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Anne Pardou Quand bébé arrive sans prévenir...

Esprit Libre : Depuis combien de temps êtes-vous responsable du Service de néonatalogie ? En nombre de naissances, cela doit faire déjà quelques bébés...
Anne Pardou : Depuis 1978. Le nombre d'enfants passant par notre Service a augmenté au fil des années. Nous arrivons, pour la maternité, à environ 1.700 accouchements par an et, au Service de néonatalogie, nous accueillons à présent 600 nouveau-nés par an, dont plus de 50 prématurés de moins de 1.500 grammes. C'est un chiffre en augmentation également.

Esprit Libre : En faisant des études de médecine, vous aviez déjà la volonté de vous spécialiser dans la prise en charge des nouveau-nés ?
Anne Pardou : À la fin de mes études de médecine, j'ai été attirée par la néonatalogie qui était une médecine tout à fait nouvelle à l'époque. Elle s'est développée grâce aux avancées de la physiologie et au matériel qui s'est fortement amélioré, avec des techniques de plus en plus miniaturisées. À mes débuts, les enfants de 1.500 grammes et moins mourraient...

Esprit Libre : Qu'est-ce qui définit la prématurité ?
Anne Pardou : On parle de prématurité pour les enfants nés à moins de 37 semaines de gestation. On peut être prématuré et être plus ou moins " gros ".

Esprit Libre : Est-ce qu'il y a plus de bébés prématurés qui survivent qu'avant ?
Anne Pardou : Effectivement. La limite de viabilité s'est déplacée avec les années : les bébés de 27 semaines ne survivaient pas il y a vingt ans ; maintenant, les bébés qui meurent sont surtout ceux de 26 semaines et moins.

Esprit Libre : Les nouveau-nés prématurés sont particulièrement fragiles...
Anne Pardou : Ces enfants nés à 26 semaines et moins ont 50 % de chance de survie. Ils risquent de nombreuses séquelles que l'on ne peut pas prédire lors de la prise en charge néonatale. Il est donc très important d'expliquer aux parents ce qui risque d'arriver : handicaps moteurs, troubles de l'apprentissage (lecture, calcul, etc.). Ces enfants risquent également d'avoir des problèmes oculaires qui peuvent conduire à la cécité, par exemple. Des problèmes d'audition également... Nous proposons aux parents de faire suivre ces enfants par les neurologues développementalistes de l'institution jusqu'à l'âge de 5 ans.

Esprit Libre : La prise en charge de prématurés nécessite un travail pour le moins pluridisciplinaire...
Anne Pardou : Nous travaillons tout d'abord en collaboration étroite avec les obstétriciens. De nombreuses autres disciplines jouent également un rôle : nous avons des foetologues, des pédiatres néonatalogues, des kinésithérapeutes, des ophtalmologues, des échographistes, des radiologues, des développementalistes... Sinon, dans le Service, nous sommes 8 médecins, une quarantaine d'infirmières, des techniciens biomédicaux, etc.

Esprit Libre : La maman qui vient d'accoucher d'un prématuré a aussi besoin d'un encadrement particulier... Sans parler du papa...
Anne Pardou : Nous essayons de rencontrer les besoins des parents notamment par un accompagnement psychologique, mais malheureusement nous ne disposons pas d'assez de psychologues pour y parvenir parfaitement.

Esprit Libre : Vous appliquez le programme " NIDCAP ", qu'est-ce que c'est ?
Anne Pardou : Nous sommes entrés dans ce programme il y a cinq ans. C'est un programme qui vient des USA et qui est également pratiqué à l'Hôpital Saint-Pierre. Il permet de mieux percevoir les besoins d'enfants à très haut risque de troubles de développement, les moins de 1.500 grammes. Ces enfants sont très instables, ils font des apnées, des bradycardies, des désaturations, en réaction à leur environnement, entre autres : l'environnement dans lequel se trouvent ces prématurés est donc essentiel pour leur développement. Les enfants qui bénéficient de ce programme ont un futur beaucoup plus stable.

Esprit Libre : Est-ce un métier stressant ou le fait d'être entourée de bébés crée-t-il une atmosphère relaxante ?
Anne Pardou : C'est un métier à la fois très stressant mais aussi relaxant, avec beaucoup de moments positifs !

Esprit Libre : Vous venez de publier un petit ouvrage de témoignages, d'histoires vécues, accompagné de dessins qui illustrent la naissance... Vous avez senti le besoin de partager vos émotions ?
Anne Pardou : Tout ce qui touche la naissance ou la mort est empreint d'émotions ; les histoires vécues ici marquent chacun d'entre nous dans le Service. J'avais envie de raconter cette aventure, que cela puisse servir aux parents de ces enfants, mais aussi à tout le monde, de montrer l'humanité de notre métier. Partager son histoire avec d'autres, et aussi permettre aux parents de sortir de leur propre histoire en partageant celle des autres.

Alain Dauchot


Un doux cocon, une température ambiante de 25 degrés, des petites mains qui s'agitent sous la couveuse... L'ambiance qui règne au Service de néonatalogie de l'Hôpital Erasme est empreinte de sérénité. Pourtant, dans ce Service dirigé par Anne Pardou, on côtoie aussi bien la vie que la mort. Des émotions qu'elle a vécues, Anne Pardou a fait un petit ouvrage : des textes touchants sur autant d'histoires vécues, illustrés par les dessins de Marianne de Grasse. Rencontre.



Vous désirez acquérir l'ouvrage d'Anne Pardou ?
Pour obtenir " Contes pour parents de petits bonhommes et petites bonnes femmes ", contactez Lydia Matthijs, 02 555 34 30 ou lymatthi@ulb.ac.be. Prix de vente : 10 euros.

" Venir au monde.
Étonner, attendrir, accrocher le regard.
Découvrir le monde environnant à petits pas.
Eveiller la curiosité du nouveau petit d'homme.
(...) "

 
  ESPRIT LIBRE > FEVRIER 2005 [ n°28 ]
Université libre de Bruxelles