L'IMI, un partenariat original pour la recherche médicale
Esprit Libre : Pouvez-vous nous rappeler la genèse de l'IMI ?
Michel Goldman : L'IMI résulte de l'alliance particulière conclue depuis le 1er janvier 2004 entre l'ULB et l'entreprise pharmaceutique GlaxoSmithKline
Biologicals (GSK), en vue de soutenir les recherches menées jusqu'ici par le Laboratoire d'immunologie expérimentale. Le principe
sous-jacent est le suivant : si le développement clinique des vaccins et autres produits d'immunothérapie est du domaine des
entreprises pharmaceutiques, les centres de recherche issus des universités ont un rôle essentiel à jouer dans leur conception.
C'est à eux qu'incombe la recherche d'amont qui vise à tirer parti des progrès en biologie cellulaire et moléculaire pour
générer la nouvelle connaissance et la propriété intellectuelle indispensables au développement de nouveaux traitements plus
efficaces et plus sûrs. Dans ce domaine de la recherche biomédicale, le progrès dépend donc d'un partenariat étroit entre
le monde de l'université et celui de l'entreprise. L'IMI est né de cette prise de conscience.
Esprit Libre : La Région wallonne est également partenaire. Comment se traduit concrètement la tripartite ULB-GSK-Région wallonne ?
Géraldine Faucheux : Cette alliance se traduit par un soutien financier de GSK aux projets de recherche de l'IMI. La collaboration s'accompagne
d'un processus de concertation sur les orientations des projets de recherche et d'un droit de premier refus sur leurs résultats,
moyennant l'acquisition des licences nécessaires à leur exploitation. Ce partenariat novateur s'est vu renforcé par un soutien
important de la Région wallonne, avec l'objectif de créer en Wallonie un pôle d'excellence européen en matière de vaccins
et de thérapeutiques immunologiques.
Pour un budget annuel global de 5M d'euros, le financement de l'IMI est assuré aujourd'hui à raison de 50 % par la Région
wallonne (2,5 M d'euros), 30 % par les subsides à la recherche alloués à l'ULB (1,5 M d'euros), et 20 % par GSK (1 M d'euros).
Un budget important donc pour un projet de taille qui repose sur des enjeux complexes liés à la composition de son partenariat.
Esprit Libre : En pratique, comment s'organise cette nouvelle implantation ?
Géraldine Faucheux : Désormais voisins directs de l'IBMM, les chercheurs de l'IMI partagent à Gosselies un bâtiment flambant neuf avec l'asbl Biovallée
et ses spin-offs. L'IMI occupe ainsi un espace de 1.600 m² de bureaux et de laboratoires sur 3 étages du bâtiment qui accueille
actuellement 50 personnes. Les laboratoires sont équipés de matériel scientifique de pointe destiné à optimiser l'environnement
de travail des chercheurs. Au rez-de-chaussée se situe l'animalerie commune à l'IMI et Biovallée ; elle fonctionne selon
les standards de qualité " SPF " (Specific Pathogene Free) en vue d'optimaliser l'expérimentation animale.
L'équipe technique et administrative s'est étoffée pour gérer l'ensemble de l'infrastructure et des contrats de l'IMI. Deux
plateformes technologiques transversales communes aux 6 unités sont mises en place, l'une consacrée à la cytométrie de flux,
l'autre à la biologie moléculaire. La direction de l'infrastructure technique mise à disposition des chercheurs de l'IMI a
été confiée à un " lab manager " recruté spécifiquement pour la bonne gestion de l'usage des produits et des équipements investis.
De même, l'IMI s'est doté d'une cellule administrative et de gestion afin de faire face à la taille mais aussi aux enjeux
particuliers du projet. L'IMI établit avec ses chefs d'unité un certain nombre de principes formels de gestion et d'organisation
en vue d'assurer à la fois un fonctionnement efficace de ses activités de recherche et d'administration ainsi que la gestion
de son partenariat avec GSK. Des procédures détaillées relatives à la gestion et l'organisation de l'Institut, la biosécurité,
la soumission des publications, la valorisation des résultats, etc., sont ainsi progressivement établies en concertation avec
les chercheurs, l'administration de l'Université et les partenaires de l'IMI.
Esprit Libre : Comment ces changements importants sont-ils perçus par les chercheurs ?
Michel Goldman : Malgré les difficultés inhérentes au démarrage des nouveaux équipements et l'éloignement géographique pour la majorité des
chercheurs, le climat général est à l'enthousiasme. Chacun perçoit que l'IMI permettra d'oeuvrer dans des conditions optimales
et de bénéficier d'un environnement privilégié. À cet égard, la proximité immédiate de l'IBMM qui abrite notamment le Laboratoire
de physiologie animale (Profs J. Urbain, O. Leo, M. Moser), le Laboratoire de virologie moléculaire (Prof. C. Van Lint) et
le Laboratoire " Action et régulation des cytokines " (Profs G. Huez et V. Kruys), avec lesquels nous collaborons de longue
date, est perçue comme un atout majeur.
