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esprit libre

[à l'université]
 
 
 
Jean Stengers nous a quittés. Une page d'histoire est tournée.

On allait au séminaire d'histoire contemporaine comme l'on allait au spectacle évoque Marc d'Hoore, historien du libéralisme. Les yeux pétillants, les lunettes en équilibre instable sur le front et retombant sur le nez au moindre mouvement, Jean Stengers racontait l'histoire avec passion. Cette passion, il l'a transmise à tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer, comme étudiant comme collègue ou encore comme journaliste.
Aujourd'hui, tous ceux qui ont profité de ses conseils attentifs et de son exceptionnelle amitié sont meurtris.

Jusqu'au bout, il n'a cessé de travailler. Son dernier livre (1), tout chaud sorti de presse et cosigné avec Eliane Gubin, professeur d'histoire contemporaine à l'ULB, est consacré au sujet qui lui a tenu à cœur durant toute sa carrière : le sentiment national belge.
Etudiant précoce et brillant, entré à l'ULB en 1939, à l'âge de 17 ans, Jean Stengers publie son premier article scientifique deux ans plus tard dans la Revue Belge de Philologie et d'Histoire. En 1948, il présente sa thèse de doctorat sous la direction du professeur Bonenfant sur les fondements historiques du … sentiment national belge.
" Dès cette époque, évoque l'historienne Ginette Kurgan, se manifeste l'éclectisme étonnant de ses intérêts, doublé d'une rigueur d'approche stimulée par sa formation de médiéviste. " A partir de 1949, Jean Stengers enseigne le cours d'histoire coloniale, en qualité de suppléant du professeur Franz Van Kalken auquel il succèdera en 1951 pour l'ensemble de ses enseignements d'histoire contemporaine.
Promu professeur ordinaire, en 1954, à l'âge de trente-deux ans, Jean Stengers participe à la fondation de l'Institut d'histoire du christianisme et succède en 1967 à Guillaume Jacquemyns à la direction du séminaire d'histoire contemporaine.
S'il est impossible de passer en revue ses nombreux travaux, on peut néanmoins affirmer que la réputation scientifique de Jean Stengers s'est construite au départ de l'histoire coloniale belge. Son " Congo, mythes et réalités " publié en 1989 fit date.
Autres ouvrages fondamentaux : celui sur les pouvoirs du roi de 1831 à nos jours, et celui sur Léopold III, liés à l'intérêt de l'historien pour l'histoire politique et institutionnelle du pays. Parmi ses autres centres d'intérêt, on peut relever la critique historique, la démographie, l'histoire des mentalités, les relations internationales, le révisionnisme … .

Isabelle Pollet


Le 15 août dernier disparaissait Jean Stengers, spécialiste éminent et reconnu de l'histoire contemporaine de la Belgique, professeur émérite à l'ULB et Membre de l'Académie Royale de Belgique. Des générations d'historiens de l'ULB garderont le souvenir de cet exceptionnel professeur-conteur leur narrant à grand renfort de claques passionnées sur les tables de séminaires les querelles entre libéraux et catholiques au XIX e siècle.



(1) " Le grand siècle de la nationalité belge, de 1830 à 1918 "

 
  ESPRIT LIBRE > OCTOBRE 2002 [ n°7 ]
Université libre de Bruxelles