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Énergie et géopolitique : les choix à court terme

Avant la révolution industrielle, le bois fournissait l'énergie. Il constitue encore la base pour les pays les plus en retard sur le plan du développement. Ce fut ensuite l'épopée du charbon, puis du pétrole, puis du gaz naturel. Enfin est arrivée " l'énergie scientifique " : le nucléaire, qui représente 31% de notre électricité.

Quelles énergies ?

Le développement des énergies renouvelables est l'une des priorités de la politique énergétique de l'Europe, qui cherche à produire 12 % de sa consommation totale d'énergie d'ici 2010 à partir de ces ressources. Personne au monde n'a fait autant en faveur de ces énergies que l'Europe. Si leur développement se révèlera intéressant, l'avenir, pourtant, se basera pour les trente prochaines années sur les combustibles fossiles. Quoi qu'il en soit, la meilleure énergie restera toujours celle... que l'on n'utilise pas. L'efficacité énergétique doit être LA priorité absolue, raison pour laquelle il faut relancer une forte politique en sa faveur.

Pénurie ?

Disons-le sans ambages : il n'y a aucun risque de pénurie avant longtemps. Le monde regorge d'énergies fossiles. Manipulant l'opinion publique, les catastrophistes et les altermondialistes s'en donnent à coeur joie en prédisant des malheurs aussi divers qu'improbables, comme le baril à 300 $. Il y a trente ans, on parlait de 30 années de ressources pétrolières. Aujourd'hui, l'estimation des réserves dépasse les 40 années. Cette progression tient à une révolution technologique. Certains prévoient un pic de production de pétrole dans les prochaines années ; il faut savoir que cette théorie a comme hypothèse de départ qu'il n'y a pas de progrès technologiques et qu'il n'y a pas d'action politique en faveur de la prospection. Précisons également qu'il y a encore plus de gaz naturel que de pétrole, puisque ces réserves sont évaluées à 67 années de consommation. Et la prospection est loin d'être terminée. Quant au charbon, ses réserves (164 années) en font un combustible de choix pour assurer l'avenir énergétique, même si la contrainte environnementale est plus sensible car il produit plus de CO2 et d'autres polluants atmosphériques. Là aussi la technologie est le passage obligé.

Et puis il y a le nucléaire : partout l'on voit renaître un intérêt pour cette source d'énergie. Elle existe et restera bel et bien présente sur la scène énergétique pour les trente prochaines années. Tous les yeux sont tournés vers la Finlande pour suivre les résultats économiques de la seule centrale en construction en Europe.

Le coût du pétrole

Durant un an, le prix du brut n'a cessé de monter au gré de phénomènes aussi variés que transitoires. Depuis, on assiste à une décrue des prix et à des menaces de l'OPEP de diminuer sa production pour éviter l'effondrement des prix. Pour éviter que le prix du pétrole ne s'envole, nous pouvons cependant compter sur trois solides polices d'assurance : la production de carburant automobile à partir du charbon, à partir du gaz naturel par la filière GTL (gas to liquids) et les biocarburants, sous réserve du maintien des aides agricoles.

Les risques

Si nous avions pu produire ne serait-ce que la moitié de nos besoins à partir des énergies renouvelables, la géopolitique du monde serait bien différente aujourd'hui. C'est parce qu'il n'existe pas d'alternatives aux énergies fossiles pour les trente prochaines années - et sans doute bien plus - que l'actualité internationale est conditionnée par l'énergie. Car s'il n'y a pas de risque de pénuries, il y a bel et bien un risque géopolitique du fait que les réserves d'hydrocarbures sont concentrées dans des régions peu connues pour leur transparence ou leur stabilité : le Moyen-Orient, la Russie et les pays de la Mer Caspienne, l'Irak n'étant que la partie la plus visible.

La première solution passe par le dialogue avec les pays producteurs qui finiront bien par comprendre que la meilleure stratégie est celle du gagnant-gagnant. L'UE en a fait une pierre angulaire de sa stratégie de sécurité d'approvisionnement avec la Russie et le Moyen-Orient. Le processus de démocratisation voulu par Bush au Moyen-Orient repose également sur cette indispensable ouverture.

Les réserves de gaz naturel sont abondantes. Là où le bât blesse, c'est son acheminement vers les consommateurs. Les solutions existent déjà : la filière du gaz naturel liquéfié apportera la nécessaire fluidité au marché. Mais le grand chantier est la toile gazière qui est en train de se tisser dans le monde pour transporter tout ce gaz.

L'énergie a apporté le développement économique et le bien-être et il n'est pas question de retour en arrière ! Au contraire, les deux milliards de personnes dans le monde qui ne sont pas encore reliées à l'électricité n'aspirent qu'à pouvoir en bénéficier. Nous devons pour cela maîtriser l'environnement et la géopolitique de l'énergie. N'ayons pas peur !

Samuel Furfari

Chef d'unité adjoint DG énergie et transport de la Commission européenne, Titulaire du cours de Géopolitique de l'approvisionnement et de la distribution de l'énergie, ULB

L'énergie est sans conteste un des problèmes majeurs du XXIe siècle. De tout temps, l'homme a eu besoin de l'énergie et depuis la révolution industrielle sa consommation n'a fait que croître. Hélas, rien ne nous permet de dire que dans l'avenir nous allons en consommer moins. À moins d'une révolution aujourd'hui non prévisible... mais non improbable.



 
  ESPRIT LIBRE > FEVRIER 2006 [ n°36 ]
Université libre de Bruxelles