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La vie quotidienne des Bruxellois, au travers d'un atlas

Avec plus de 50 cartes complétées de tableaux et graphiques, cet atlas exploite une information cohérente, l'enquête socio-économique décennale de 2001. Cela permet de balayer bon nombre des aspects de la vie des individus : la structure des ménages, le niveau de formation, la position par rapport au marché de l'emploi ou les conditions de logement. Toute personne inscrite dans le Registre national et née avant 1996 a été interrogée. Le taux de participation était de 97 %. Le tout est visualisé par secteur statistique, la plus petite unité administrative pour laquelle des données sont publiées. Cela permet de saisir au mieux les différences intra-communales, la Région étant divisée en 724 secteurs, qui comptaient en 2002 en moyenne 1350 habitants.

Le recensement comme source

Le grand intérêt de cette enquête quasi exhaustive, dont l'avenir n'est actuellement pas assuré, est de produire des informations statistiques pouvant aisément être croisées les unes avec les autres. De nombreux aspects de la vie quotidienne peuvent dès lors être abordés : comment sont logés les Bruxellois dans les différentes zones de la ville, dans quels quartiers se concentrent les personnes isolées, quelle est la composition par âge selon les lieux, où habitent les étudiants, la population active et les chômeurs, comment se distribuent les revenus, comment les Bruxellois des différents quartiers perçoivent leur état de santé et leur environnement, comment se répartissent dans l'espace les personnes hautement qualifiées?...

Sans l'enquête socio-économique, établir un tel panorama nécessiterait le recours à de multiples sources pas toujours constituées dans un but statistique et scientifique, aux méthodes et unités de collecte variées. Sans compter le fait que certaines données, comme celles liées aux diplômes et qualifications, ne sont que partiellement reprises dans les banques de données administratives, surtout quand les compétences sont partagées entre plusieurs entités fédérées...

Inégalités, à âge égal

Dès lors, l'objectif de cet atlas n'est pas de visualiser chaque variable séparément mais plutôt de réaliser une synthèse de différents aspects, en multipliant les croisements. Cela permet par exemple de confirmer qu'en Région bruxelloise, comme ailleurs en Europe, l'association forte entre l'état de santé et l'âge masque des différences entre les quartiers liées à d'autres facteurs : à âge égal, on constate des inégalités de santé liées au sexe, à la situation familiale, à la nationalité et aux différents aspects du statut social (le niveau d'instruction, le revenu, le logement, la profession...).

L'atlas montre aussi, entre autres, que 44,6 % de la population bruxelloise a déménagé entre 1996 et 2001, mais de manière nettement plus importante dans certains quartiers où sont situées certaines fonctions typiquement urbaines (comme l'enseignement supérieur) qui attirent beaucoup d'habitants temporaires. Il souligne aussi que la part des enfants de moins de 6 ans vivant au sein de ménages sans aucun revenu du travail est particulièrement élevée dans le croissant pauvre (qui va du bas de Saint-Gilles à Schaerbeek via le coeur historique de Molenbeek) et dans l'Ouest du Pentagone. Dans ces mêmes quartiers, à niveau de qualification équivalent, le taux de chômage est systématiquement supérieur.

L'exploitation des questions relatives à la perception qu'ont les habitants de leur quartier montrent que l'environnement est moins favorablement apprécié au centre ville et en première couronne, surtout dans les quartiers les plus défavorisés. À l'opposé, dans le quart Sud-Est (de Woluwé à Uccle), il est plutôt bien perçu. Cette géographie présente de nombreuses analogies avec la structuration socio-économique de la ville et ce lien est entretenu par le fonctionnement du marché du logement, où la capacité de choisir sa résidence, et donc aussi l'environnement de celle-ci, est largement subordonnée aux capacités financières. La confrontation des cartes est sur ce plan particulièrement révélatrice.

L'IGEAT et la cartographie

Pour réaliser cet atlas, qui exploite des données datées de 2001 mais qui révèlent des structures spatiales qui ont une inertie temporelle avérée, l'Observatoire de la santé et du social a fait appel à une équipe de géographes, démographes et sociologues de l'ULB, de la VUB et de la KU Leuven. L'IGEAT-ULB a assuré la coordination de la cartographie alors que, fait qui doit être souligné, c'est l'Observatoire qui a assuré la coordination éditoriale ainsi que la révision du texte. Cela a entretenu tout au long du travail une intensité d'échanges qui a fortement enrichi l'ouvrage. Il en est ressorti un document certes destiné à un large public, mais dont la lecture exige un effort non négligeable, malgré la présence d'une introduction méthodologique largement vulgarisée. Nous pensons néanmoins qu'il s'agit là d'un compromis utile qui est amené à servir de référence pendant de nombreuses années. Reste à espérer que l'on puisse renouveler l'aventure à partir des données de 2011...

Benjamin Wayens
Chercheur à l'Institut de gestion de l'environnement et d'aménagement du territoire (IGEAT) (Cellule géographie appliquée et géomarketing)

Richement illustré grâce à la collaboration de cinq chercheurs de l'Institut de gestion de l'environnement et d'aménagement du territoire (IGEAT), l' " Atlas de la santé et du social de Bruxelles-Capitale " publié par l'Observatoire de la santé et du social (OSS) offre un panorama de la santé des Bruxellois mais aussi de leurs caractéristiques socio-économiques ou de leurs conditions de vie.



À lire
Atlas de la santé et du social de Bruxelles-Capitale, par Roesems T., De Spiegelaere M., Wayens B., Deboosere P., Kesteloot C., Willaert D., Gadeyne S., Slegers K., Van Cutsem S., Marissal P., Vandermotten C., Charles J., Commission communautaire commune, Bruxelles, 2006, 148 p.

Le document est entièrement téléchargeable à l'adresse: www.observatbru.be/fr/Publications/dossiers.asp

 
  ESPRIT LIBRE > MAI 2007 [ n°49 ]
Université libre de Bruxelles