L'Italie, l'Europe et les petites contradictions politiques...
D'un côté, l'adoption du programme pour la présidence, voté au Parlement par la coalition gouvernementale au début de juillet
2003, a révélé une fois de plus les divisions à l'intérieur de la majorité et les contrastes profonds avec l'opposition parlementaire.
D'un autre côté, le président de la République Azeglio Ciampi - européaniste convaincu - a invoqué la nécessité d'unité d'action
de la classe dirigeante italienne, pour assurer une contribution à la hauteur du passé européen de l'Italie, à l'heure d'un
rendez-vous qui a été présenté comme historique pour le pays.
En effet, la présidence de l'Union européenne appelle le gouvernement italien à assurer différents fonctions : facilitation
des compromis intra-gouvernementaux, représentation de l'Union, administration de l'actualité, leadership politique, gestion
de l'agenda de travail. Le bilan de cette présidence pourra être fait seulement à la fin de décembre, au moment de passer
les consignes au gouvernement irlandais. En perspective, on peut analyser la présidence italienne en faisant la distinction
entre sa valeur symbolique et sa signification pratique.
Berlusconi sous les projecteurs
La question de la représentativité politique de la présidence, assurée par Silvio Berlusconi au nom de l'Union, a une importance
symbolique certaine. Comme pour tout autre pays membre de l'Union, la présidence de l'Union constitue un rendez-vous qui attire
les regards extérieurs. Le rôle de représentant de l'Union a évidemment contribué à l'exposition des questions judiciaires
et des conflits d'intérêt du premier ministre italien2 . Cela a été démontré par les conséquences diplomatiques retentissantes
déterminées par les réponses, maladroites, de Mr Berlusconi aux questions des parlementaires européens à Strasbourg, au mois
de juillet.
Par rapport à l'ampleur de sa valeur symbolique, l'impact concret du mandat italien à la tête de l'Union peut être certes
significatif mais, comme pour toute présidence, à la marge. D'autant plus que le temps utile se limite, en réalité, seulement
à quatre mois. Les priorités de l'agenda de la présidence peuvent être catégorisées en deux grands domaines: d'un côté, les
dossiers de haut profil, et d'un autre côté, les dossiers de moindre visibilité, relevant d'une logique gestionnaire, mais
qui peuvent être également relevants.
Dossiers chauds
Les dossiers chauds vont probablement être au nombre de trois: le renouement des relations trans-atlantiques, le suivi à distance
du processus de peace-building au Proche et Moyen-Orient, et l'avancement des travaux de la Conférence inter-gouvernementale,
qui doit élaborer le projet présenté par la Convention sur le futur traité de l'Union. Dans ces trois domaines, les chances
d'un franc succès de la présidence italienne, dans son rôle de facilitateur d'un consensus, sont ténues.
En ce qui concerne les relations transatlantiques, les positions à l'intérieur de l'Union sont très différentes. Par contre,
le dossier du Moyen-Orient permettrait à la rigueur une position commune. Toutefois, l'attitude du gouvernement italien, très
proche de la stratégie américaine, promet d'indisposer une partie importante des actuels États membres. Finalement, l'achèvement
de la Conférence intergouvernementale se projette au delà du mandat italien de présidence de l'Union européenne, même si le
nouveau traité recevrait a posteriori l'intitulé de deuxième Traité de Rome, fortement voulu par Mr. Berlusconi 3.
D'autre part, le travail préparatoire que la présidence italienne est appelée à accomplir en vue de la finalisation de cette
Conférence intergouvernementale, concerne les autres priorités moins visibles de l'agenda de la présidence. Il s'agit de dossiers
qui ont des aspects très relevants aux yeux de l'actuel gouvernement, concernant des questions comme les chantiers des infrastructures
au niveau européen, la collaboration dans le domaine de la justice et des affaires intérieures, une réforme des contraintes
budgétaires imposées par l'Union, à coupler avec l'avancement d'une politique économique européenne.
Nonobstant les blocages politiques, beaucoup de cartes sont encore dans les mains des négociateurs italiens, dans les limites
du jeu communautaire. Pour le moment, la partie de la présidence italienne de l'Union européenne est encore ouverte.
Luca Barani Institut d'Études européennes de l'ULB
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La présidence italienne de l'Union européenne s'annonce turbulente et susceptible de révéler au grand jour certaines des contradictions
profondes de l'actuel gouvernement, dans un moment important de l'évolution de l'intégration européenne1.
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1 Repubblica, Semestre Ue, sí della Camera, 1/07/2003
2 The Economist, Dear Mr. Berlusconi, August 2nd-8th 2003
3 Le Monde, L'Europe, enjeu du débat politique interne à Rome, 23/08/2003
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