Le chercheur et la fourmi
Pour plus d'informations, voir le dossier d'ActuSciences réalisé avec la collaboration de J. Millor (chercheur au Service
d'écologie sociale) :
www.ulb.ac.be/inforsciences/actusciences
ActuSciences : Votre domaine de recherche est celui du comportement animal. Comment vous inscrivez-vous dans cette discipline ?
Jean-Louis Deneubourg : Ce qui retient particulièrement notre attention, c'est la transition entre le comportement individuel et la dynamique de structuration
du groupe ou de la société. C'est un problème essentiel en biologie, que nous retrouvons à de nombreux niveaux. Cela nous
conduit à des questions fondamentales : les règles mises en oeuvre au niveau des populations cellulaires et animales sont-elles
similaires ? Quelles sont les spécificités ou les apports de chacun des niveaux ? Nous nous intéressons aux mécanismes à l'origine
des dynamiques des comportements collectifs.
ActuSciences : Quels sont les outils que vous utilisez pour aborder cette discipline ?
Jean-Louis Deneubourg : Le comportement animal peut être abordé à travers des approches expérimentales en laboratoire, dans des situations contrôlées,
pour dégager les caractéristiques comportementales difficiles à cerner en milieu naturel. Un autre outil important que nous
utilisons est la modélisation mathématique. Elle nous permet de formaliser et de tester des hypothèses, en particulier sur
le lien entre les comportements individuels, les communications et les structures observées au niveau collectif.
ActuSciences : Vous vous intéressez aux comportements chez les insectes sociaux. Pourquoi travailler plus particulièrement sur ces espèces
?
Jean-Louis Deneubourg : Les insectes sociaux constituent un de nos modèles de travail. Ceux-ci (par exemple : les abeilles, fourmis, termites et guêpes)
ont développé un niveau de socialisation très poussé et sont notamment caractérisés par le fait que - pour simplifier - au
sein d'une colonie, seul un petit nombre d'individus assure la reproduction. Les autres individus effectuent les autres tâches
telles que la collecte de nourriture, la construction du nid, etc. Ces sociétés présentent une coordination des différentes
activités individuelles donnant lieu à des structures collectives extrêmement élaborées et fonctionnelles. C'est cette coordination
qui retient particulièrement notre attention. Ainsi, l'information nécessaire à la construction du nid n'est pas centralisée.
Les individus n'ont accès qu'à une information locale et les structures collectives émergent grâce à la multitude des interactions
entre les individus, et entre ces derniers et leur environnement. Nous essayons d'identifier ces mécanismes et d'établir un
lien entre leurs caractéristiques et le type de problème ou d'activité où ils interviennent. Enfin, nous essayons de vérifier
si les grandes familles de règles qui ont été identifiées chez les insectes sociaux sont également à l'oeuvre chez d'autres
espèces.
ActuSciences : Cette recherche fondamentale peut-elle trouver des domaines d'application ?
Jean-Louis Deneubourg : Les insectes sociaux constituent un modèle et les outils développés pour leur étude peuvent être transposés, non seulement
à d'autres espèces animales - notamment d'intérêt économique - mais également à des domaines autres que la biologie comme
les groupes de machines ou d'ordinateurs. Un exemple, sur lequel nous travaillons depuis les années 90, est celui de la robotique
collective. Il s'agit d'élaborer des robots qui peuvent interagir entre eux et qui, au niveau collectif, effectueront des
tâches spécifiques. Par ailleurs, dans le cadre du projet européen intitulé " Leurre ", et notamment en collaboration avec
des ingénieurs de l'École polytechnique fédérale de Lausanne, nous élaborons des modèles théoriques et expérimentaux d'agents
artificiels (capteurs, robots...) qui communiquent et collaborent avec des groupes d'animaux.
Mohamed El Aydam ActuSciences
Marie José Gama ActuSciences
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L'organisation des insectes sociaux pose de nombreuses questions dont l'intérêt dépasse leur biologie : quelle est l'origine
de la socialité ? Quels sont les mécanismes et les communications régulant les activités collectives ? Etc. Les outils théoriques
et expérimentaux développés dans ce cadre ont trouvé différentes applications dans des systèmes artificiels. ActuSciences
a rencontré Jean-Louis Deneubourg (co-directeur avec Claire Detrain, du Service d'écologie sociale de l'ULB) co-signataire
d'un article paru dans la revue Nature (1) montrant les mécanismes mis en oeuvre par une colonie de fourmis pour maximiser
l'apport de nourriture au nid, en tenant compte de l'encombrement dû au grand nombre de ces insectes sur les pistes de récolte
de nourriture.
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(1) Article issu de la contribution de chercheurs de l'Université Paul Sabatier de Toulouse, du CNRS, de l'Université technologique
de Dresde et de l'Université libre de Bruxelles (Nature, volume 428, 4 mars 2004, pp 70-74).
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