Femmes et science : vaincre les stéréotypes
La première partie de Newtonia avait montré combien le sexe et l'origine sociale jouaient un rôle fondamental dans l'accès,
les choix et la réussite à l'université (Esprit libre, mars 2003). Certains mécanismes limitant l'orientation des filles dans
le secondaire avaient pu être décelés. Comme le soulignait, dans nos pages, le sociologue Matéo Alaluf : " Les filles sont
plus souvent reléguées vers les filières les plus défavorisées du secondaire ". " En outre, ajoutait-il, à l'inverse des familles
modestes peu informées sur le système scolaire, les familles universitaires accordent une grande importance au choix d'une
bonne école secondaire et d'une orientation " maths fortes ". Et enfin, la différence d'attitude est également flagrante en
cas d'échec puisqu'un garçon aura tendance à redoubler en " maths fortes " alors qu'une fille sera plutôt réorientée.
La féminisation de l'université, facteur de démocratisation
L'étude montre que les filles redoublent moins que les garçons dans le secondaire ; elles sont aujourd'hui majoritaires à
l'université où elles réussissent mieux : leur taux de réussite en première année est supérieur à celui des garçons. C'est
aussi à travers les filles que l'université s'ouvre - il est vrai encore modestement - à des milieux sociaux moins privilégiés.
Si les familles socioculturellement favorisées envoient à l'université autant de filles que de garçons, ce n'est plus le cas
pour celles dont les parents ne sont pas universitaires et où plus de filles (au vu de leurs meilleurs résultats scolaires)
rejoignent l'université.
Depuis trente ans, ce sont les filles qui assurent la croissance de la population universitaire globale : elles représentent
aujourd'hui 54 % des 22.000 étudiants inscrits en 1re année (contre un sixième des 4 000 inscrits en 1945 !). Certaines facultés
ont vu s'accroître fortement le nombre de leurs étudiants et se sont fortement féminisées comme Droit, Médecine et Psychologie.
Toujours pas assez de scientifiques
Dans les filières scientifiques et technologiques, la présence des garçons a triplé en l'espace de 50 ans - soit proportionnellement
une évolution légèrement plus forte que celle de l'ensemble des garçons dans les universités -, alors que dans le même temps,
le nombre de femmes ingénieures et scientifiques était multiplié par vingt, le poids relatif des femmes y restant d'ailleurs
très inférieur à celui des hommes : une fille pour deux garçons.
Pierre Marage, vice-doyen de la Faculté des Sciences, souligne que ces augmentations d'hommes et de femmes scientifiques ne
suffiront pas à répondre aux futures demandes du marché... C'est en cela qu'il faut tirer la sonnette d'alarme.
Mieux informer
" La recherche met par ailleurs en évidence que, dans l'ensemble, les informations dont disposent les jeunes concernant les
métiers sont à la fois fragmentaires et stéréotypées " a indiqué Françoise Dupuis. Un effort considérable devrait être mené
pour mieux informer les jeunes quant aux réalités de l'emploi et des métiers exercés par les diplômés.
Newtonia démontre à ce titre que les hommes et les femmes munis d'un même diplôme ont accès de manière comparable aux différents
domaines d'activité. Ce qui ne veut bien sûr pas dire que les possibilités de promotion soient les mêmes. " Mais le spectre
est donc beaucoup plus large que ce que les stéréotypes répandent, relève Pierre Marage, la principale exception restant l'enseignement
où les femmes sont nettement plus nombreuses ". Les interruptions de carrière et les emplois à temps partiel sont également
beaucoup plus répandus chez les femmes universitaires que chez les hommes.
Le diplôme universitaire salvateur
Enfin, l'enquête qui a porté sur les trajectoires professionnelles de trois générations d'anciens étudiants (ceux sortis entre
70 et 72, entre 80 et 82 et entre 90 et 92), soit 2.600 réponses, a pu montrer que seul 1,2 % d'entre eux étaient en recherche
d'emploi fin 2002. Le diplôme universitaire constitue donc bel et bien une véritable protection contre le chômage.
Isabelle Pollet
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Newtonia vient de franchir sa dernière étape. Cette recherche-action porte sur les mécanismes des choix d'études universitaires
et professionnels avec une attention ciblée sur les sciences et les sciences appliquées ainsi que sur les problèmes de genre.
Menée par l'Institut de Sociologie et la Faculté des Sciences de l'ULB, cette étude a voulu comprendre pourquoi les filles
ont tendance à se détourner des filières scientifiques et encore plus des sciences appliquées. Un constat discriminant puisque
ces secteurs professionnels en expansion sont socialement valorisants et rémunérateurs. De gros efforts restent à faire pour
combattre les stéréotypes.
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La revue trimestrielle " Faits et gestes " (n° 12) détaille les résultats de cette recherche. Elle est disponible gratuitement
à la Communauté française, tél. 0800 20 000
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