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esprit libre

[à l'université]
 
 
 
Quand cannabis rime avec dépendance

Des complications touchant différentes sphères (mal-être, difficultés personnelles, relationnelles, sociales, scolaires ou professionnelles, manque de motivation, anxiété…) peuvent accompagner la consommation de cannabis. Les études visant à évaluer les effets de celui-ci sur la santé physique, psychologique et sur le fonctionnement social des usagers soulignent des effets immédiats sur l'organisme. Sur le plan cognitif, sa consommation provoquerait des déficits mnésiques à court terme; lorsque la consommation est plus importante, des troubles du langage ou de la motricité peuvent apparaître, bien qu'ils semblent régressifs en cas de cessation de la consommation. Par ailleurs, un usage intensif prolongé peut altérer le parcours scolaire ou professionnel chez certaines usagers. Il existe également des risques à long terme, qui peuvent être liés au mode de consommation (fumée), à la qualité du produit (coupe du cannabis plus ou moins toxique ou présence éventuelle de pesticides dans la culture de la plante), ainsi qu'à la présence de tabac (risque accru de cancer). Au niveau psychique, la consommation de cannabis peut influencer certains troubles psychiatriques comme les troubles anxieux, dépressifs, la schizophrénie et certaines psychoses, notamment lors de l'arrêt brutal de l'usage.

Quelle prise en charge ?

Le cannabis ayant longtemps été considéré comme une substance n'induisant pas de dépendance physique et une dépendance psychique relativement faible, aucune prise en charge thérapeutique spécifique n'existait. Mais depuis quelques années, les demandes de traitement augmentent régulièrement. Face à ce phénomène, le Service de psychiatrie et de psychologie médicale du CHU Brugmann a été amené à se préoccuper davantage du traitement de ce type de conduite addictive. C'est dans ce cadre que, depuis 2003, une Clinique du Cannabis destinée à accueillir spécifiquement des personnes ayant développé une consommation problématique de cannabis a été mise en place. Objectif : proposer aux consommateurs de tout âge ainsi qu'aux familles, des services diversifiés et adaptés, susceptibles de les aider de manière pragmatique et cohérente : évaluation multiaxiale de la consommation, aide pour motiver l'arrêt, le sevrage, pour gérer les conflits familiaux ou les problèmes d'ordre judiciaire, etc.

Degré de dépendance

La prise en charge spécifique des usagers de cannabis s'inspire en grande partie des interventions thérapeutiques ayant montré leur efficacité auprès de patients alcooliques. Il s'agit toujours d'un programme individualisé qui dépend des désirs du patient, de l'importance des répercussions de la consommation de cannabis dans les différents domaines de sa vie, des comorbidités psychiatriques… Les techniques sont essentiellement basées sur la thérapie cognitive et comportementale centrée sur l'analyse des facteurs sous-tendant la consommation et l'entraînement à de nouvelles stratégies d'adaptation au stress. Cette approche est combinée, quand c'est nécessaire, à une médication dont le but est de traiter les signes de sevrage (irritabilité, troubles du sommeil, nausées, malaises, etc.) mais aussi les éventuelles comorbidités psychiatriques (troubles dépressifs ou anxieux).

Recherches et projets

À côté de cette activité clinique, la Clinique du Cannabis s'inscrit également dans les activités de recherche menées de longue date dans le domaine des assuétudes par le Laboratoire de Psychologie médicale, dépendant de la Faculté de Médecine, mais fonctionnant en synergie avec le Service de psychiatrie et de psychologie médicale sur le site du CHU Brugmann. Dans ce contexte, nous venons de terminer une étude longitudinale sur la santé et le fonctionnement psycho-social de consommateurs de cannabis. Cette étude, s'inscrivant dans les projets de recherche d'appui à la Note " politique fédérale relative à la problématique des drogues ", a permis de mettre en évidence les relations troubles entre la consommation apparemment sans problème de cannabis et un usage " à risque " d'autres produits comme l'alcool ; un autre enseignement important en a été la constatation que, chez des consommateurs non encore dépendants, des interventions très simples basées sur l'information ont un potentiel préventif majeur. Par ailleurs, un programme mené en partenariat avec le Center for Treatment Research on Adolescent Drug Abuse (Université de Miami) nous permet de tester actuellement un modèle novateur de thérapie familiale multidimensionnelle (Multi-Dimensional Family Therapy) chez de jeunes consommateurs.

L'expérience acquise lors de la mise en place de la Clinique du Cannabis documente de façon exemplaire la nécessité pour nos hôpitaux de rester, malgré un contexte parfois troublé, attachés à un mode de fonctionnement universitaire, c'est-à-dire combinant soins aux patients, service à la société, recherche et diffusion des connaissances.

Valérie Antoniali
psychologue responsable de la Clinique du Cannabis
 Professeur Paul Verbanck
chef du Service de psychiatrie et de psychologie médicale

Le cannabis est le produit psychotrope le plus utilisé dans le monde. Les études montrent que l'usage de cannabis est un phénomène qui s'est développé partout en Europe au cours des années 90 et la Belgique ne fait pas exception. Souvent, la première consommation démarre tôt, au début de l'adolescence, vers l'âge de 13-14 ans et même si une grande partie des consommateurs de cannabis parviennent à gérer leur consommation sans réels dommages d'ordre somatique, psychologique ou social, pour nombre d'usagers, la consommation abusive et la dépendance au cannabis sont une réalité.



 
  ESPRIT LIBRE > NOVEMBRE 2007 [ n°53 ]
Université libre de Bruxelles