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esprit libre

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Un devenir permanent

Esprit Libre : Que représente cette notion de " santé publique " ?
Christophe De Brouwer : Si on remonte aux origines, la santé publique est avant tout liée à l'hygiène, comme idée collective des nocivités pour l'homme, avec l'étude des déterminants et des effets. Entre ces deux pôles s'est développée une approche multidisciplinaire aujourd'hui très importante : l'épidémiologie, c'est-à-dire le moyen de relier les déterminants et leurs effets de santé. Par ailleurs, la seconde branche de la santé publique consiste en un volet de gestion de ces déterminants et effets, ainsi que leur correction. Ces éléments constitutifs de notre discipline peuvent alors s'appliquer dans les différentes branches où nous intervenons, comme la santé de l'enfance ou des adultes, de la grossesse, de l'accouchement, la prévention au sens large, etc. Il s'agit d'un domaine relativement vaste, dont on se préoccupe à Bruxelles au moins depuis le XVIIIe siècle, avec l'hôpital Saint-Pierre, véritable lieu d'assistance publique. L'ULB a ensuite mis en place, en 1938, un Institut d'hygiène et de médecine sociale. Ce n'est pas un hasard si notre Université fut la première en Belgique à créer une école de santé publique, la fibre médico-sociale est bien présente en nos murs.

Esprit Libre : Avez-vous l'apanage de tout ce qui touche à la santé publique ?
Christophe De Brouwer : Évidemment non. Pour prendre un exemple simple et concret, tout ce qui touche à la prévention contre le cancer ne relève pas de nos départements mais bien de l'Institut Jules Bordet. Nous revendiquons cependant d'être un centre d'excellence dans le domaine de la médecine non-clinique (la prévention), avec toute sa variété : gestion hospitalière, promotion de la santé, santé au travail, épidémiologie, statistique, problématiques de qualité en soins de santé, hygiène, économie de santé, etc.

Esprit Libre : Quelles sont donc les activités de l'École de santé publique ?
Christophe De Brouwer : Nous observons les missions assignées aux universités : la recherche, l'enseignement et les services à la collectivité. Notre enseignement est varié, avec bien entendu la santé publique comme base. Nous dirigeons également d'autres cursus, par exemple en médecine du travail, des formations de médecins scolaires et hygié nistes ou encore une filière pour futurs gestionnaires hospitaliers. Au total, nous accueillons environ 600 étudiants, en ce compris les formations non curriculaires. Par ailleurs, notre recherche s'avère très importante, tant en quantité qu'en diversité, et d'un excellent niveau. Véritable fusion du domaine sociologique et médical, avec des éléments d'économie et de droit, la recherche en santé publique se situe entre ces deux pôles.

Esprit Libre : Bénéficiez-vous d'une certaine notoriété au-delà de nos frontières ?
Christophe De Brouwer : Nous sommes fréquemment appelés en expertise, autant en Belgique qu'à l'étranger. Les différentes é tudes menées en Belgique, en collaboration avec d'autres universités du pays - concernant le risque cardiovasculaire ou le stress par exemple -, ont largement dépassé nos frontières. Nous travaillons d'ailleurs depuis longtemps en coopé ration avec l'OMS. Nos recherches ne se limitent pas à notre royaume et à l'Europe, car nous jouissons d'une notoriété et d'une implantation importante en Amérique du Sud, en Asie et surtout en Afrique francophone. Nous nous dé finissons comme un lieu ouvert et de ressources, dont la pertinence du travail se voit particulièrement reconnue.

Esprit Libre : Qu'attendez-vous des 40 prochaines années ?
Christophe De Brouwer : Les métiers que nous assurons sont différents de ceux qui émanent de la Faculté de médecine. Comme beaucoup de petites institutions de l'Université, l'École de santé publique occupe une niche particulière. Il faut donc se poser les questions de la viabilité de cette niche. De ce point de vue, la montée en puissance des Écoles de santé publique américaines dans l'ensemble " santé " montre non seulement la viabilité, mais la nécessité de maintenir et de fortifier le " concept " École de santé publique. Le traitement des problèmes de santé liés à l'environnement, de pauvreté et d'accès aux soins dans le monde - pour ne citer qu'eux - gardent malheureusement une belle marge de progression. Il convient donc de soutenir notre école, pour qu'elle puisse s'adapter au fur et à mesure des réalités changeantes. L'École de santé publique se doit, et elle le fait, de sortir d'un système auto-alimenté, et lutter contre l'idée de s'apparenter à une forteresse, afin de continuer à s'ouvrir sur l'extérieur, en compagnie de ses partenaires. Ensuite, nous devons accepter d'élargir nos compétences, et approfondir notre multidisciplinarité afin de mieux répondre aux défis qui nous attendent.

Laurent Cortvrindt


L'École de santé publique de l'ULB souffle ses quarante bougies. Après quelques décennies d'existence marquées par le sceau du succès et de la réussite, l'é tablissement voit poindre à l'horizon un tournant important : celui d'un repositionnement stratégique. Son président, Christophe De Brouwer, compte bien le négocier avec brio.



L'École de santé publique se subdivise en six départements :
- Économie de la santé (Économie et gestion des institutions de soins. Pharmacoé conomie. Gestion globale de la maladie et systèmes de soins. Gestion de la qualité, des risques et de la sécurité des patients) ;
- Risques santé environnementaux et industriels (Santé au travail et toxicologie du milieu. Hygiène du travail et évaluation et gestion des risques. Épidémiologie des maladies infectieuses. Biocontaminants du milieu) ;
- Épidémiologie et médecine préventive (Épidémiologie pédiatrique, vaccination, nutrition et développement) ;
- Épidémiologie et promotion de la santé (Épidémiologie et prévention des maladies cardio-vasculaires. Psychologie de la santé. Promotion et éducation pour la santé. Épidémiologie, traumatismes et maladies chroniques) ;
- Politiques et systèmes de santé (Politiques et programmes de santé en pays industrialisés et en pays en développement. Santé reproductive, épidémiologie pé rinatale et services à l'enfance. Médecine de famille et soins primaires) ;
- Biostatistiques.

 
  ESPRIT LIBRE > AVRIL 2004 [ n°21 ]
Université libre de Bruxelles