Esprit Libre : La question de l'indépendance scientifique brûle les lèvres. Comment sera-t-elle sauvegardée ?
Michel Goldman : Il s'agit de la question essentielle qui conditionne notre succès. Nous tenons en effet à garantir notre autonomie dans le
choix des projets et la manière dont ils sont conduits. Nous sommes très attentifs à maintenir le caractère académique de
nos recherches, tout en veillant à protéger notre propriété intellectuelle et à valoriser nos résultats. Les clés de cette
autonomie scientifique sont au nombre de trois. D'abord, l'aide dont nous bénéficions de fondations et organismes publics
qui subsidient la recherche fondamentale, en particulier la Politique scientifique fédérale et la Communauté française de
Belgique. À cet égard, il faut souligner que l'IMI n'aurait pu voir le jour sans l'important soutien que nous accorde le Fonds
national de la recherche scientifique (FNRS), à travers des mandats de chercheurs, des conventions de recherche et le Télévie.
Ensuite, des partenariats internationaux dans nos domaines de compétence. Nous avons ainsi noué des liens privilégiés avec
l'équipe du professeur Monique Capron à l'Institut Pasteur de Lille sous la forme d'un accord de collaboration parrainé par
l'INSERM (France) et le FNRS. Nous avons aussi établi un programme commun de recherche et de formation avec l'Institut d'immunovirologie
de l'Université de Montréal (Pr. Rafick Sekaly). Enfin, troisième garant de notre autonomie scientifique : un conseil scientifique
international qui évaluera annuellement nos activités.
Esprit Libre : Vous évoquez souvent l'ancrage de l'IMI dans les réseaux européens de recherche. Pouvez-vous l'illustrer ?
Michel Goldman : L'IMI coordonne un important projet intégré (" RISET ") sur les transplantations d'organes dans le 6e programme-cadre de la
Commission européenne. Doté d'un budget de 10 millions d'euros et regroupant 22 partenaires académiques et industriels, ce
projet vise à l'induction d'une tolérance immunologique vis-à-vis des organes greffés, dans le but de minimiser, voire d'éliminer
les traitements immunosuppresseurs anti-rejet. Une des stratégies les plus prometteuses est basée sur l'utilisation de cellules
souches hématopoïétiques qui sont récoltées chez le donneur d'organes et ensuite injectées chez le receveur de manière à éduquer
son système immunitaire à reconnaître l'organe greffé comme faisant partie du " soi ". Un protocole de ce type mené en transplantation
hépatique grâce à la collaboration d'équipes de l'Hôpital Erasme et de l'Hôpital universitaire de Gand donne déjà des résultats
prometteurs dans la mesure où l'organe greffé reste toléré après arrêt complet du traitement immunosuppresseur.
Par ailleurs, nous sommes partenaires d'un second projet qui vise à accélérer la maturation du système immunitaire chez le
jeune enfant. Celui-ci est basé sur la découverte à l'IMI des bases moléculaires de l'immaturité immunologique du nouveau-né
humain. L'activation de certains gènes dans les cellules dendritiques (les cellules qui déclenchent les réponses immunes)
ne se développe que progressivement au cours des premiers mois de la vie. Ce phénomène explique probablement la susceptibilité
du nouveau-né aux infections, ses réponses vaccinales insuffisantes, et sans doute aussi le déclenchement de certaines formes
d'allergie. La caractérisation d'agents pharmacologiques susceptibles d'accélérer la maturation du système immunitaire représente
une des priorités de l'IMI dans le cadre de ses projets de collaboration en Europe et en Afrique.
Nathalie Gobbe
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Le nouvel Institut d'immunologie médicale de l'ULB (IMI) a été inauguré officiellement le 12 janvier 2005 sur l'Aéropole de
Charleroi-Gosselies. L'occasion de faire le point sur ce projet novateur avec Michel Goldman, directeur de l'IMI, et Géraldine
Faucheux, directrice-adjointe en charge de l'administration et de la gestion de l'institut.
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L'IMI en bref
- Un objectif majeur : le transfert des résultats de la recherche en médecine clinique
- 2 axes de recherche prioritaires : les vaccins et les greffes
- 55 collaborateurs parmi lesquels 6 chefs d'unité, 15 chercheurs post-doctorants, 20 doctorants, 10 technologues, 4 administratifs
- 6 unités de recherche dirigées par des chercheurs seniors
* Immunopharmacologie moléculaire (Dr Fabienne Willems)
* Immunologie néonatale humaine (Dr Arnaud Marchant)
¨* Tolérance néonatale et immunomodulation (Dr Véronique Flamand)
* Transplantation expérimentale et immunorégulation (Dr Michel Braun)
* Tolérance aux allogreffes : modèles animaux et applications cliniques (Dr Alain Le Moine)
* Immunologie clinique (Dr Florence Roufosse-campus Erasme)
- 1600 m² de laboratoires et bureaux
- Un réseau de collaborations académiques nationales et internationales
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