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esprit libre

[coup de projecteur]
 
 
 
Mieux prendre en charge l'enfant gravement malade

Esprit Libre : On a le sentiment que les hôpitaux se sont humanisés ces dernières années ?
Perrine Humblet : C'est vrai. On peut dire que les besoins spécifiques des enfants gravement malades et de leur famille sont mieux rencontrés : environnement mieux adapté aux besoins physiques, éducatifs et affectifs de l'enfant, scolarisation, information améliorée, meilleure couverture des frais.

Esprit Libre : Vous rappelez que de nombreuses études montrent l'intérêt de la présence des parents dans le vécu hospitalier de l'enfant, notamment au niveau du processus de guérison. Quelle est la place réellement faite aux parents dans les hôpitaux aujourd'hui ?
Perrine Humblet : Malgré une intention d'ouverture totale des services, le manque d'espace en limite parfois sévè rement la réalisation. En réalité, seul l'enfant fait l'objet d'une admission. La notion de " chambre mère-enfant ", largement utilisée, ne fait actuellement l'objet d'aucun texte légal relatif aux normes ou à son organisation. Il s'agit parfois d'un simple fauteuil installé pour la nuit, et, dans les chambres à deux lits, seule la mère (ou le père) d'un des deux enfant peut rester la nuit. Le choix peut être très douloureux ! Enfin, on devrait aider les frères et soeurs de l'enfant malade à trouver leur place dans ce moment difficile.

Esprit Libre : Vous soulignez l'importance de l'information et de la communication...
Perrine Humblet : Absolument et cela à plusieurs niveaux. Au début de l'épisode de maladie et d'hospitalisation, les dé marches administratives sont très lourdes pour les parents et représentent un obstacle à l'accompagnement de l'enfant malade et à la continuité de leur pré sence auprès de la fratrie. Il serait souhaitable de mettre à disposition des parents une sorte de plate-forme d'information concernant les différentes mesures sociales (sécurité sociale, éducation, aide sociale). En outre, l'accès à une information correcte permettrait aussi aux parents d'anticiper le coût ré el des soins et des dépenses. Au-delà de l'information administrative, la communication et l'information pourraient également être améliorées sur le plan des soins. Le respect du point de vue des parents, de leurs compétences et de leurs connaissances de l'enfant est un réel enjeu.

Esprit Libre : La presse a fait état de situation parfois très critiques...
Perrine Humblet : Dans le cas de maladies graves, certaines familles ont plus de difficultés ; les familles monoparentales, par exemple. Les mesures de conciliation entre vie professionnelle et vie privée varient fortement en fonction du statut de travail des parents et de leur secteur d'activités. Sans compter que tant les employeurs que les salariés les connaissent mal. Ces mesures ne répondent que très incomplètement aux besoins de situations qui nécessitent très souvent une grande souplesse.

Esprit Libre : Que préconisez-vous ?
Perrine Humblet : Il faudrait revoir la cohé rence des dispositifs existants pour permettre une plus grande souplesse au niveau des durées d'interruption de travail et identifier les catégories de familles qui ne sont pas protégées de manière satisfaisante, en particulier sur le plan financier.

Esprit Libre : Vous relevez également que les mesures assurant la poursuite de la scolarité sont incomplètes ?
Perrine Humblet : La continuité de la vie scolaire pour le petit malade a des effets sur le plan social, psychologique et médical. Il faudrait améliorer la coordination entre l'école d'origine et l'é cole de l'hôpital, mais surtout rencontrer les situations où les séjours à l'hôpital se répètent et assurer ainsi l'enseignement à domicile. Mais il faudrait aussi prendre en compte les besoins des enfants encore à l'école maternelle...

Esprit Libre : Pour vous les associations ont un rôle positif...
Perrine Humblet : Absolument. L'étude permet de comprendre à quel point les aspects sociaux, psychologiques, économiques, ou encore le support social complètent les soins strictement médicaux dont tous les parents reconnaissent les grandes qualités. La multidisciplinarité est au coeur des approches de la santé publique.

Isabelle Pollet


La maladie grave chez l'enfant réclame une prise en charge spécifique tenant compte de l'enfant mais aussi de sa famille, des soignants et des structures de soin. Une recherche achevée par l'École de santé publique en 2003, à la demande de la Cocof et du cabinet du ministre Gosuin, a étudié cette problématique complexe. Constats et perspectives avec Perrine Humblet, l'un des promoteurs de cette recherche.



 
  ESPRIT LIBRE > AVRIL 2004 [ n°21 ]
Université libre de Bruxelles