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esprit libre

[coup de projecteur]
 
 
 
Rendre scientifiques la société… et le commerce. Relire l'histoire de l'Ecole commerce Solvay.

En juin 1903, Ernest Solvay offre à l'Université libre de Bruxelles de créer une Ecole de commerce : " (…) le pivot de l'organisation nouvelle (est) l'enseignement commercial proprement dit. L'objet de cet enseignement doit être de faire saisir le mécanisme des affaires : les questions d'application, la pratique commerciale feront l'objet d'un ensemble de cours et de travaux pratiques qui seront exécutés, comme aux Etats-Unis, dans un véritable bureau commercial, outillé et agencé en vue des opérations du haut commerce ". La nouvelle Ecole rejoindra le vaste ensemble qui compose déjà la Cité scientifique du Parc Léopold, sise en plein cœur de Bruxelles, et dont les instituts travaillent en symbiose avec l'Université.
Pourquoi donc cette 'nouvelle' Ecole, à quelles motivations et à quels objectifs répondent sa fondation ?
Ernest Solvay souhaite créer un cursus formant des " ingénieurs commerciaux " : il s'agit, d'élever au rang de science des activités jusque là perçues comme empiriques.

Charles Graux, administrateur-inspecteur de l'Université libre de Bruxelles inaugurant l'année académique mille neuf cent trois, l'exprime très bien : " les carrières industrielles et commerciales ont été considérées comme inférieures en dignité aux arts libéraux et aux professions libérales (…) Aujourd'hui, partout dans le monde, mais plus qu'ailleurs peut-être en Belgique, l'industrie et le commerce se haussent jusqu'aux degrés sociaux les plus élevés. Ceux qui les exercent ne peuvent, sous peine de déchoir, ignorer les conditions que la nature et les institutions sociales imposent à leurs organismes dans leur formation et leur fonctionnement. La recherche et l'étude de l'origine, de la nature et des effets de ces conditions forment l'objet de l'enseignement supérieur commercial ".

Les révolutions industrielles successives, l'avènement du capitalisme industriel se sont traduits par une montée en puissance de la bourgeoisie. Cette dernière se doit de donner à ses entreprises des gestionnaires à même de comprendre tant le mouvement des affaires que la société en général. L'éducation supérieure est aussi un moyen d'ascension sociale : elle est donc revendiquée peu à peu par les classes moyennes, et formera les fonctionnaires et employés qualifiés nécessaires au déploiement du commerce et de l'industrie.

A ce contexte socio-économique, il faut ajouter un mouvement scientifique : le XIXe siècle finissant promeut donc les sciences et les enseignements universitaires et fait apparaître la figure de " l'ingénieur ".

Solvay souhaitait que l'organisation de la société soit régie par la science. De l'étude de la nature à celles de systèmes sociaux en passant par celle de l'individu, il n'est pas étonnant que son mode de pensée, organisateur des sciences de son temps, produise une science de l'organisation.

Après quelques aléas, Solvay va vite obtenir gain de cause. L'organisation de l'Ecole est confiée à Emile Waxweiler, qui en deviendra le pivot scientifique et la cheville ouvrière.

Le bâtiment est inauguré le 29 octobre 1904. L'Ecole est créée pour " pour permettre à certains de leur élèves de venir se perfectionner à l'Université de Bruxelles ". En ce sens, elle est conçue et préfigure ce que nous désignons aujourd'hui par les " troisièmes cycles ". La note de Solvay insiste sur la nécessité de cours de culture générale, tout en restant modeste et " on a jugé indispensable de donner à la technologie industrielle, étudiée dans ses rapports avec l'organisation économique des affaires, une importance qu'on n'attribue nulle part à cette branche ".

Cent ans plus tard, l'Ecole n'est " ni tout à fait la même ni tout à fait une autre " : elle a acquis ses lettres de noblesse et l'on est loin de la vingtaine d'étudiants qui peuplait l'auditoire du Parc Léopold, ses cours se sont diversifiés, multipliés, elle a créé de nombreuses formations de troisième cycle, s'est internationalisée, intéressée à de nouveaux secteurs…mais le volume et le contenu des cours sont toujours aussi denses et elle conserve un ton qui lui est propre.

Serait-ce, comme le veut la devise officieuse de l'Ecole, parce que " le régime de l'Ecole est sévère " ?

Didier Devriese
Archiviste de l'ULB

En mars 2003, l'Ecole de commerce Solvay fêtera son centième anniversaire. A cette occasion, l'Ecole et les Archives de l'Université retracent l'histoire de ce centenaire.



 
  ESPRIT LIBRE > FEVRIER 2003 [ n°9 ]
Université libre de Bruxelles