L'homoparentalité, entre combats et débats
Depuis plus de deux décennies, on assiste à un bouleversement des représentations de la maternité et de la paternité. Ces
changements datent en particulier de l'existence de différentes méthodes de procréation médicalement assistée. Ces techniques,
en procédant au morcellement de l'expérience procréatrice, en multipliant les co-géniteurs et les co-parents ont créé des
situations inédites. Ces nouveaux modes de parentalité ont induit la prise en compte de demandes qui contournent la sexualité
(1). Dans ce contexte sont apparues de nouvelles demandes qui se situent dans un climat de revendication de l'égalité entre
les sexualités (hétérosexuelle et homosexuelle), avec en filigrane, l'égalité devant la création d'un enfant. Certains psychanalystes
(2) soulignent que la relation homosexuelle n'est pas potentiellement procréatrice. Elle n'est pas stérile, elle est infertile
par essence. D'autres avancent l'idée que ce dont l'enfant a besoin en premier lieu, pour se développer harmonieusement, c'est
de deux adultes qui ont pu se constituer psychiquement en parents et qui peuvent élaborer avec lui des liens d'attachement
profonds. En second lieu, l'enfant a besoin de connaître la vérité concernant son histoire, ses origines.
Homoparentalité à géométrie variable
Les familles homoparentales peuvent prendre diverses formes. Il peut s'agir d'une recomposition familiale avec un(e) partenaire
homosexuel(le) après une union hétérosexuelle. Cela peut également être une co-parentalité où des gays et des lesbiennes s'accordent
pour avoir un enfant qui évoluera dès lors entre deux unités familiales. D'autres familles sont issues des techniques de procréation
médicalement assistée. Actuellement une requête formulée par les couples homosexuels porte sur l'adoption. Cette revendication
s'argumente sur le fait que l'adoption est légale pour les célibataires (dont on ne connaît pas a priori la réelle orientation
sexuelle) et sur le fait que le mariage homosexuel a été reconnu par la loi.
Pour...
Certains psychiatres et psychologues défendent l'adoption homoparentale. Ils soulignent qu'aucune donnée n'indique que les
femmes et les hommes homosexuels sont moins aptes à être parents que les hétérosexuels ou que le développement psychologique
des enfants concernés pourrait être compromis. Une étude française (3) montre que les enfants de familles homoparentales ne
diffèrent pas fondamentalement de ceux de la population générale. Selon l'auteur de cette recherche, il ne s'agit pas d'affirmer
que tous les enfants de parents homosexuels vont bien, mais d'apporter une pierre supplémentaire à l'édifice des études qui
montrent déjà que leurs comportements correspondent bien à ceux des enfants de leur âge, ce qui ne revient absolument pas
à nier leur spécificité. Des travaux (4,5) réalisés en Belgique et en Grande-Bretagne ne font apparaître aucune pathologie
particulière dans ces familles.
...ou contre
D'autres se déclarent opposés à l'homoparentalité. Ils insistent sur la nécessité pour l'enfant d'avoir au sein de sa famille
une double référence maternelle et paternelle pour pouvoir construire son identité. Ainsi T. Anatrella (6) fait état du fait
que les enfants de parents homosexuels éprouvent des difficultés à se situer vis-à-vis de leurs parents et de leur propre
identité sexuelle. À ce propos, certains auteurs (7) soulignent que si le discours parental sous-entend le rejet de l'autre
sexe ou le déni de la différence des sexes, alors des difficultés liées à l'absence de référents de l'autre sexe peuvent surgir.
Il semble important dans ces familles de prendre en compte ceux que l'on désigne sous le terme de collatéraux (grands-parents,
oncles, tantes, parrains, marraines....) qui peuvent être amenés à jouer un rôle parental complémentaire de telle sorte que
la figure du père (de l'homme) ou de la mère (de la femme) ne soit pas exclue du projet homoparental.
Les enfants de parents homosexuels décrivent fréquemment une situation sociale difficile à vivre pour eux, en rapport avec
le regard que les enfants de leur âge (et aussi celui de leurs parents) portent à leur famille. Les moqueries, les insultes
proférées à leur égard ne sont pas rares et peuvent avoir une influence sur l'image qu'ils ont d'eux-mêmes et de leurs parents.
Actuellement, le débat concernant l'homoparentalité est loin d'être clos. Bien des questions restent ouvertes. Elles concernent
notamment la façon dont ces enfants pourront affronter l'entrée dans l'adolescence et dans la vie adulte. Pourront-ils se
désengager du destin homosexuel qui a marqué leur famille ? Des études longitudinales sur deux ou trois générations devraient
permettre d'avoir plus de recul et d'y voir plus clair.
Francine Gillot-de Vries Directrice du Service de psychologie du développement
Faculté des Sciences psychologiques et de l'éducation - ULB
|
Le fossé entre partisans et détracteurs de l'homoparentalité vécue ou souhaitée, par le biais de l'adoption ou par le recours
aux procréations médicalement assistées (PMA), ne semble pas prêt d'être comblé. Il ressort d'un bouleversement sociétal,
d'une mutation au niveau des représentations de la famille et de la place de l'enfant.
|
(1)DELAISI DE PARSEVAL, G., (1998), " La parentalité dans les couples de même sexe ", Dialogue, n°150, 71-84
(2)FLAVIGNY, Ch., (2002), Le désir d'enfant des homosexuel(le)s, Le Journal des Psychologues ,n° 195, 26-28
(3)NADAUD, S., (2002), Homoparentalité. Une nouvelle chance pour la famille ?, Paris, Fayard
(4)BAETENS, P., PONJAERT-KRISTOFFERSEN, I.,VAN STEIRTEGHEM,A.C, DEVROEY, P. (1996), "PMA et nouvelles formes de famille. Une
étude sur les inséminations artificielles de femmes seules et homosexuelles" Thérapie familiale, vol. 17, n°1,51-60
(5)GOLOMBOK,S .,SPENCER,A., RUTTER,M.,(1983), "Children in lesbian and single-parent households. Psychosexual and Psychiatry
Appraisal", Journal of Child Psychology and Psychiatry, 24, 551-572
(6)ANATRELLA, S., (2002), "La parentalité homosexuelle : source de confusion", Le Journal des Psychologues, n°195, 30-34
(7)HAMAD, N.,(2001), L'enfant adoptif et ses familles, Paris, Denoël
|