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esprit libre

[coup de projecteur]
 
 
 
Étudier une Europe qui s'affirme au plan international

Esprit libre : Environ 200 étudiants, sélectionnés sur base de dossiers, viennent à l'IEE chaque année pour y suivre une des formations proposées. D'où viennent-ils et pourquoi y viennent-ils ?
Mario Telo : Depuis 1963, la spécialisation en études européennes a constitué un facteur d'attrait international pour notre Université. Celle-ci n'a pas manqué de nous apporter également son soutien en 1988-89, lorsque les sections économique et politique ont rejoint la section juridique, et en 2004-05, avec la naissance de la section histoire et cultures. L'IEE a par ailleurs été caractérisé par une internationalisation croissante, tant au niveau du corps estudiantin (30 nationalités) qu'académique (15 nationalités parmi les professeurs et chercheurs). Et ma présidence en est un peu l'expression [ndlr : politologue, Chaire Jean Monnet, M. Telo a enseigné dans de nombreuses universités italiennes, allemandes, scandinaves, américaines et asiatiques]. Cette internationalisation est le résultat à la fois d'une politique d'ouverture, des compétences de l'ensemble du personnel, PATG et académique, d'une qualification soutenue de la recherche, de la volonté de mettre en valeur le profil d'" Université d'Europe " de l'ULB.

Esprit libre : Néanmoins l'Institut n'est plus, à Bruxelles, le seul à offrir une formation axée sur l'Europe et ouverte aux étudiants internationaux...
Mario Telo : Réussir Bologne est un défi difficile pour un institut " d'ex-troisième cycle " et la compétition est fortement accrue, aussi sur Bruxelles : l'UCL est plus présente, regroupée avec les Facultés universitaires St-Louis ; la VUB, la Boston et la Kent Universities entre autres, offrent aussi des programmes sur la capitale. Nous avons élargi l'éventail de nos formations : 3 Masters en études européennes (finalités " sciences politiques ", " économie européenne " et " Histoire et cultures d'Europe "), 2 Masters complémentaires, en droit européen et pluridisciplinaire. Nous avons également créé un nouveau programme en anglais - le Postgraduate Programme in European Integration. Le créneau anglophone est stratégique et présente des potentialités importantes. Bref, nous voulons être à la fois variés et complets pour tenir la compétition tant avec le monde francophone qu'anglophone. Dans la prochaine décennie, il sera essentiel de mieux concrétiser la carte de l'ULB " première université de la capitale de l'UE ".

Esprit libre : Autre axe essentiel pour l'Institut, la recherche...
Mario Telo : Notre enseignement concilie la connaissance pratique de l'UE avec les questions basées sur la recherche. L'IEE participe à 4 projets financés par le 6e programme-cadre de la Commission, et, en tant que co-coordinateur du Réseau d'excellence " Garnet ", est le premier en Europe focalisé sur la gouvernance globale, associant 43 universités (de 2005 à 2010), et comportant l'organisation de l'école doctorale internationale (voir encadré). L'IEE est un centre d'" advanced studies " multidisciplinaire. Parmi ses unités de recherche, je relève ECARES, un des plus qualifiés en Europe au niveau économique ; les deux réseaux juridiques " Eclan " en droit pénal et " Odysseus " sur les questions de l'immigration et de l'asile; le Cevipol (politique comparée), le Pôle Bernheim pour les études sur la paix, l'unité sur la coopération régionale dans le monde et le Centre de théorie politique. Dans tous ces domaines, le dialogue et la collaboration avec toutes les institutions européennes sont constants. Quant à l'École doctorale en études européennes de la Communauté française, l'ULB et l'IEE ont contribué à sa création en 2006, mais nous avions démarré, en collaboration avec les trois facultés partenaires, déjà en 2000.

Esprit libre : L'approche multidisciplinaire de l'IEE passe par un travail en collaboration avec d'autres facultés...
Mario Telo : À la collaboration initiale avec Droit et SOCO s'ajoute Philo et Lettres. L'IEE se veut à la fois comme partenaire et catalyseur d'une dynamique concernant l'ensemble du 'système ULB', confronté à une compétition non seulement européenne mais globale. Il s'agit de mettre en valeur l'acquis au niveau européen, sur le plan des relations de coopération et de compétition dans le monde. C'est-à-dire suivre l'évolution en cours : l'UE est déjà le 2e acteur global et Bruxelles en est la capitale. La volonté de se situer dans une optique mondiale implique un engagement extraordinaire : le 7e programme-cadre, l'enseignement, les relations internationales, l'adaptation du site Web et les programmes de publication en anglais, les séminaires et colloques. Ce n'est pas du tout gagné d'avance étant donné nos ressources limitées. Mais, Hic Rhodus, hic salta !

