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Cinquantenaire de l'implantation européenne Bruxelles, Capitale de l'Europe ?

L'implantation européenne à Bruxelles est communément organisée par ce que les ministères des Affaires étrangères appellent la " politique du siège ". Celle-ci consiste à répondre à la demande d'infrastructures (bureaux, écoles, crèches...) formulée par les institutions européennes. À Bruxelles, cette politique du siège s'est essentiellement organisée par l'entremise du secteur privé. Situation qui a longtemps réduit l'implantation européenne dans la ville à une opposition entre les intérêts techniciens de gestion d'infrastructures, couplés aux intérêts financiers des investisseurs, et les intérêts locaux, liés à l'habitat et au libre accès aux équipements collectifs.

Néanmoins, il semble que depuis quelques années le vent tourne... Certains se souviennent encore des vaillantes intentions de Guy Verhofstadt lors de son accession à la présidence de l'Union en 2001. Le rapport " Brussels, Capital of Europe " publié sous ses auspices et ceux de la Commission européenne soutenait l'importance du développement d'une culture européenne à Bruxelles.

L'OmbudsPlanMédiateur (2003) a imaginé la mise en place d'une plateforme de gestion multilatérale des aménagements du quartier européen. De même, sur le ton de la critique, on se souvient des occupations ludiques d'espaces publics du quartier européen par le collectif Citymine(d) ou du chapiteau de Rem Koolhaas sur le Rond-point Schuman. Plus constructives furent les négociations entre institutions belges et Parlement européen pour l'extension de l'Espace Léopold : on obtint un centre culturel polyvalent théoriquement destiné au Musée de l'Europe mais finalement affecté au Centre des visiteurs du Parlement. De même, la Commission européenne apporte son soutien à l'initiative d'un comité d'habitants, le GAQ, pour réaliser une exposition qui retrace le destin européen de Bruxelles et l'histoire tourmentée de l'implantation des institutions européennes à Bruxelles, grâce à l'entremise d'un nouvel acteur : le Fonds Quartier européen. Autant d'initiatives qui ont fait le pont entre deux domaines encore solidement distingués : les politiques d'aménagement et les politiques de valorisation.

Quelle identité ?

Ce rapprochement entre une zone de travail et l'idée d'un espace attractif semble avoir pris une consistance institutionnelle aux dernières Assises du tourisme (2005). Evelyne Huytebroeck, accompagnée de Charles Picqué, Pascal Smet et Benoît Cerexhe, ont convoqué cette assemblée pour produire une réflexion sur un plan stratégique destiné à " affronter la concurrence " des autres métropoles européennes. C'est à cette occasion que fut mis en lumière l'enjeu fondamental représenté par l'identité européenne de la ville, devenue, depuis ce jour, une priorité timidement affichée de l'agenda des dirigeants de la Région. Comment, dès lors, ne pas manquer le coche de 2007, année du cinquantenaire de l'implantation européenne à Bruxelles et de celui du Traité de Rome pour redorer le terne blason de l'Europe à Bruxelles ? Voilà comment se sont finalement résumées les préoccupations des dirigeants bruxellois soucieux de faire de Bruxelles " la " capitale de l'Europe... Dans cette perspective, une cellule " image de Bruxelles " s'est créée au cabinet Picqué afin de relier des acteurs publics s'ignorant jusqu'alors : le fédéral, le régional, l'Union européenne et la Ville de Bruxelles. Par ailleurs, la ministre en charge du tourisme à la COCOF a demandé à l'IGEAT de réaliser plusieurs itinéraires européens de découvertes de Bruxelles afin de guider le touriste dans sa visite non de la " Capitale de l'Europe " mais du plus modeste " café de l'Europe "... Ainsi, le fameux plan stratégique visant à organiser une " gouvernance urbaine " et un " projet urbain " bruxellois s'est discrètement effacé... au profit d'une fragmentation des initiatives publiques et privées associées à un événement et non à un projet de développement cohérent pour Bruxelles autour de son identité européenne.

Cacophonie

À parcourir le programme de ce double cinquantenaire européen et bruxellois, il semble que, faute d'encadrement et de dynamique réflexive volontariste, de multiples définitions de l'identité européenne seront présentées : tantôt centrées sur les " objets européens " bruxellois, tantôt sur les " ambiances européennes " plus subjectives, tantôt encore sur la " socialité européenne " et cardinalement sur le multiculturalisme...

Faute de chef d'orchestre, " Bruxelles, Capitale de l'Europe " se présente comme une cacophonie. Cacophonie heureuse dans la mesure où elle peut, théoriquement, permettre à la sacro-sainte pluralité culturelle de s'exprimer. Malheureuse dans la mesure où se dessinent des rapports de force liés notamment aux inégalités dans la production et la diffusion d'imaginaires de Bruxelles comme " Capitale de l'Europe ". Les experts en communication ( architectes, urbanistes, managers du tourisme, etc.) apparaissent, dans ce contexte, comme détenteurs d'un pouvoir important marginalisant des initiatives plus fragiles attachées à la subjectivité de la vie urbaine. Ainsi, si Bruxelles semble s'ouvrir à son statut de " petite ville globale " où l'identité européenne devient centrale, elle laisse néanmoins en marge un enjeu de taille : l'organisation d'un débat public sur le bien commun que peut présenter cette couleur européenne donnée à Bruxelles par une somme d'intérêts particuliers...

Vincent Calay
Doctorant ULB (Fonds d'encouragement à la recherche) Institut de gestion de l'environnement et d'aménagement du territoire (IGEAT) Groupe de recherche sur l'action publique (GRAP) Licencié en Science politique et Diplômé en géographie humaine

Bruxelles, " Capitale de l'Europe ", voilà l'onguent qui adoucit aujourd'hui le statut de Bruxelles comme " siège des institutions de l'Union européenne ". Deux expressions souvent confondues mais qui, pourtant, se situent dans deux galaxies imaginaires et institutionnelles très différentes.



 
  ESPRIT LIBRE > FEVRIER 2007 [ n°46 ]
Université libre de Bruxelles