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Relations internationales : l'excellence en point de mire

Esprit libre : Vous êtes, depuis un an, vice-recteur " à la politique européenne et aux relations internationales " dans l'équipe de Philippe Vincke. Quel est votre rôle ?
Serge Jaumain : Dans la plupart des universités le secteur des relations internationales s'est fortement développé depuis une vingtaine d'années. Certes, de tous temps, les scientifiques ont entretenu de nombreux contacts à travers le monde mais ceux-ci concernaient surtout la recherche, étaient construits sur une base individuelle et les autorités universitaires s'en préoccupaient fort peu. Les programmes Erasmus ont donné un grand coup de pied dans la fourmilière. Ils ont montré que l'internationalisation (construite d'abord au niveau européen) pouvait aussi concerner l'enseignement. Ils ont surtout facilité la mise en place de premières structures administratives qui, souvent, ont été à la base des futurs bureaux des relations internationales. À l'ULB, on rappellera le rôle fondamental tenu par Chantal Zoller dans ce processus. Cette évolution a conduit les autorités académiques à s'interroger sur leur " politique " internationale. C'est la raison pour laquelle Philippe Vincke a décidé de ressusciter ce vice-rectorat dont la principale mission est de coordonner, de mettre en musique l'ensemble de nos actions internationales. Pour rester dans la métaphore musicale, on pourrait comparer la fonction à celle d'un chef d'orchestre. Il n'est rien sans les musiciens. Sa principale mission est de mettre en valeur et en harmonie leurs talents individuels afin que les compositions solos deviennent de superbes symphonies…

Esprit libre : La politique internationale est donc aujourd'hui un enjeu majeur pour toutes les grandes universités…
Serge Jaumain : Exact, le constat est incontournable. Philippe Vincke a donc choisi de poursuivre la politique menée depuis plusieurs années mais en lui donnant une nouvelle impulsion, en veillant à mieux la coordonner et surtout en cherchant à ce qu'elle soit le plus largement partagée par tous les membres de la communauté universitaire. En recréant ce poste de vice-recteur, il a voulu montrer que les relations internationales devaient être abordées comme un tout… mais un tout à défendre de façon plus transversale. Les compétences relatives à ce domaine sont rassemblées mais les choix sont réfléchis en commun au sein du nouveau Conseil des Relations internationales ainsi qu'avec les autres vice-recteurs. C'est donc un vrai travail d'interaction et d'équipe.

Esprit libre : Quels sont les objectifs qui sous-tendent cette nouvelle politique internationale ?
Serge Jaumain : Les relations internationales ne sont pas un but en soi. Notre objectif est et doit rester l'excellence. Excellence en matière d'enseignement, de recherche, de services à la société. C'est ce qui distingue l'université dans le monde actuel et les relations internationales doivent y contribuer…

Esprit libre : ... l'ULB a noué des relations en matière d'enseignement et de recherche avec de nombreuses universités dans le monde. Faut-il continuer à étendre ce réseau ?
Serge Jaumain : Oui et non. Oui dans le sens où, bien entendu, nous devons accroître le rayonnement de l'ULB et chercher de nouvelles alliances. Non dans la mesure où ceci ne doit pas se faire à n'importe quel prix. Une de mes priorités est de consolider ce qui existe et qui devrait bien mieux fonctionner. Cette première année m'a permis de rédiger un état des lieux dont les conclusions sont significatives. Prenons par exemple l'ensemble des conventions signées avec d'autres universités, nous en comptabilisons 376. Excellent... à première vue car si on les examine de manière plus détaillée, on se rend compte que beaucoup d'entre elles ne sont plus " actives ". Elles nécessitent néanmoins du travail administratif et surtout, elles ne reflètent pas la réalité de nos relations internationales. Faut-il dès lors les conserver ? Pour moi la réponse est clairement non. Je préfère moins de conventions mais des conventions solides et qui témoignent de réels échanges. Je souhaite par contre encourager les collègues qui travaillent très régulièrement avec d'autres institutions à traduire cela en conventions.

Esprit libre : Quelles sont les zones de la Mappemonde où nous devrions renforcer nos partenariats dans les années qui viennent ?
Serge Jaumain : Elles sont nombreuses mais on ne peut les choisir sans analyser la réalité de nos relations en matière de recherche et d'enseignement. En Amérique du Nord, il faut transformer en conventions institutionnelles les nombreuses collaborations établies avec les universités des États-Unis. L'accord de partenariat privilégié signé avec Berkeley est un premier pas. En Europe, nous devrions renforcer notre présence dans les pays scandinaves. Et puis il y a bien sûr l'Asie (toutes les universités du monde se tournent vers la Chine, vers l'Inde…) et aussi l'Amérique latine qui est en plein développement. Nous sommes d'ailleurs en train de mettre sur pied avec le CGRI un superbe programme de bourses de cotutelles de thèses avec le Chili. Il y a enfin l'Afrique où l'ULB a toujours eu des relations privilégiées grâce à une intense activité en matière de coopération universitaire au développement. Il faut bien entendu maintenir et renforcer nos positions en Afrique centrale. Il serait par ailleurs intéressant d'être mieux implanté au Maghreb.

