Chaque mois, l'ULB et son Union des anciens étudiants éditent un magazine intitulé "Esprit libre". Pour permettre au plus grand nombre de le lire, notamment nos diplômés séjournant à l'étranger, nous vous proposons ici une version "Web" du magazine. Pour des raisons de simplicité et pour vous éviter le chargement de fichiers trop lourds, cette version a sa mise en page propre dans laquelle nous avons choisi de ne garder que les textes et de ne pas reprendre les illustrations.

Naguère, Élio Di Rupo, alors ministre-président de la Région wallonne, invité à l'ULB pour y exposer le " contrat d'avenir pour la Wallonie " eût à subir une pluie d'oeufs de la part de quelques étudiants de l'ULB. J'ai, à l'époque, commenté l'incident dans un éditorial du Telex (ULB-UAE, mai 2000, 153 - 3) intitulé " Une nouvelle dialectique à l'ULB : la balistique ovolytique ".

Tout récemment, le cercle du libre examen organisa une conférence-débat sur le thème du libre examen avec comme orateurs invités Pierre Daled, Guy Haarscher, Roger Lallemand et notre recteur, Pierre de Maret. J'aime à penser que les membres de notre communauté universitaire et nos anciens se réjouissent de constater qu'une initiative étudiante amène à reparler du libre examen dans l'Alma Mater alors même que notre monde voit fleurir des intégrismes de tous bords et médiatiser le culte du seul être dont les dogmes sont réputés paraclétiquement infaillibles (voir d'autres articles dans cet Esprit libre).

Or donc, cette séance dont chacun se réjouissait, fut d'abord perturbée par les slogans indignes (voir ci-dessous) de quelques factieux et autres pasionarias, peut-être étudiants à l'ULB. Elle culmina, lorsqu'un quidam apparemment du genre masculin se précipita vers le podium pour canarder notre recteur d'une tarte à la crème. Il s'ensuivit une bousculade, le trublion fuyant sous la protection musclée de ses acolytes.

La grande presse rendit compte de l'évènement : on s'interrogea sur le fait de savoir s'il était encore possible de débattre sereinement du libre examen à l'ULB. On stigmatisa aussi la perversité idéologique des slogans amalgamant les méfaits du " Grand Capital " et l'empreinte " sioniste " et " judéo-maçonnique " de l'ULB. D'autres, en revanche, chantèrent l'héroïque résistance au " grand marché du libéralisme sauvage teinté de dérives sécuritaires " (allusion aux travaux d'aménagement du foyer étudiant du Solbosch, de l'occupation sauvage des lieux, de leur dégradation délibérée et des interventions policières qui s'en suivirent). Ils en appelèrent à la défense et à l'illustration de l'expression libre.

Dans ce contexte, on évoqua évidemment l'icône de Noël Godin (une sorte de pape en son genre). Ces laudateurs des modes alternatives de la liberté d'expression, ceux-là même qui, en 2000, célébraient l'ineffable beauté des colloïdes glaireux mâtinés de lipides xanthochromiques, chantent aujourd'hui le sublime de la liberté d'expression sous forme de projectiles d'hydrates de carbone cramés surmontés d'une émulsion lipidique aux couleurs d'alabastrite.

Evènement mineur ? Blague de potache ? Fallait-il en faire un éditorial ?

Non, peut-être. Si ce n'est que : si l'ULB veut rester un lieu ouvert aux débats d'idées, elle se doit d'appliquer le principe de tolérance qui rejette les agressions ad hominem. Sans quoi, nos débats ne seront plus animés que par les longs monologues de quelques rares gourous accrédités par nos groupuscules armés.

Ici, l'anecdote est d'autant plus éclairante qu'aucun des thuriféraires de nos agitateurs n'a mentionné le fait que ces factieux, au contraire de Noël Godin, se terrent dans l'anonymat comme l'a illustré la fuite du baliste sous la garde menaçante des cryptomilices du révolutionnarisme. La " liberté d'expression " ainsi comprise se colore donc du noir de la lâcheté.

Quant au libre examen, il en sort un peu écrémé et peut être donnera-t-il bientôt son nom à un clafoutis, un far, un strudel, un bavarois, un vacherin, un saint-honoré ou... une religieuse.

Jean-Louis Vanherweghem
Président du CA de l'ULB