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Séparation des parents : pour une continuité relationnelle

Des études récentes montrent que la majorité des enfants de familles séparées fonctionnent normalement, sans symptômes psychologiques particuliers. Paradoxalement, d'autres études tout aussi récentes montrent qu'en moyenne, les enfants de parents séparés présentent davantage de problèmes psychologiques que ceux de parents non séparés.

Contradictions

Cette différence s'explique probablement parce que la séparation parentale ne constitue pas un facteur étiologique d'une pathologie mentale précise : les symptômes présentés par les enfants de parents séparés sont très variés et impliquent l'intervention de multiples facteurs liés à la spécificité de l'enfant et à celle de sa famille. Par ailleurs, il est probable que les parents séparés consultent plus fréquemment les spécialistes " psy " que les autres parce qu'ils observent de plus près leurs enfants, parce qu'ils se sentent coupables ou encore parce qu'ils désirent démontrer l'incapacité d'un parent à s'occuper des enfants.

Avant et après la séparation

En réalité, de nombreuses études suggèrent que les difficultés des enfants et adolescents sont essentiellement liées aux conflits parentaux pré et post-séparation. Au plus le niveau de conflit est élevé, au plus l'enfant présentera des difficultés : agressivité, hyperactivité, dépression, anxiété. Or, près d'un tiers des parents sont en conflit deux ans après la séparation. Les difficultés des enfants de parents séparés semblent également liées à la continuité de la relation aux deux parents, à l'information qu'ils reçoivent au moment de la séparation et à l'ajustement parental à la séparation.

Dans ce cadre, de nombreux intervenants du monde psycho-social et judiciaire s'interrogent sur les moyens à mettre en oeuvre de façon à protéger les enfants. Actuellement le débat fait rage autour d'un mode d'hébergement à proposer systématiquement, ou du moins en cas de conflit parental à ce sujet.

Malheureusement, il apparaît, tant au niveau des études scientifiques qu'au niveau des observations cliniques, que si le mode d'hébergement est imposé par un tiers et non pas négocié par les parents en fonction de leur enfant, de leurs histoires, valeurs, cultures, ressources diverses, très souvent de nombreuses difficultés émergent.

Éloignement et emprises

Au niveau de l'hébergement monoparental, le risque principal est l'éloignement voire la disparition du parent " non hébergeant " mais aussi l'établissement d'une relation d'emprise entre l'autre parent et son enfant, relation qui risque d'entraver le processus d'autonomisation à l'adolescence. Au niveau de l'hébergement alterné, le risque principal est lié à la discontinuité répétitive, spécialement lorsque les parents n'ont pu se mettre d'accord et sceller de leur confiance les arrangements pris.

Continuité relationnelle

En conclusion, nous pouvons avancer que l'idéal ne réside probablement pas dans un mode d'hébergement spécifique mais dans un processus d'élaboration de la parentalité post-séparation. Il s'agit de favoriser une certaine entente parentale autour des enfants et la continuité relationnelle entre l'enfant et ses deux parents. Dans ce cadre, le mode d'hébergement le plus positif pour l'enfant sera probablement celui pour lequel les parents sont parvenus à se mettre d'accord et qui tienne compte de son évolution et de son développement. Dans les cas de séparation conflictuelle, proposer plus systématiquement aux parents une médiation auprès d'un tiers afin de réfléchir aux enjeux qui alimentent la question de l'hébergement devient alors indispensable.

Claire Van Pevenage
Clinique de pédopsychiatrie infanto-juvénile Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola Conseillère scientifique à la Faculté des Sciences psychologiques et de l'éducation, ULB.

La séparation parentale fait actuellement partie du paysage social. Mais si de très nombreux enfants et adolescents voient leurs parents se séparer, la fréquence de ces situations ne doit pas masquer la souffrance de chacun. Nier celle-ci c'est répondre à la culpabilité parentale en négligeant les sentiments de l'enfant. La dramatiser et la considérer comme un traumatisme ou une pathologie, c'est oublier que chaque enfant et chaque famille ont des ressources qui leur permettent, si certaines conditions sont réunies, de dépasser les " épreuves de la vie ".



 
  ESPRIT LIBRE > OCTOBRE 2005 [ n°34 ]
Université libre de Bruxelles