Sven Steffens
Molenbeek se penche sur son passé
Esprit Libre : Vous êtes de nationalité allemande et vivez en Belgique depuis quelques années. Vous sentez vous plus belge qu'allemand aujourd'hui
?
Sven Steffens : Je suis venu en Belgique en 1990. Je suis fortement emprunt de mes racines ouest-allemandes, familiales, culturelles. Mais
je me sens belge également... En fait, je me sens plus cosmopolite qu'autre chose ! Tout en pratiquant la langue française,
je suis également très ouvert à la Belgique néerlandophone. Bref, l'idée de l'ouverture fait partie de mon identité.
Esprit Libre : Vous êtes historien, spécialiste du XIXe siècle, et collaborateur scientifique à l'ULB, où vous avez été assistant de Jean
Puissant...
Sven Steffens : J'ai été assistant de Jean Puissant en section de journalisme durant 12 ans pour le cours de méthodes bibliographiques et
documentaires ; un cours éminemment important, malgré le côté rébarbatif de la matière... Actuellement, je travaille à Molenbeek
sur le projet de musée, où je mène de passionnantes recherches sur l'Histoire locale.
Esprit Libre : Vous avez axé l'essentiel de vos recherches sur la Belgique et la région bruxelloise, au XIXe. Qu'est-ce qui vous attire et
vous passionne dans ce terrain d'étude particulier ?
Sven Steffens : C'est à la fois la rencontre entre les traditions et la modernité, les survivances des traditions au sein du monde moderne.
Pour moi, il n'y a jamais eu une antinomie totale entre la société d'ancien régime et la société bourgeoise libérale moderne.
J'aime me pencher sur ces résurgences du passé dans notre quotidien et y déceler les continuités.
Esprit Libre : Le musée devrait voir le jour à la fin de l'année 2006. Vous aviez des affinités particulières avec cette commune ?
Sven Steffens : Du temps où j'étais à l'ULB, j'ai collaboré aux publications de La Fonderie, puis à un livre consacré à l'histoire de la Compagnie
des bronzes, située à Molenbeek également. Mes centres d'intérêt de chercheur au sein du champ de l'Histoire sociale étaient
l'histoire du travail et l'histoire de la formation technique et professionnelle. Ces expériences m'ont aidé à envisager un
travail de vulgarisation, de mise en perspective pédagogique, ce qui sera très utile pour ce projet.
Esprit Libre : Est-ce que le musée sera axé sur une certaine époque ? Il fallait faire un choix, j'imagine...
Sven Steffens : Jusqu'à la fin du XVIIIe, Molenbeek est encore un village. Ce village va connaître une phase d'industrialisation intense au
XIXe siècle, mais aussi un accroissement du secteur tertiaire, et vivre l'arrivée d'une main d'oeuvre venue d'autres communes
bruxelloises et de province. Nous avons choisi de nous concentrer sur cette période et de rattacher toutes les évolutions
démographiques, économiques, sociales, urbanistiques, politiques de la commune à des questions qui se posent encore aujourd'hui.
Et nous collaborons actuellement avec La Fonderie pour mettre sur pied une exposition qui devrait s'ouvrir en novembre sur
l'histoire de Molenbeek ; une exposition temporaire qui va précéder l'ouverture du musée et qui sera adaptée et intégrée à
celui-ci.
Esprit Libre : Molenbeek a connu plusieurs vagues d'immigration : est-ce que cela fera l'objet d'un éclairage particulier ?
Sven Steffens : C'est effectivement une commune qui, dès les années 1800, accueille des migrants : des Belges flamands et francophones, des
" agitateurs politiques " français, etc. Au XXe siècle viendront s'installer des communautés d'Italiens, d'Espagnols, de Portugais,
suivies plus tard par des Marocains, Turcs, Pakistanais, Africains, des populations des pays de l'Est. Pas nécessairement
pour s'y installer à long terme d'ailleurs. Je voudrais que ce musée favorise le rapprochement des diverses communautés qui
composent la commune, en valorisant notamment l'apport des uns et des autres, sans toutefois nier les problèmes qui sous-tendent
ce mixage de populations.
Esprit Libre : D'autres objectifs ?
Sven Steffens : Nous voudrions également faire de ce musée un lieu d'études, pour des élèves du secondaire, pour les étudiants de l'Université
ou pour des chercheurs. Je me rends compte par exemple que la bibliographie sur Molenbeek est très faible. C'est donc un terrain
de recherche qui ne demande qu'à être exploré !
Esprit Libre : Pouvez-vous nous parler de la mise en scène ?
Sven Steffens : C'est évidemment un peu prématuré. Ma vision du musée est celle qui parle avant tout des gens et de leur vécu : les témoignages
seront privilégiés, le parlé local, celui des anciens comme celui des jeunes aussi. Avec, je l'espère, une certaine interactivité
avec les visiteurs.
Alain Dauchot
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Il devrait ouvrir ses portes fin 2006, rue Mommaerts, dans les bâtiments de l'Académie des beaux-arts. Le musée d'histoire
locale de Molenbeek est un projet qui a été confié à Sven Steffens, historien, longtemps assistant de Jean Puissant à l'ULB,
et qui reste collaborateur scientifique de notre Université. Un homme d'ouverture, devenu Molenbeekois de coeur et d'adoption,
à force de se pencher sur le passé d'une commune finalement assez mal connue...
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