Esprit libre : Vous voudriez aussi promouvoir l'internationalisation de notre corps scientifique et enseignant…
Serge Jaumain : Il faut attirer les professeurs et les chercheurs les plus compétents. Cela ne signifie bien sûr pas négliger les candidats formés à l'ULB mais ceux-ci doivent pouvoir se forger une expérience internationale. Depuis cette année le recteur demande aux candidats qui postulent pour une nomination ou une promotion d'exposer non seulement leur projet de recherche et leur projet pédagogique, mais aussi leur " projet international ". L'objectif est d'inciter chacun à s'interroger sur ce qu'il peut apporter sur ce point à l'Université. Une expérience internationale, par exemple sous forme de post-doctorat, devient un élément important des dossiers académiques. Le Conseil d'administration vient d'ailleurs de voter une importante réforme de la carrière des assistants en créant des " post-doc' ULB ".

Esprit libre : La coopération est justement une autre partie essentielle des relations internationales…
Serge Jaumain : Oui et je voudrais insister sur ce point : il ne s'agit plus uniquement d'une action de type humanitaire inscrite dans la troisième mission de l'université. La coopération au développement fait aujourd'hui partie de la stratégie internationale de l'Université et constitue un apport direct à notre enseignement et à notre recherche. Je suis par exemple très admiratif pour ces étudiants de médecine qui ont effectué en 2006 un stage à l'Hôpital Sendwe de Lubumbashi. C'est un merveilleux exemple de politique " win-win " : pour les stagiaires, pour l'Hôpital, pour l'ULB. C'est ce type de coopération que nous devons privilégier. Mais attention, si la coopération dans le domaine médical ou les sciences et techniques (Ndlr : voirarticle à ce sujet en novembre) doit continuer à se développer, il faut encourager aussi les chercheurs d'autres disciplines (je pense par exemple aux sciences humaines) à être beaucoup plus actifs en matière de coopération. Je voudrais aussi montrer aux jeunes chercheurs toutes les possibilités qui s'offrent à eux (Ndlr : voir page 10).

Esprit libre : Comment faire mieux connaître, en interne comme en externe, notre profil d'université internationale ?
Serge Jaumain : C'est une autre de mes préoccupations. On doit parler beaucoup plus de ce que l'on fait en matière de politique internationale et surtout des possibilités offertes. Avec mon collègue vice-recteur Marc van Damme, nous avons proposé au recteur d'organiser deux grands rendez-vous annuels sur le campus. Une " Journée d'Europe " tout d'abord qui est l'occasion de montrer que notre slogan " Université libre de Bruxelles-Université d'Europe " reflète un réel engagement politique. Nous mettrons donc pendant une journée l'ULB aux couleurs de l'Europe. Une seconde journée sera dédiée à la coopération qui mettra aussi à l'honneur nos relations avec les pays émergents. Nous souhaitons associer étroitement les cercles étudiants à ces deux journées, proposer des activités, donner de l'information au travers de conférences ou d'activités plus ludiques, etc. Ce sera aussi l'occasion de mettre à l'honneur les nombreux étudiants et chercheurs étrangers présents sur nos campus…

Esprit libre : ... il faut en effet s'intéresser aussi à ceux qui viennent à l'ULB.
Serge Jaumain : Bien sûr. Nous réfléchissons pour le moment à une révision de notre politique d'accueil des étudiants mais aussi des chercheurs étrangers. J'aimerais que l'on puisse dire un jour que l'ULB est l'une des universités européennes où ils sont le mieux accueillis… Mais, en dépit de nombreuses bonnes volontés, il y a encore du boulot ! Je travaille en ce moment sur un projet de création d'un centre de mobilité qui jouerait le rôle de porte d'entrée à l'Université pour les étrangers et qui, de ce fait, déchargerait de nombreux services d'une série de questions que l'on ne sait pas toujours vers qui rediriger.

Esprit libre : Vastes chantiers…
Serge Jaumain : C'est vrai, mais le défi est passionnant !

Alain Dauchot

En Belgique, l'Université libre de Bruxelles se distingue par le métissage des populations qui la fréquentent : plus de 25 % d'étudiants étrangers, issus de pays européens mais aussi d'Afrique, d'Amérique et d'Asie… Une diversité à l'image de l'ouverture sur le monde qu'a toujours privilégiée l'institution. Enseignement, recherche, services à la communauté, coopération au développement : quelles sont aujourd'hui nos priorités en matière de collaborations internationales ? Rencontre avec Serge Jaumain, vice-recteur à la politique européenne et aux relations internationales.



Journée de l'Europe à l'ULB
Le 17 octobre
Campus du Solbosch
Infos : www.ulb.ac.be

 
  ESPRIT LIBRE > OCTOBRE 2007 [ n°52 ]
Université libre de Bruxelles