50 ans d'IST : sortir des chemins classiques de formation
Car les universités ont le plus souvent été structurées par les grandes fonctions scientifiques et naturelles, regroupant
l'ensemble des acteurs qui y participent, permettant le dialogue entre ceux qui partagent une communauté de vocabulaire, et
de méthodologies.
Mais une vision alternative est transversale ; elle prend en charge une problématique qui ne peut s'appréhender par une seule
discipline, aussi large soit-elle. Elle juge qu'il importe de former des généralistes compétents au regard de plusieurs disciplines,
plutôt que des spécialistes d'une partie de la question posée. Et la thématique du travail humain répond bien à cette manière
de voir
C'est en 1955 qu'une dizaine d'enseignants de Sciences humaines ou de Médecine adoptèrent l'idée de M.Gevers de demander la
création d'un institut voué à l'étude multidisciplinaire du travail humain, sur un modèle qui était déjà celui du Bureau international
du travail (BIT) dans ses tentatives de mailler les diverses disciplines impliquées dans l'étude de l'activité humaine.
Pluridisciplinarité
À l'origine, le projet s'orienta vers la mise en uvre de licences spéciales permettant aux diplômés des facultés de venir
compléter leur formation initiale. Ces programmes rassemblaient autour du thème de l'activité humaine des enseignants et des
chercheurs spécialistes de l'analyse du travail, économistes, juristes, sociologues, psychologues, ingénieurs et médecins
: quatre sections de recherche et enseignement furent créées par L. Troclet (droit et sociologie du travail), J.M. Faverge
(problèmes humains du travail), F. Waleffe (problèmes du travail dans les pays en développement) et M. Millet (licence spéciale
en médecine du travail). L'interdisciplinarité fut respectée par tous : l'apparente étrangeté du procédé lui-même, le respect
mutuel des pères fondateurs empêchèrent une faculté de s'approprier ces curricula, et de tuer l'expérience. Le soupçon ne
pouvait pas cependant ne pas prendre corps, et il a accompagné la vie de l'Institut jusqu'à ce jour.
La création dans les années septante d'une candidature et d'une licence classique ne faisait que confirmer la volonté de l'Institut
de préparer, dès leur entrée à l'Université, des étudiants à une vocation multidisciplinaire et nécessairement généraliste.
Le succès fut surtout le fait des étudiants étrangers, notamment africains, qui voyaient dans cette formation une réponse
aux questions posées par la législation, l'économie ou l'organisation du travail dans leur pays d'origine. Mieux encore, et
dans le respect des formations initiales de ces étudiants dans leur pays d'origine, la mise en place de l'année complémentaire
de candidature permit d'alléger un programme de premier cycle évidemment lourd.
S'adapter
Peu de temps après, la création des formations à horaire décalé constitua une façon originale d'envisager les parcours universitaires
; le procédé restituait à des personnes qui n'avaient pu venir d'emblée à l'Université ce droit de tenter une chance adulte,
dans un cadre qui prenait mieux en compte leurs spécificités. Cette option a vu son succès croître au cours des dernières
années, et il est aujourd'hui en plein essor, avec des développements européens bien ancrés, répondant à un vrai besoin exprimé
au bon moment.
Il reste bien des défis aujourd'hui, en liaison avec la volonté de fédérer dans les curricula les diverses disciplines de
sciences humaines ; ainsi le vu de voir intégrer l'Institut les centres de recherches consacrés à l'étude du travail et dispersés
dans l'Université ; ceux-ci ont mené à bien une action de recherche concertée récemment, mais le maillage des préoccupations
méthodologiques reste à l'ordre du jour.
Aujourd'hui, quittant l'histoire pour l'actualité, de nouveaux projets s'ouvrent, toujours basés sur le principe de l'interdisciplinarité
: des projets de nouveaux curricula, et la recherche de synergies avec divers partenaires institutionnels ; ainsi avec l'École
de santé publique et l'ouverture d'une orientation du master en sciences du travail en prévention socio-sanitaire ; ainsi
la création de masters conjoints avec d'autres partenaires européens. Des projets plus conceptuels aussi, basés sur le principe
de la valorisation de l'expérience professionnelle, ou la mise en uvre de passerelles avec les Hautes écoles sur la thématique
du travail humain. Sortir des chemins classiques de formation est une conséquence naturelle des choix transversaux de l'Institut
depuis cinquante ans
Pierre Salengros Professeur à la Faculté des Sciences psychologiques et de l'éducation
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Décrire l'évolution d'un Institut universitaire alors qu'il atteint cinquante ans d'existence est une tâche à la fois aisée
et périlleuse. Aisée, puisqu'il suffirait d'aligner l'évolution de ses programmes, et l'enrichissement de ses filières d'enseignement.
Périlleuse, car elle vise les intentions de ceux qui ont pris l'initiative de la création de l'Institut, des concepteurs des
programmes successifs, de leur vu de conserver le principe de son indépendance vis-à-vis des facultés concourant à son existence,
alors qu'à chaque moment, des possibilités de rattachement apparaissaient, et jusqu'à la détermination du corps enseignant
de contribuer à cette option.
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