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L'avenir de l'Union européenne Du traité constitutionnel au traité " modificatif "

Il est ainsi mis un terme (final ?) à la crise engagée voici deux ans par les " non " français et néerlandais à la Constitution.

Pour parvenir à un accord, il a fallu faire des concessions aux États réticents. La plupart d'entre elles sont de pure forme, mais hautement symboliques. En même temps que la " Constitution ", disparaissent les expressions " loi et loi cadre ", tout comme le titre de " ministre des Affaires étrangères " et la référence aux symboles de l'Union. L'article sur la primauté du droit de l'Union ne sera pas repris, mais remplacé par une déclaration, rappelant la nature jurisprudentielle du principe. Le texte de la Charte sur les droits fondamentaux ne figurera pas dans les traités ; il y sera simplement fait mention dans l'article sur les droits fondamentaux. La " concurrence libre et non faussée " est gommée dans l'article relatif aux objectifs de l'Union. S'y ajoutent les dérogations accordées au Royaume-Uni et le compromis sur la majorité qualifiée.

L'accord a-t-il permis de sauvegarder les principaux acquis du traité constitutionnel ? Pour répondre à cette question, il faut rappeler les grands thèmes qui avaient guidé le processus constitutionnel : davantage de démocratie, de transparence et d'efficacité dans l'Union européenne. Si les progrès vers plus de démocratie et d'efficacité s'en sortent bien, il n'en va pas de même pour la transparence.

Démocratie

Le chapitre " vie démocratique de l'Union ", y compris le droit d'initiative citoyenne, et l'article sur les valeurs de l'Union sont maintenus. Le poids des Parlements nationaux dans le processus décisionnel européen sera encore renforcé par rapport aux dispositions adoptées en 2004, ce qui constitue en même temps une concession supplémentaire à la souveraineté nationale. Le rôle du Parlement européen est aussi accru : développement des champs politiques soumis à la codécision, compétences budgétaires étendues à l'ensemble des dépenses, élection du président de la Commission européenne. La Charte des droits fondamentaux aura la même valeur juridique que les traités (1) et l'Union adhérera à la Convention européenne des droits de l'homme.

Efficacité

Le Conseil européen, élevé au rang d'institution à part entière, est doté d'une présidence stable. À partir de 2014, la Commission comptera un nombre de commissaires égal aux deux-tiers des États membres et le rôle de son président sera renforcé. Il y a une extension du domaine de la majorité qualifiée, dont le nouveau calcul est confirmé, son application étant toutefois reportée à 2014, voire 2017. Le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, s'il perd le titre de ministre, voit sa position, ses attributions et ses moyens d'action maintenus. La coopération policière et judiciaire en matière pénale est intégrée dans un chapitre unique " espace de liberté, sécurité et justice ", avec à la clé une amélioration substantielle de son fonctionnement. Les nouvelles dispositions facilitant le recours à une coopération renforcée restent inchangées.

Transparence

Certes, la Communauté européenne disparaît, au profit de la seule Union européenne qui lui succédera et sera dotée de la personnalité juridique. En conséquence, les piliers sont supprimés. Subsiste aussi la clarification de la répartition des compétences entre l'Union et les États membres, même si c'est au prix de précisions qui traduisent la méfiance des États : l'Union n'agit que dans les limites des compétences que les États membres lui ont attribuées, toute compétence non attribuée à l'Union appartenant aux États et, si l'Union cesse d'exercer ses compétences, les États exercent à nouveau la leur. En revanche, il n'est plus question d'abroger les traités actuels pour les remplacer par un texte unique, mais simplement d'adopter un traité introduisant dans les deux traités actuels, qui restent en vigueur (2), la majorité des innovations découlant des travaux de la CIG de 2004. L'important effort de clarification et de systématisation des instruments juridiques est aussi abandonné. L'objectif de simplification des textes est ainsi manqué.

Deux regrets, enfin…

D'une part, l'unanimité reste de mise pour la ratification du traité et rien n'est prévu en cas de problème, alors que cette unanimité n'est pas automatiquement acquise. D'autre part, il est dommage de ne pas avoir repris l'idée d'une clause de rendez-vous pour prendre le temps de se pencher sur la partie des traités concernant les politiques de l'Union, dont la révision serait cependant nécessaire, ne serait-ce que pour en actualiser le contenu.

Il n'en reste pas moins que cet accord, qui était loin d'être acquis au vu de certaines surenchères nationalistes, marque un nouveau départ pour l'Union européenne, alors qu'un nouvel échec aurait donné un coup d'arrêt pour une durée indéterminée au moteur européen.

Marianne Dony
Directrice des recherches, chargée de cours Section juridique de l'IEE
 

Les chefs d'État et de gouvernement ont trouvé un accord le 23 juin 2007 pour réformer l'Union européenne grâce à un compromis complexe. Ils ont donné un mandat détaillé à une nouvelle conférence intergouvernementale ouverte le 23 juillet. Un " traité modificatif " devrait ainsi être adopté fin 2007 et, dans la meilleure des hypothèses, ratifié avant les élections européennes de juin 2009.



(1) Sauf pour le Royaume-Uni.

(2) Soit le traité instituant la Communauté européenne sous l'intitulé " traité sur le fonctionnement de l'Union " et le traité sur l'Union européenne avec son titre actuel.

 
  ESPRIT LIBRE > SEPTEMBRE 2007 [ n°51 ]
Université libre de Bruxelles