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esprit libre

[à l'université]
 
 
 
Ceci est Magritte

Historiquement, c'est à l'ULB que René Magritte a trouvé, dès le début des années 20, ses premiers défenseurs au sein de cercles comme La Lanterne sourde. Sa vie durant, Magritte a témoigné d'un réel attachement au principe du libre-examen que son œuvre illustre par bien des aspects. En outre, il a noué au sein de l'université des amitiés qui ne sont pas restées sans incidence sur sa pensée. Les liens qui l'unirent à Chaïm Perelman en témoignent.
Réunissant des représentants de l'ULB, de la Fondation Magritte des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, le nouveau centre de Recherches René Magritte (CRRM) met en place un ample programme de recherche valorisant l'œuvre et la pensée de Magritte sur un terrain scientifique trop souvent déserté au bénéfice d'un commerce de masse tributaire de clichés aussi tenace que " Magritte ne savait pas peindre " ou " ses images plaisent parce qu'elles sont simples ".

Une collaboration avec la Menil Foundation de Houston - où sont aujourd'hui conservées les volumineuses archives récoltées par David Syvester et Sarah Whitfield lors de la réalisation du monumental catalogue raisonné - a permis de copier l'ensemble des archives personnelles de Magritte : outre des textes difficiles d'accès, quelque 10.000 photocopies de lettres et de documents constituent désormais le noyau du CRRM. Ils représentent une mine d'informations qui, jusqu'à présent, n'avaient été utilisées que dans la perspective du catalogue raisonné. Il s'agira d'en révéler les nombreuses autres facettes à travers des recherches ponctuelles, des études, des colloques qui toucheront au marché de l'art, aux relations avec le monde littéraire, aux idées politiques ou encore aux liens qui unirent Magritte à des personnalités comme André Breton, Paul Nougé ou Henri Michaux.
Loin d'être épuisée, la collaboration avec la Menil Foundation devrait aller de l'avant. Autour des archives qui demandent à être complétées et par de nouvelles initiatives. Si David Sylvester, décédé l'an dernier, avait mené d'importantes interviews avec les acteurs privilégiés de la vie Magritte aujourd'hui disparus, il reste encore de nombreux témoins que le CRRM a sollicité afin de constituer des archives sonores et visuelles originales.
Pour être pleinement opérationnel, le CRRM devait naturellement se doter d'une documentation qui étofferait l'approche de l'œuvre de Magritte en abordant les domaines du surréalisme belge et français, de la photographie, de l'histoire des avant-gardes, de l'hyperréalisme ou du pop art qui furent marqué par la poésie visuelle de Magritte. Grâce à la grande générosité d'Isy Brachot, l'ULB a pu se doter d'une bibliothèque importante qui, jointe à des fonds propres, fera du CRRM un outil de recherche performant et un point de convergence pour les spécialistes.
La recherche fondamentale constitue un pôle auquel répond un désir de s'impliquer plus avant dans ses débouchés concrets afin d'aller à la rencontre du public. Ainsi, à l'occasion de la rétrospective de l'œuvre de Magritte qui se tiendra, à Paris, à la Galerie nationale du Jeu de Paume au printemps prochain, un colloque international sera organisé par le CRRM.
Aux rencontres internationales répond une politique éditoriale qui bénéficie du soutien de la Fondation Magritte afin de publier régulièrement des " Cahiers Magritte " qui feront le point de la recherche en déclinant de nouveaux angles d'approche.
Prospectif, le CRRM espère aussi pouvoir, grâce au soutien des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique et de la Fondation Magritte, organiser ses propres expositions au sein de l'ULB ou à travers des collaborations internationales. Les sujets ne manquent pas. Qu'il s'agisse de l'œuvre photographique de Magritte, de sa conception du dessin ou de la gouache ou encore du laboratoire de l'œuvre.
Lieu de recherche, centre de rencontre, espace de découverte ouvert à tous, le CRRM espère rendre compte de l'œuvre de Magritte dans sa richesse. Loin des clichés ressassés à l'envi, celle-ci reste sans conteste une des contributions les plus subversives à la pensée du XXe siècle. Elle n'a pas dit notre dernier mot.

Michel Draguet
Professeur à l'ULB
Président du Centre de recherche René Magritte

Célébré dans le monde entier, Magritte est longtemps resté méconnu dans son propre pays. Notre recherche scientifique s'est peu intéressée à son œuvre alors qu'aux États-Unis ou au Japon, les thèses qui lui sont consacrées sont légion. Une situation à laquelle la création du Centre de recherches René Magritte de l'ULB remédie quelque peu…



 
  ESPRIT LIBRE > OCTOBRE 2002 [ n°7 ]
Université libre de Bruxelles