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Directrice du Centre de recherche en Information et Communication (ReSIC), Laura Calabrese s’intéresse au discours médiatique, mais aussi à sa réception. Titulaire de la Chaire de communication multilingue, elle enseigne l'analyse du discours, la communication et la sociolinguistique au sein de la Faculté de Lettres, Traduction et Communication. Elle co-dirige la revue d’Analyse du discours "Le Discours et la langue".


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Avril 2017 - Macron, Président médiatique

Laura Calabrese, Centre de recherche en Information et Communication (ReSIC)


Laura Calabrese, quelles ont été les stratégies de communication mises en place par Emmanuel Macron lors des présidentielles?

La principale stratégie de Macron est de se présenter comme un candidat ni-ni: ni à gauche, ni à droite, tout en étant les deux à la fois. Il va donc produire un discours très peu partisan et tenter de réconcilier des contraires. Il va, par exemple, mettre en avant à la fois la protection des citoyens et le libre échange ou bien la défense de la laïcité et celle des libertés religieuses. Macron se présente donc comme une troisième voie, ce qui lui permet à la fois de sortir du lot et de se différencier des discours extrêmes, particulièrement présents durant cette campagne. Son message est celui de l’équilibre, de la mesure, du rassemblement. De toute évidence, c’était la bonne stratégie à adopter à ce moment-là.

Par ailleurs, il ne répond pas aux codes habituels du discours politique et évite tous les mots connotés politiquement. Il utilise au contraire beaucoup de concepts abstraits très positifs comme confiance, avenir, construire, porter, engagement. Il emploie aussi des mots issus du jargon de l’entreprise: investissement, transformation, innovation, révolution, projets, dynamisme... C’est un candidat start-up qui aime le champ sémantique du changement, du volontarisme, de l’effort, le tout entouré d’une aura très optimiste.


Emmanuel Macron devient Président le 14 mai 2017. Y a-t-il eu un changement dans sa communication?

Pas tant que ça, mais certains éléments relatifs à la campagne ont disparu, comme la tolérance zéro, tandis que d’autres sont apparus. Macron Président parle, par exemple, beaucoup plus de réchauffement climatique -durant la campagne, ce n’était pas ce qui allait le démarquer des autres- car cela lui permet de positionner la France sur l’échiquier international, notamment par rapport aux États-Unis de Trump. Mais ce qui a vraiment changé, c’est son attitude paternaliste qui s’est renforcée après les législatives. A Bucarest, il a notamment dit que le peuple français déteste les réformes, "Il faut lui expliquer où l’on va et il faut lui proposer de se transformer en profondeur pour mener un projet plus grand que soi".


Il s’exprime aussi beaucoup moins dans les médias... Même s’il a annoncé un changement de cap.

On a beaucoup parlé de communication verrouillée: il n’y a pas de off; les ministres ne s’expriment pas après le conseil des ministres; en déplacement, il ne parle jamais d’un autre sujet que celui pour lequel il s’est déplacé... C’est une communication très verticale qui lui permet de se positionner par rapport à ses prédécesseurs. Auparavant, il y avait une réelle inflation de la parole politique avec une circulation permanente de "petites phrases"; or, le projet de Macron est de redonner de la stature à la figure présidentielle, à l’heure actuelle fort dévaluée. Si cette stratégie de communication laisse les journalistes perplexes, elle peut paradoxalement leur redonner un pouvoir de commentaire sur l’actualité politique, jusqu'alors occupée par la profusion de petites phrases. Cependant, pour le Président, elle a des limites; car à un moment de réformes, il faut rendre le discours technique compréhensible pour les citoyens, défendre un projet et donc médiatiser sa parole.

Un autre élément à prendre en compte et dont il faudra suivre l’évolution, c’est la volonté de La République en marche de créer son propre média. Ceci participe d’une confusion entre information (ce que font les journalistes) et communication (ce que fait le discours politique et publicitaire). Or la parole politique, qui est un discours de persuasion, a besoin d’être contextualisée, vérifiée, mise en perspective. Mais aujourd’hui il y a une grande acceptation sociale de ce phénomène de brouillage des frontières (notamment dans les réseaux sociaux numériques, qui en sont le principal vecteur), qui entretient l’illusion d’une communication directe entre citoyens et politiques, avec pour conséquence une dévaluation du rôle du journaliste.

2018: 50 ans de l'assassinat de Bob Kennedy

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Rappelez-vous

Dimanche 23 avril

Les Français se rendent aux urnes pour le premier tour des élections présidentielles: 24% d’entre eux votent pour Emmanuel Macron et son mouvement "En Marche!". Lors du deuxième tour, le 7 mai, il s’impose face à Marine Le Pen (Front National) avec 66,10 % des voix. Il devient alors le plus jeune Président français, âgé de seulement 39 ans.

Issu du parti socialiste, ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique sous François Hollande, le candidat lance son parti en avril 2016. Face aux affaires de François Fillon, candidat des Républicains, et à un Parti Socialiste déchiré, il se hisse dans les sondages et parvient à séduire les Français et les médias, qui, très vite, le qualifient de messie ou le comparent à Jupiter.