[page précédente]    [sommaire]    [page suivante]  
esprit libre

[portrait]
 
 
 
Lise au soleil

Esprit Libre : Au fond, les dentistes sont des artistes...
Lise Brachet : Je voulais faire des études d'art mais ma famille n'était pas très enthousiaste, et je les comprends. J'ai donc pensé que la médecine me conviendrait, avec son côté humanitaire. En plus, mon frère aîné faisait ces études-là aussi et, quand il m'en parlait, je sentais que cela déclenchait quelque chose en moi. Alors je me suis inscrite à l'ULB, tout en me disant " C'est long, je n'arriverai jamais au bout. " Et puis je suis tombée enceinte, je me suis mariée et j'ai donc dû écourter mes études. J'ai alors opté pour la dentisterie. C'est un métier qui m'a beaucoup apporté, parce qu'il donne et demande énormément d'habileté manuelle. Je crois qu'au départ je n'étais pas forcément habile mais je le suis devenue.

Esprit Libre : René Carcan est un graveur belge célèbre, et vous avez eu la chance de bien le connaître...
Lise Brachet : Vers 1978, je me suis dit que c'était très bien d'être autodidacte mais que j'avais envie d'apprendre au moins une technique. Je me suis inscrite aux cours de sérigraphie et de gravure à l'académie de Boitsfort. Mais j'étais un peu frustrée parce que l'on ne faisait que de la gravure en noir et blanc (la couleur nécessitait d'autres techniques qu'il n'y avait pas à cette académie). Finalement, c'est grâce à un de mes patients que j'ai pu entrer en contact avec René Carcan. J'ai été son élève pendant une dizaine d'années. Nous avons sympathisé. Il y avait aussi l'ami de René, qui était son imprimeur, sa soeur, qui faisait la cuisine et les courses, et une dame, Danièle Rebuffat (la tante de Jean Rebuffat, journaliste au Soir) qui, étant pensionnée, l'aidait notamment en tapant des textes à la machine. Il était extrêmement bien entouré. Et on est tous devenus de bons amis.

Esprit Libre : Et, un jour, vous avez fait le grand saut : vous avez cessé votre activité de dentiste.
Lise Brachet : Oui, j'ai arrêté la dentisterie en 1986. En plus, à la même époque, j'ai rencontré mon troisième mari, qui en fait était mon premier amoureux de quand j'avais quatorze ans. Nous nous étions connus à la fête du Lycée Jacqmain, à Bruxelles, parce sa soeur y était. Grand amour... On était sortis ensemble pendant six mois et puis il m'a laissée tomber. Je me souviens que j'étais très malheureuse. Et vingt ans après, comme dans les films, on s'est retrouvés.

Esprit Libre : Dans une interview que j'ai lue de vous, vous avez dit que l'art n'était pas en marge de la réalité mais dans la réalité.
Lise Brachet : C'est à propos de pas mal de peintures que j'ai faites sur le thème de la paix, et également en réaction contre la façon dont l'être humain traite notre planète... Je me suis aussi beaucoup intéressée aux religions, aux cultures, aux philosophies, et à leur importance sur notre vie de tous les jours. La peinture, ce n'est pas seulement de la décoration. Je ne me veux pas militante, le terme est peut-être un peu fort, mais je crois que les artistes ont des antennes... On souffre de voir certaines choses qui se passent, et il faut que ça sorte. On est pris dedans et on s'investit... Mais sinon j'aime la nature, j'aime connaître la vie des gens, leurs repères...

Esprit Libre : Votre papa, Jean Brachet, fut un pionnier de l'embryologie et une des figures marquantes de l'ULB...
Lise Brachet : J'y pense beaucoup. Il parlait souvent de la recherche scientifique et de la nécessité d'avoir une sorte de génie, de l'imagination. Et pourtant il n'aimait pas les artistes... Je crois savoir pourquoi. L'artiste crée sans doute de la même façon que le chercheur, il faut aussi des idées, de l'imagination, mais pour le chercheur cela doit être vérifié par des expériences. Par exemple, mon père a eu l'intuition que le RNA n'était pas uniquement dans les végétaux mais dans tous les corps. Et il a fallu le démontrer. Tandis que l'artiste peut dire " Voilà, j'ai créé ceci et c'est bien comme ça "...

Nicolas Van den Bossche


Elle exerça longtemps le métier de dentiste puis décida de se consacrer exclusivement à sa passion : la peinture et la gravure... Lise Brachet, qui fut l'élève et l'amie de René Carcan, expose ses oeuvres colorées et rythmées à la Maison de l'UAE, du 21 septembre au 20 décembre. Quand nous nous sommes rencontrés, dans son jardin de la chaussée de Waterloo, il faisait très beau. Voici donc le portrait ensoleillé d'une artiste lumineuse.



 
  ESPRIT LIBRE > SEPTEMBRE 2002 [ n°6 ]
Université libre de Bruxelles