LA TABLE D'AFFAIRES INVITE ALAIN ZENNER
ESPRIT LIBRE : : Fiscalité, politique, ministère des finances, tout cela donne une image de sérieux irrépressible ?
Alain Zenner : : commençons alors en boutade par quelques citations d'humour noir fiscal : Un humour réaliste, comme Frédéric Dard : " C'est
au moment de payer ses impôts que l'on s'aperçoit qu'on n'a pas les moyens de s'offrir l'argent qu'on gagne ". Surréaliste,
comme raymond Devos : " Chaque fois que mon percepteur revenait, je payais un impôt sur le revenu ". Plaintif, comme Pierre
Véron : " Puisque l'impôt a une assiette, pourquoi mage-t-il toujours dans la nôtre ? "Facétieux, comme Pierre Dac : " Pourquoi
payer ses impôts sur le revenu ? Il vaut mieux attendre qu'ils repartent " Ou encore très arc en ciel, comme Alphonse Allais
: " Il faut demander plus à l'impôt et moins au contribuable "
ESPRIT LIBRE : : Etre plongé dans les chiffres jusqu'au cou permet-il d'en sortir, de voir autre chose que des chiffres ?
Alain Zenner : : Tout au contraire, l'analyse des chiffres permet une vue globale sur la vie et la situation réelle du pays : notre pays est
l'un des plus prospères au monde . On a trop facilement fait état du ralentissement de la croissance, alors que sur d'autres
plans les résultats s'avèrent positifs : notre taux de chômage est repassé sous la moyenne européenne, notre taux d'activité
atteint les 60% (plus de quatre millions de personnes travaillent ans notre pays) ; le taux de productivité du travailleur
belge est un des plus élevé du monde.
ESPRIT LIBRE : : Et la qualité de vie ?
Alain Zenner : : La Belgique figure au top 5 des 38 pays européens, derrière le Luxembourg, la Suisse, l'Islande et la Norvège pour ce qui
concerne le pouvoir d'achat relatif de la population. Quant aux critères humains, autres que les critères de richesse, tels
que l'espérance de vie, le taux d'alphabétisation, ou la scolarisation, nous sommes deuxième au sein de l'Union européenne
(derrière la Norvège et la Suède).
ESPRIT LIBRE : : Tout semble aller bien, mais ensuite ?
Alain Zenner : : Ces résultats il faut les consolider. La sagesse, en politique aussi, doit être de poursuivre une action à long terme. Sous
la législature précédente, nous avons rétabli l'équilibre budgétaire (pour la première fois depuis 1950), réduit drastiquement
notre endettement. Le long terme et l'alignement de notre fiscalité sur celle de nos partenaires européens est une nécessité
pour garantir notre compétitivité. Et nous devons en même temps adapter les domaines du temps de travail, des charges sociales,
des contraintes administratives.
ESPRIT LIBRE : : Les politiciens auront ils l'éthique de s'attacher à ce développement durable, à long terme ?
Alain Zenner : : Je n'aime pas entendre parler de divorce entre société civile et monde politique. Le second demeure à mes yeux, le reflet
de la première et particulièrement de ses contradictions. S'il y a divorce, me semble-t-il, ce n'est pas tant entre les électeurs
et leurs représentants qu'entre ce que les électeurs souhaitent et ce que leurs représentants sont à même de leur apporter.
C'est entre les attentes de la population et les moyens de les satisfaire. Mais il est vrai qu'un fossé s'est creusé entre
une population exigeante et sceptique et des élus de moins en moins efficaces et convaincants.
ESPRIT LIBRE : : Pourquoi ?
Alain Zenner : : Ce qui est fondamentalement en cause, c'est la difficulté de parler vrai, qui est la seule manière dans une démocratie, de
produire des leaders susceptibles d'inspirer confiance et d'entraîner une population. L'électeur, dans l'isoloir, se laisse
entraîner par une image plus que par une réalité. Et les promesses emportent la sympathie plus que le bilan passé, la politique
spectacle prend de plus en plus d'ampleur. Et le citoyen vote pour une vedette mais s'attend à ce qu'il se comporte en homme
d'état. Si l'on veut réconcilier le monde politique et la société civile, il faut, de part et d'autre, plus de vérité dans
le langage et dans l'écoute. Il faut oser dire qu'il n'y a pas de solutions simples. Il y a des règles et des contraintes
sans lesquelles le système ne fonctionne pas. C'est une force qu'il faut atteindre. Pour conclure, ces considérations engagent
à l'optimisme ; elles engagent aussi à l'effort. Elles supposent que nous ayons tous la force de la pratique et de l'esprit
critique. Soyons confiants dans l'avenir ; faisons nôtre, à l'Union des Anciens, cette maxime d'Albert Camus : " Ce sont les
paresseux qui changent le monde, parce que les autres n'en ont pas le temps. "
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L'UAE a invité, à sa table d'affaires du 26 janvier 2004, l'avocat et ancien secrétaire d'Etat, Alain Zenner, député régional
bruxellois. A cette occasion, l'UAE l'a rencontré.
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