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esprit libre

[à l'université]
 
 
 
Ils furent heureux et eurent beaucoup d'enfants...

Introduite par Isabelle Duret et co-présidée par Francine Gillot-de Vries et Alain-Charles Van Gysel, cette journée a été articulée en deux parties. La première a permis d'entendre Robert Neuburger, psychiatre, Jean Van Hemelrijck, psychologue, Nadia De Vroede, magistrat et Marianne Warnant, avocate. De cette matinée ressort la nécessité d'aborder ces questions en parfaite multidisciplinarité : les décisions et interventions uniques et unilatérales ne correspondent plus aux réalités, à l'approche d'aujourd'hui. Les professionnels de l'enfance sont de plus en plus confrontés à des situations familiales multiples modifiant les angles d'appréhension de la fonction parentale : familles monoparentales, homoparentales, adoptives, séparées ou recomposées, pluri-parentalité. Ces différentes formes de familles transforment la notion même de filiation et donnent lieu à plusieurs manières d'être parents.

De plus, quand il s'agit de l'intérêt de l'enfant après une séparation, les erreurs peuvent s'avérer tragiques, obérer une vie entière. Les intervenants de différentes disciplines doivent réunir leurs informations et expériences et agir en équipe transversale. Il n'est pas exclu, en effet, que face à l'accumulation des dossiers ou à cause d'une vision faussée due à des expériences antérieures ou à la personnalité très forte d'un parent ou même de l'enfant - voire à un manque d'informations - de mauvaises décisions soient prises.

Dans le miroir familial

Au cours de l'après-midi, sept ateliers ont permis à l'assistance (composée en majorité de participantes) de travailler sur des sujets pratiques. Quelques plongées parmi ces travaux... Enfants qui ne veulent plus voir leur père ou leur mère, enfants qui ne se parlent plus, qui reproduisent des schémas prémâchés par l'un des parents et qui en souffrent inconsciemment, accusations lourdes entre parents... L'atelier " Fratrie clivée et conflits de loyauté " animé par Anne Courtois répond à des questions essentielles sur la manière de faire la part du vrai et du faux, et s'interroge sur la façon dont les psychothérapeutes peuvent éviter de pratiquer l'isomorphisme (dans leurs interventions, reproduire en miroir ce qui se joue dans l'univers familial). Comment recoller la porcelaine ? Comment débarrasser les enfants des poids que leurs parents leur ont mis sur le dos ? Autre type de problématique, abordé par l'atelier " Malséparation ", animé par Jan Van Hemelrijck : les raisons pour lesquelles les membres d'un couple se sentent " largués " ou deviennent agressifs après une séparation. Dès que s'écroule le cadre que nous avons construit, celui du couple que nous formons, le mythe que nous avons construit autour de ce concept, nous sommes perdus. Pour remplacer cette histoire détruite, nous avons besoin de construire une autre histoire. Celle du conflit rendant du sens à ce qui en a perdu. Mais il faut dépasser ce conflit éminemment destructeur, en particulier pour les enfants : quand on jette son histoire d'amour, on a tendance à briser par la même occasion le miroir familial.

Dans l'atelier " Autoévaluation de la compétence parentale ", Robert Neuburger met chacun au travail, à charge pour lui de répondre à des questions épineuses du genre " En tant que parent, que fait-on si... ? " J'assiste aux travaux de ce groupe commençant par des valeurs constructives : " sens des responsabilités, respect mutuel, capacité d'amour pour soi et les autres, équité ". Puis, crac, quelqu'un lâche : " Drôlement difficile, ce truc ! ". " On fait ce qu'on peut " dit une autre. " Essayons de garder l'esprit critique " se rassure une troisième. " Rigueur et discipline ", affirme une quatrième. " Apprenons à donner sans chercher à recevoir ", dit gentiment une cinquième. " Compliqué d'avoir un idéal éducatif tant qu'on n'est pas parent ", remarque quelqu'un de plus acerbe. Les participantes se trouvent prises dans un réseau de contradictions, de choix à faire, parfois douloureux, parfois plus légers, comme cette maman d'adoption qui se disputait avec son ex- sur la question de savoir s'il fallait payer les enfants pour faire la vaisselle ? Robert Neuburger confie : " le travail de questionnement est le début de la thérapie. Les réponses doivent venir d'en-dedans ". Vaisselle ou pas, être parent, c'est aussi et d'abord, payer de sa personne.

Les quatre autres ateliers ont tenté d'enrichir, par un outillage systémique ou un regard croisé interdisciplinaire, la compréhension des compétences favorisant un développement psychologique harmonieux de l'enfant. Un bilan qui témoigne de la nécessité de multiplier les échanges entre psychologues d'une part et avocats, juristes et magistrats, d'autre part.

Pierre Efratas


... puis un jour, ils se séparèrent. Une nouvelle histoire commence - parfois douloureuse et conflictuelle - où la notion d'intérêt de l'enfant prend une place centrale. Pour former les multiples intervenants sociaux et juridiques que requiert ce type de situation, le Département de la Formation continue de l'ULB, avec le soutien du délégué général de la Communauté française aux droits de l'enfant et la Fondation Roi Baudouin, a organisé le 26 octobre dernier une journée sur le thème " Justice, séparation, divorces : 'L'intérêt de l'enfant' en question ". Plus de trois cents cinquante personnes ont participé à cette formation.



 
  ESPRIT LIBRE > FEVRIER 2007 [ n°46 ]
Université libre de Bruxelles