Esprit libre : On fête cette année les 50 ans de l'Union, mais l'Europe n'apparaît plus vraiment pour les citoyens comme un élan, un progrès...
Mario Telo : Notre colloque du cinquantenaire a conclu qu'il était trop simpliste de dire que " l'Union européenne est en crise ". Les médias présentent une UE qui bloque, qui coince. Les mauvaises nouvelles vendent bien. Mais nous sommes un institut de recherche focalisé sur le long terme. Depuis 50 ans, l'UE constitue une réalité - unique au monde - de coopération volontaire entre des États démocratiques, entre les acteurs de la société civile, visant plus de convergence, d'intégration, et une communauté basée sur le droit. L'UE est une puissance économique, commerciale, monétaire, influante sur les partenaires lointains et voisins. C'est cela qui persiste en dehors des oscillations dont font état les journaux. L'expression " crise de l'Europe " évoque la Mittel-Europa fin de siècle (XIXe !), un climat culturel entre Spengler et Nietzsche. Je préfère parler d'une phase de 'stagnation' institutionnelle, prévisible après vingt ans d'intégration à un rythme TGV : une UE qui est passée de 6 membres à 12 et à 27 et qui, après l'Acte Unique et Maastricht, a approfondi et élargi ses politiques communes. L'UE connaît donc une crise de croissance, une stagnation que peut se permettre un système mûri et consolidé en 50 ans. D'ailleurs, 2007 a apporté trois nouvelles : la " stratégie de Lisbonne " pour la modernisation socio-économique avance, et la présidence portugaise de l'UE travaille à un nouveau " vision paper ". Les relations extérieures sont une " driving force " pour l'intégration et les missions au Congo, au Liban, etc. et sont autant de facteurs de légitimation de l'UE. Enfin, le Conseil européen du 22 juin a ouvert le parcours vers un nouveau Traité. C'est donc dans ce cadre dynamique que l'IEE situe l'étude des déficits de l'UE au niveau de l'Union politique, de l'Europe sociale, de la coordination économique, de la vie démocratique interne, de la cohérence des actions extérieures.

Esprit libre : C'est donc aussi un des rôles de l'Institut que de proposer une expertise loin de l'approche affective ou passionnelle de l'Europe : objectiver les informations en les replaçant en perspective...
Mario Telo : Nous avons appris à être attentifs aux regards qui se portent vers nous - non seulement de l'Europe, mais de nos partenaires de Tokyo, de Shanghai, des USA ou du Sud de la planète - tous ces regards voient l'Europe comme un laboratoire d'idées nouvelles, le continent le plus sécularisé au monde, un lieu de réconciliation entre anciens ennemis, celui de la coopération régionale la plus réussie, du networking entre citoyens. Étudions donc le rôle international accru de l'UE, en tant que force de paix, d'équilibre et de tolérance : les idées, les pratiques et la symbolique des valeurs ont un impact potentiel immense sur ces regards et attentes extérieurs. Par rapport au passé, ce qui est à l'ordre du jour n'est pas du tout le passage de l'engagement au désenchantement. C'est un nouvel équilibre entre le coeur et la raison : faire bien notre boulot de chercheurs et d'enseignants, en dialectique permanente avec les processus réels et les institutions, à la hauteur d'un monde globalisé et instable qui a besoin de l'Europe, implique aussi un nouveau message d'engagement européen et citoyen, un sobre message d'espoir adressé aux jeunes générations.

Alain Dauchot

L'Europe se construit. L'Europe s'apprend aussi. Depuis 1963, l'ULB abrite en son sein un institut indépendant qui continue d'accompagner le processus de construction européenne en l'éclairant. L'Institut d'études européennes (IEE) prône, tant au niveau de l'enseignement que de la recherche, une approche multidisciplinaire en focalisant son action sur le droit, l'économique, le politique et la perspective historique. À la tête de l'IEE depuis 2005, Mario Telo poursuit avec une certaine énergie le travail de développement de celui-ci.
L'Europe en crise ? Un sentiment relayé par les médias et que l'on prête aux peuples qui la composent, mais qu'une approche analytique semble pourtant contrecarrer...



" Cinquante ans après les traités de Rome - L'UE : crise ou stagnation ? "

Comme centre d'excellence Jean Monnet, l'IEE s'est senti interpellé par les questionnements qui entourent actuellement la construction européenne. Comme centre de recherche interdisciplinaire à la pointe des travaux réalisés dans le domaine des études européennes, l'IEE a souhaité contribuer de façon significative au débat scientifique actuel.

