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Chef du service de gynécologie-obstétrique de l’Hôpital Erasme, Axelle Pintiaux s’est spécialisée en gynécologie endocrinienne, endocrinopathies et grossesse, colposcopie, hystéroscopies diagnostiques et opératoires, échographies gynécologiques, ménopause et contraception difficile. Enseignante à la Faculté de Médecine, elle a été membre de la Commission nationale d’évaluation des interruptions de grossesse, qui s’est interrompue en 2011.


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Causes de l'avortement en Belgique, © ULB www.ulb.be/ulb12mois12experts
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Causes de l'avortement en Belgique

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Pour en savoir +

Dernier rapportpdf de la Commission nationale d'évaluation de la loi sur l’IVG, 2012.



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Juin 2017 - Décès de Simone Veil

Axelle Pintiaux, Service de gynécologie-obstétrique, Hôpital Erasme


Axelle Pintiaux, quel bilan peut-on tirer du combat de Simone Veil pour l'avortement?

La dépénalisation de l’avortement a entraîné un net recul de la mortalité et de la morbidité des femmes. Depuis la dépénalisation, il n’y a, par exemple, plus d’embolie gazeuse, une pathologie observée très régulièrement chez les femmes ayant subi des injections utérines de savon à haute pression.


La dépénalisation de l’IVG a été adoptée en 1975 en France et en 1990 en Belgique. Pourtant, aujourd’hui, des manifestations contre l’avortement défilent. Ce droit est-il en danger?

Certainement, quand je vois les personnes qui soutiennent les mouvements anti-avortement, je me dis que ce sont des gens déconnectés de la réalité: ils ne se rendent pas compte de la condition féminine. Tout d’abord, dans tous les milieux, les femmes sont soumises à des relations non-consenties et elles ne sont pas toujours protégées. Et puis il y a toute une série de raisons pour lesquelles les femmes peuvent se retrouver face à une grossesse non désirée, qu’il s’agisse d’erreurs dans la prise de contraception ou le déni de la possibilité d’être enceinte. Il ne faut pas non plus oublier qu’il y a des grossesses sur stérilet ou sur pilule même lors d’une prise correcte!

L’avortement est donc nécessaire et doit être encadré médicalement. On voit très bien que dans les pays où il est limité voire interdit, les femmes y ont quand même recours, clandestinement. D’ailleurs après la dépénalisation, que ce soit en France ou en Belgique, le nombre d’IVG n’a pas augmenté. En Belgique, il se situe autour des 19.000 par an. Cela reste fort stable, tout comme le profil des femmes qui y ont recours.


L’avortement n’a donc pas créé "d’abattoirs" à bébés, comme avait pu le dire un des députés contre lequel Simone Veil a bataillé...

Non, par contre, il n’y a pas d’avortement indolore psychologiquement, il subsiste dans notre société, encore très imprégnée religieusement, un sentiment de culpabilité face à l’IVG. L’IVG est toujours vécue comme une faute et reste taboue. Simone Veil l’a dit elle-même : "aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement […], c’est toujours un drame et cela restera toujours un drame".

Quels sont les causes qui mènent à un avortement?
Consultez l'infographie à gauche.


Pour moi, les femmes qui recourent à l’IVG sont des femmes courageuses, qui prennent leurs responsabilités. Elles sont conscientes qu’elles ne sont pas dans les bonnes conditions pour accueillir un enfant... En fait, ce ne sont pas elles-mêmes qu’elles protègent, c’est la condition de l’enfant.


Est-ce que la législation actuelle est adaptée, d’après vous?

Il faudrait évaluer si le délai de réflexion de 6 jours est encore bien nécessaire, surtout quand on se rapproche de la limite. Parce que les femmes qui viennent pour une IVG ont en général bien réfléchi. Or, si elles dépassent la limite des 12 semaines de grossesse, elles doivent aller à l’étranger où le délai est allongé, mais où l’IVG n’est pas remboursée. Chaque année, 700 à 800 femmes belges se rendent ainsi aux Pays-Bas pour cette raison. Le délai légal pourrait aussi être nettement plus élevé pour éviter de confronter les femmes les plus défavorisées à cette barrière financière, situation qui se solde souvent par la poursuite d’une grossesse non souhaitée et ses issues peu favorables. Enfin, la notion de situation de détresse pourrait être supprimée: c’est toujours une détresse pour ces femmes.


A quoi faudra-t-il être attentif dans les années à venir

Aujourd’hui, on manque de médecins qui s’intéressent à l’IVG. Au cours de la formation en gynécologie obstétrique, ils sont formés aux techniques de l’IVG, mais s’en détournent souvent dès qu’ils ont terminé leur formation et travaillent dans le privé. Grâce à des formations spécifiques ou au recours à l’IVG médicamenteuse, le nombre de professionnels de la santé disponibles pour une IVG pourrait augmenter, ce qui permettrait de maintenir l’offre médicale. Mais ce n’est pas suffisant: il faut également conserver le remboursement, sinon ce sont les plus démunis qui souffriront le plus de cette situation.

Rappelez-vous

Vendredi 30 juin

Simone Veil s’éteint à l’âge de 89 ans. Ancienne déportée d’Auschwitz, Ministre française de la Santé et Présidente du Parlement européen, elle va mener plusieurs combats durant toute sa vie, notamment et principalement pour le droit à l'avortement.

Lorsqu’elle est nommée Ministre de la Santé par le Président Valéry Giscard d’Estaing en 1974, elle est chargée de présenter au Parlement une loi dépénalisant l’IVG. A l’époque, 300.000 femmes en France ont recours à l’avortement clandestin dans des conditions déplorables.

Pour encadrer ces pratiques et offrir un accompagnement digne aux femmes en détresse, Simone Veil se battra, y compris contre des députés hostiles, au sein-même de la majorité. Le 17 janvier 1975, la loi Veil légalisant l'IVG est promulguée.