrouvez-la dans L’Objet de la recherche.


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L'Ukraine et ses voisins, @ULB www.ulb.be/ulb12mois12experts
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Février 2015 - Nouveau cessez-le-feu en Ukraine

Aude Merlin, Centre d’étude de la vie politique - CEVIPOL


Aude Merlin, les accords de Minsk II tentent de mettre fin à un conflit qui déchire l’Ukraine depuis plusieurs années. Rappelez-nous brièvement comment on en est arrivé là.

L’histoire commence par un rassemblement citoyen: le Président ukrainien Viktor Ianoukovitch annonce qu’il ne signera pas l’accord d’association avec l’Union européenne alors qu’il l’avait promis de longue date. Une large partie de la population ukrainienne se sent flouée et le 21 novembre 2013, elle descend en rue, manifeste, occupe la place de l’indépendance à Kiev, Maïdan Nezalejnosti. La mobilisation dure des semaines; lorsque je me rends à Kiev fin décembre 2013, des dizaines de tentes sont toujours là, dans le froid; les manifestants sont déterminés. C’est un mouvement citoyen, en grande majorité pacifiste, mais il dégénère: les forces de l’ordre tentent de disperser Maïdan; la Rada (le parlement) vote des lois liberticides; la colère monte… Le 19 janvier 2014, les affrontements font des victimes, les premiers morts de ce qui deviendra une guerre… Les 19 et 20 février, on compte plus de 100 morts; le Président Ianoukovitch s’enfuit. En un mois, la Russie parachève l’annexion de la Crimée. Deux régions de l’est – Donetsk, Lugansk – voient s’exprimer des revendications séparatistes. L’armée ukrainienne intervient, face aux séparatistes que rejoignent des volontaires de l’extérieur. Les combats ont fait à ce jour plus de 8.000 morts.


Les accords de Minsk II signés en février 2015 visent notamment un cessez-le-feu. Sont-ils respectés?

Le cessez-le-feu a permis de réduire le nombre de victimes, qui aurait sans doute été plus important sans cela. Néanmoins, son respect est à géométrie variable. En effet, par à-coups, on assiste à une remontée de la tension à intervalles réguliers avec des pics de violence qui conduisent à des morts en nombre conséquent. Parallèlement, on ne peut parler d’un désarmement ni de démobilisation; d’ailleurs, le Président Hollande a déclaré en octobre que Minsk II n’était pas respecté. Minsk I avait déjà été un échec; on verra ici si les parties tiennent leurs engagements… Le Président Poutine a notamment obtenu que les accords de Minsk II incluent le principe d’une réforme constitutionnelle en Ukraine, dans l’optique d’une régionalisation voire de l’octroi d’un statut d’autonomie spécial pour les deux républiques auto-proclamées.


Les républiques auto-proclamées comptent une forte population d’origine russe…

En effet, mais cette zone faisait partie de l’Ukraine, reconnue État souverain et indépendant dès 1991. Par ailleurs, dans le mémorandum de Budapest de 1994, l’Ukraine s’est engagée à se défaire des armes nucléaires héritées de l’URSS - ce qu’elle a fait - et, en contrepartie, elle a obtenu des garanties pour sa sécurité, son indépendance et son intégrité territoriale dessinée dans les contours géographiques de ce qui fut l’Ukraine soviétique. La Russie a signé cet accord. Certes, l’Ukraine est un territoire qui s’est construit de manière très progressive et récente, avec des rattachements de territoires à différentes périodes; 17% de la population y est russe; il y a beaucoup de mariages mixtes ; le pays est sans doute morcelé mais comme la Russie ou même la Belgique l’est aussi!


L’issue du conflit est incertaine. Quels sont les enjeux?

L'Ukraine, entre l'Union européenne et la Russie... voir infographie à droite


A travers ce conflit, la Russie s’approprie un rôle sur la scène internationale et tente de rétablir son influence sur ce que les autorités russes appellent son " étranger proche", à savoir les républiques post-soviétiques. La Russie empêche l’Ukraine de se rapprocher de l’Union européenne et surtout de l’OTAN. Le conflit a aussi posé la question de la sécurité mondiale et du système international né de l’après-guerre froide. Enfin, c’est la souveraineté ukrainienne qui est en jeu: quel modèle politique veut-elle? Quelle démocratie? Aujourd’hui, l’État est (toujours) aux mains d’oligarques qui détiennent à la fois l’économie et la politique, même si certaines réformes ont pu être mises en place. L’Ukraine parviendra-t-elle à mener ces réformes à bien, dans le contexte d’une guerre persistante?


Kiev est à peine à 2000 kilomètres de Bruxelles. Y a-t-il là un enjeu aussi pour l’Union européenne?

Oui, bien sûr, l’Ukraine est un État voisin de l’Union européenne. Elle fait partie des États du " partenariat oriental" lancé par l’UE en 2008, et l’Ukraine est européenne à de nombreux titres, à commencer par la géographie. Ce qui se passe en Ukraine soulève indubitablement la question de la politique extérieure européenne et de la capacité de l’UE à mener une politique extérieure cohérente. Dans le contexte d’une guerre non résolue, l’Ukraine a des défis internes majeurs à relever: lutter contre la corruption et les dérives anti-démocratiques, mener des réformes tout en évitant que ces dernières ne conduisent à une fragilisation sur le plan social, en finir avec cette consanguinité entre le monde politique et économique et le fait que les oligarques continuent à diriger les affaires politiques… Mais, l’Ukraine présente aussi un gros potentiel avec ses 42 millions d’habitants, un haut niveau d’éducation, des industries, une agriculture, etc. L’Union européenne sera-t-elle capable de lui apporter un soutien tout en parvenant à dialoguer avec la Russie sans renier ses principes et ses valeurs?

Rappelez-vous

Jeudi 12 février.

Les accords de Minsk II sont signés.

La négociation entre le Président français Hollande, la Chancelière allemande Merkel, le Président ukrainien Porochenko et le Président russe Poutine a duré quelque seize heures…

Nouvelle tentative après Minsk I, les accords de Minsk II visent à mettre fin au conflit dans l’Est de l’Ukraine (Donbass)

Ils imposent notamment un cessez-le-feu et un désarmement.














Infographie:

l'Ukraine et ses voisins

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