Patrick Pinchart
De la penne à la casquette de Spirou
Esprit Libre : Vous avez fait des études de psychologie à l'ULB. Quels souvenirs gardez-vous de votre passage dans notre maison... ?
Patrick Pinchart : À vrai dire, je comptais au départ faire une licence en journalisme. J'avais le choix entre une candi en journalisme et d'autres
sections. Je me suis dit que la psychologie pouvait m'être utile dans le métier de journaliste, j'ai donc choisi ces études
en candidatures. Or, j'ai eu un coup de foudre pour le cours de psychologie expérimentale. Finalement, je suis resté en psycho
pour ma licence... On m'a ensuite proposé d'être assistant à l'Institut de phonétique de l'ULB, où j'ai passé quatre années.
Ce sont des années très chaleureuses et riches. Personnellement, en dix ans, j'ai profondément évolué grâce à l'ULB.
Esprit Libre : Vous avez par ailleurs marqué les ondes de notre radio universitaire...
Patrick Pinchart : Effectivement, pour une émission sur la BD évidemment : " Dessine-moi un mouton ". À 16 ans, j'avais lancé un fanzine, " Le
Skiblllz ". On commençait seulement à l'époque à écrire sur la BD ; avant, c'était considéré comme un divertissement pour
demeurés. En 1980, j'ai proposé à Radio Campus - qui venait d'être créée - une émission sur la BD et on m'a offert deux heures
d'antenne par semaine! Rencontrer toute cette jeune génération d'auteurs, de Schuiten à Sokal, en passant par Geerts, etc.,
ce fut passionnant.
Esprit Libre : On peut parler d'un essor de la BD actuellement ?
Patrick Pinchart : Absolument. L'expo " Franquin " à Paris a attiré des centaines de milliers de personnes, notre musée de la BD fonctionne plutôt
bien, Spirou n'a jamais disparu des kiosques, au contraire de nombre de magazines... Mais la presse spécialisée est en train
de renaître de ses cendres. Au niveau économique, ce secteur représente un chiffre d'affaires énorme : plus de 3.000 BD sont
éditées par an.
Esprit Libre : En 1984, vous entrez à la RTBF, où vous êtes assistant, puis animateur. Puis c'est l'aventure Spirou qui commence, en tant
que rédac' chef... Quels étaient les défis à relever pour le magazine à ce moment-là ?
Patrick Pinchart : C'était en 1987. À l'époque, la BD était en pleine métamorphose, suite à l'apparition d'une BD plus adulte. Tintin et Spirou
avaient voulu suivre cette évolution mais ce fut une erreur, et un échec commercial. J'ai cherché, avec le magazine, à retrouver
un public de préadolescents, à toucher un public de filles, à revitaliser le découpage en feuilletons, et enfin, à faire une
publication ancrée dans son époque. On a donc commencé à parler d'environnement, de sciences, de nouvelles technologies, de
jeux vidéo...
Esprit Libre : Après avoir été attaché à la direction éditoriale de Dupuis, vous voilà redevenu le rédacteur en chef du magazine... Qu'est-ce
qui vous plaît dans ce travail ?
Patrick Pinchart : Notre magazine, aujourd'hui, est un véritable laboratoire ouvert aux jeunes auteurs. C'est aussi un moyen de promotion de
toute la production Dupuis : 200 auteurs, ce n'est pas rien ! Nous avons par ailleurs de nouveaux défis : relancer les ventes
sur la France, par exemple, ce qui impliquera de nombreux changements.
Pour ma part, je suis quelqu'un qui a besoin de bouger. Et pour cela, un magazine BD c'est parfait. La réflexion est de tous
les instants, on est en permanence à la recherche de nouveauté, de renouvellement. Je suis par ailleurs entouré d'une équipe
très créative avec laquelle je suis en constante interaction. Il n'y a pas une journée qui ressemble à une autre.
Esprit Libre : Quel regard portez-vous sur le renouvellement de la BD ?
Patrick Pinchart : À vrai dire, je me sens noyé, je n'arrive plus à suivre tellement l'édition connaît un rush ! On est passé d'une BD très classique
à une ouverture dans toutes les directions. Ma sensibilité a fort évolué avec le temps : le phénomène des mangas, par exemple,
que j'avais un peu nié jusque-là, est, au contraire de ce que pensent beaucoup de gens, d'une finesse et d'une sensibilité
extrême, avec des auteurs comme Tezuka, Taniguchi...
Esprit Libre : Vous avez d'autres passions dans la vie : la photo, je pense ?
Patrick Pinchart : Je fais de la photo depuis 30 ans. J'adore faire des portraits, je me balade aussi beaucoup dans la région de Charleroi qui
est plus colorée que ce que je pensais. Sinon, j'ai une passion pour le sport : j'ai découvert l'escalade il y a une dizaine
d'années, et je la pratique en salle et en montagne avec mes enfants. Nous avons récemment été initiés à la via ferrata dans
les Dolomites, c'était fabuleux. Sinon, je pratique le VTT, le fitness, le squash... Je m'intéresse aussi aux bières régionales
et artisanales. Avec un petit faible pour la Quintine !
Esprit Libre : Prochain challenge pour Spirou ?
Patrick Pinchart : On fêtera bientôt le 3.500e numéro. Nous voulons en profiter pour relancer l'intérêt sur les auteurs classiques, en faisant
un peu de mise en perspective. Ce sera l'occasion de plein de clins d'oeil et de surprises, de nouvelles rubriques, de nouveaux
auteurs... Rendez-vous en mai !
Alain Dauchot
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Les yeux clairs de Patrick Pinchart ont conservé ce pétillement juvénile qui trahit une curiosité gourmande pour la BD, les
arts et la vie en général. Diplômé en psychologie de l'ULB, il est aujourd'hui de retour à la tête du magazine Spirou ; un
magazine qui fêtera bientôt son... 3.500e numéro !
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