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esprit libre

[coup de projecteur]
 
 
 
De Reykjavik à Istanbul, en passant par Bruxelles

Esprit Libre : Qu'est-ce qui change avec Bologne ?
Chantal Zoller : La réforme entreprise est bien autre chose qu'une simple modification de la durée des études. Partout en Europe, le processus a été une formidable opportunité de repenser les programmes en termes de finalité, de contenu, de méthodes ; de réfléchir à " l'employabilité " dans une acception large (meilleure prise en compte des savoir faire, des compétences) ; de renforcer la lisibilité et la comparabilité des études entre pays et entre institutions et systèmes d'enseignement. L'attractivité pour mieux promouvoir la qualité de notre enseignement, la mobilité sont également des enjeux importants du processus.

Esprit Libre : Quels sont les acquis essentiels ?
Chantal Zoller : Un acquis indéniable - et la Belgique a joué un rôle important à cet égard au Conseil de Prague en mai 2001 - c'est que l'éducation est et doit rester une responsabilité publique, ce qui n'est pas une affirmation anodine en termes de financement, de statut et de vigilance vis-à-vis de toutes les dérives de commercialisation et privatisation. Un autre atout c'est de pouvoir compter dorénavant, dans tout l'espace européen, sur les mêmes paliers d'alignement dans l'architecture des cursus, à savoir un système à deux cycles (plus le doctorat). Quelle que soit la terminologie ou la durée d 'un programme d'études, on saura clairement si c'est un premier ou un deuxième cycle et l'on échappe à la grande confusion qui caractérisait les troisièmes cycles (dorénavant le 3e cycle sera uniquement le doctorat). L'usage de crédits pour apprécier la charge de travail de l'étudiant s'est généralisé. On a donc jusqu'ici très bien rencontré les enjeux de lisibilité et de comparabilité du processus.

Esprit Libre : Quels sont les prochains objectifs européens ?
Chantal Zoller : Les priorités intermédiaires que se sont fixés les ministres pour 2005 sont l'intégration du doctorat au processus, la définition des cursus en termes de niveau, de finalité, de résultats de formation ( ce que l'étudiant est censé savoir et savoir faire à l'issue d'une formation) et les progrès en matière de reconnaissance des diplômes. On s'attelle aussi à rencontrer les objectifs d'évaluation de la qualité (des programmes et des institutions, avec des mécanismes et méthodes qui pourraient être communs).

Esprit Libre : Où nous situons-nous dans l'architecture européenne ?
Chantal Zoller : En choisissant le système bachelier-master de 180 + 120 crédits ou " 3 ans + 2 ans ", nous avons opté pour le modèle prédominant en Europe, notamment retenu par l'Italie, la France, l'Allemagne, la Norvège, l'Autriche, la Suisse et le Danemark. Nous sommes parvenus à ce que les conditions actuelles d'accès et de sélection des étudiants (à l'entrée du deuxième cycle par exemple) ne soient pas modifiées. La subsidiation des étudiants de masters et des quelques masters complémentaires est également acquise. Encore faudra-t-il mesurer la portée réelle de cette mesure dans l'enveloppe financière qui reviendra aux institutions. Enfin, la Communauté française, en pratiquant les passerelles et en disposant d'un enseignement supérieur binaire, avait déjà, d'une certaine manière, anticipé la logique de Bologne d'ouverture, de flexibilité et de diversité.

Esprit Libre : Chez nous, des académies regroupent à présent les universités. Et ailleurs en Europe ?
Chantal Zoller : Le regroupement en académies et en pôles existe en France mais selon des critères géographiques. Partout, on assiste à un développement de réseaux universitaires, régionaux, européens ou inter-continentaux. Cette politique se concrétise pour l'ULB au niveau institutionnel par le réseau UNICA, qui compte aujourd'hui 35 universités des capitales européennes, par un axe de coopération Lille-Valenciennes-Mons-Bruxelles, par la mise en exergue de quelques partenariats privilégiés fondés sur de nombreuses collaborations scientifiques et pédagogiques. Ceci devrait nous permettre de monter quelques masters conjoints européens.

Esprit Libre : Quel a été et quel est le rôle des universités dans un processus initié par le politique ?
Chantal Zoller : Présentes dans le processus depuis 2001, les universités font entendre leur voix régulièrement à travers l'EUA, notamment en septembre 2003, en rappelant leurs valeurs fondatrices : équité et accès à l'enseignement, lien incontournable avec la recherche, très haute qualité académique, diversité linguistique et culturelle. " Universities must have time to transform legislative changes into meaningful academic aims and institutional realities ". Nous avons encore pas mal de pain sur la planche !

Alain Dauchot


Le processus de Bologne est à la fois le résultat d'une lente maturation et un phénomène évolutif, à resituer dans une dynamique plus vaste visant à créer un espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche. Bologne est l'expression, pour l'enseignement supérieur, d'objectifs que l'Europe s'est donnés pour devenir une " économie de la connaissance ". Où se situe l'ULB dans cet ensemble ? Rencontre avec Chantal Zoller, responsable du Département des relations internationales et conseiller du recteur pour les questions européennes.



 
  ESPRIT LIBRE > JUIN 2004 [ n°23 ]
Université libre de Bruxelles