À cette fin, il a lancé en son sein une réflexion qui s'est ouverte par un séminaire interne en octobre 2006, en présence d'une vingtaine de chercheurs et professeurs de l'IEE. Ce séminaire a débouché sur l'organisation d'un colloque international et multidisciplinaire sur les perspectives d'avenir de l'UE, lequel s'est tenu le 18 avril 2007.

Ce colloque avait pour objet de situer la crise actuelle dans son contexte de longue durée et dans son cadre international, afin de contribuer à une distanciation tant vis-à-vis des célébrations acritiques du cinquantenaire que des scénarios catastrophe concernant la crise actuelle de la construction européenne. Il visait à mobiliser les compétences accumulées au sein de l'IEE en confrontant les perspectives de quelques-uns de ses chercheurs et professeurs parmi les plus impliqués et les plus chevronnés, de même que les contributions de certains de ses collaborateurs extérieurs les plus proches. Pour illustrer le large éventail des thématiques abordées, citons les quatre panels qui se sont tenus : " l'UE, une success story en question : la nature de la crise " ; " l'Union européenne face au défi de la mondialisation " ; " Puissance et impuissance de l'Europe dans le monde " et " Les perspectives ".

Lors de la clôture de ce colloque international réunissant plus de 30 communications, l'IEE a eu l'honneur d'accueillir Madame M. J. Rodriguez, conseillère spéciale de la Présidence du Conseil européen à l'occasion de la présidence portugaise de l'UE. Le colloque débouchera sur la publication d'un ouvrage collectif sous la direction de Paul Magnette et Anne Weyembergh et sera suivi d'autres événements, entre autres en étroite collaboration avec la présidence portugaise.

Weyembergh Anne Directrice de l'IEE, chargée de cours GARNET 2007 : gouvernance globale et régionalisation

En tant qu'institut aux perspectives résolument internationales et en accord avec la politique d'ouverture de l'ULB, l'IEE s'est toujours engagé dans de nombreux programmes internationaux de choix. De la sorte, l'IEE participe au réseau d'excellence GARNET, créé au sein du 6e programme cadre de l'UE, associant chercheurs, analystes et praticiens confrontés aux questions liées à la Gouvernance globale, la régionalisation, la régulation et le rôle de l'UE.

L'IEE a été désigné comme co-coordinateur (avec l'UNU-Cris basée à Bruges) de l'école doctorale GARNET. L'IEE a ainsi pris en charge une activité qui est au confluant des tâches scientifiques, éducatives et sociétales que s'est donnée l'ULB. En regroupant plus d'une trentaine de doctorants et une dizaine de chercheurs pionniers, issus de plus de 30 pays différents, les séminaires thématiques bisannuels organisés dans le cadre de l'école doctorale contribuent, d'une part, à stimuler la sensibilisation aux questions liées à la gouvernance globale et, d'autre part, à une formation doctorale plus internationale. Il contribue également au renforcement du dialogue scientifique centré sur les problématiques abordées.

Depuis 2005, l'école doctorale GARNET, a déjà organisé 4 séminaires ayant rassemblés doctorants et académiques d'Europe et d'ailleurs. Ces activités, par leur qualité et leur ouverture, contribuent à la politique d'internationalisation menée par l'IEE en renforçant l'ancrage de l'ULB et de son Institut dans la communauté scientifique internationale. Citons à titre d'exemple, les commentaires élogieux du professeur R.O. Keohane de Princeton après sa participation en décembre 2005 : " one of the most rewarding speaking engagements in my career ", ainsi que du professeur V.K. Aggarwal de Berkeley, après sa participation en juin 2006, soulignant que l'école doctorale GARNET " has clearly developed a brilliant approach to training the next generation of scholars who are committed to advancing our knowledge of international relations. "

Les activités menées par l'IEE dans le cadre de cette école doctorale sont une illustration parmi d'autres des efforts fournis afin de favoriser l'excellence et l'internationalisation dans l'exercice des ses activités tant scientifiques que pédagogiques. Au bout de 5 ans seulement, plus de 50 doctorants issus des cinq continents y auront participé.

Ponjaert Frederik Aspirant F.R.S-FNRS
Junior Coordinator de la GARNET PhD School

Infos: www.garnet-eu.org

 
  ESPRIT LIBRE > SEPTEMBRE 2007 [ n°51 ]
Université libre de Bruxelles