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[à l'université]
 
 
 
Réussir à l'Université ? Le bon plan de la rentrée

Esprit libre : Toutes les universités en Communauté française connaissent un taux d'échec relativement similaire (de 40 %) en première année…
François Reniers : Ce taux semble être invariable depuis près de 30 ans. Des études ont été publiées sur ce phénomène, notamment à l'ULB. Cependant en trente ans, on constate aussi que beaucoup plus d'élèves s'inscrivent à l'Université. Dès lors, le constat des chiffres peut être relativisé si l'on envisage de les regarder de façon optimiste : il y a de plus en plus d'élèves qui réussissent à l'Université, dès lors qu'ils sont plus nombreux qu'avant. Mais on reste néanmoins face à un problème global qui demande qu'on investigue de nouvelles pistes de solution.

Esprit libre : Comment expliquer ce taux?
François Reniers : Les raisons sont variées : une mauvaise information sur les études, des difficultés d'adaptation aux exigences des études universitaires, des méthodes de travail inadéquates ou même inexistantes, une maîtrise insuffisante du français, y compris pour les étudiants francophones, un manque de prérecquis, de travail… Mais il y a aussi d'autres raisons, comme le fait que nos étudiants sont d'origines socio-culturelles très diverses à l'ULB ; ou encore la difficulté pour le corps enseignant de s'adapter à de nouvelles méthodes pédagogiques, etc. Bref, la transition du secondaire vers le supérieur reste extrêmement difficile à franchir.

Esprit libre : Le processus de Bologne ne devait-il pas permettre d'améliorer les chances de réussite de nos étudiants ?
François Reniers : L'étalement des études, le redécoupage des plages de travail, le lancement du Plan Langues chez nous sont des éléments qui devraient favoriser ce taux. En matière de langues, les bénéfices du Plan langues sont, eux, d'ores et déjà avérés. Pour le reste, Bologne a effectivement permis de réfléchir, au-delà du renouvellement des programmes, à la notion de " temps de travail " de l'étudiant et au redécoupage de celui-ci, ce qui théoriquement est positif. Mais nous n'avons pas encore constaté d'avancée significative sur ces aspects. Il s'agit à présent de faire un audit pour analyser ce premier cycle de trois années de BA qui vient de se clôturer et d'évaluer ces aspects-là aussi.

Esprit libre : Depuis de nombreuses années, des structures et des outils ont été créés à l'ULB pour aider l'étudiant à réussir…
François Reniers : Effectivement, l'ULB a été une pionnière dans la mise en place de moyens pour lutter contre l'échec. Notamment au travers du Centre de méthodologie universitaire, destiné à favoriser l'adaptation aux spécificités des discours universitaires. L'université a aussi fortement amélioré son information vers les élèves du secondaire. Des stages de méthodologie sont proposés depuis des années aux élèves de rhétorique, des cours préparatoires dans les matières supposant des pré-acquis sont également organisés juste avant la rentrée. Citons aussi la pédagogie par projets qui s'est fortement développée, notamment en Faculté des Sciences appliquées et qui vise l'acquisition de compétences transversales et de " soft skills ". Enfin, des guidances (mises en place à l'ULB dès 1987) sont mises à la disposition des étudiants en difficulté, etc. Tout cela est très efficace mais pas suffisant.

Esprit libre : Le recteur Philippe Vincke a donc souhaité lancer, dès cette année, un vaste plan de promotion de la réussite à l'ULB. Est-ce que les solutions ne sont pas d'abord à chercher en amont de l'Université ?
François Reniers : Le plan se phasera en plusieurs étapes et vise plusieurs publics : en interne, nos étudiants et nos professeurs ; en externe, il s'agira à plus long terme de rencontrer à la fois le monde politique et le monde enseignant responsable de l'enseignement secondaire pour tenter de réduire la fracture secondaire-supérieur et les lacunes que les enquêtes (enquêtes PISA de l'OCDE entre autres) ont mises en évidence.

Esprit libre : Quelle est la philosophie de ce plan " promotion de la réussite "?
François Reniers : Le choix est clair. Soit nous poursuivons dans les voies tracées, en estimant que nous ne pouvons faire mieux car les causes d'échec sont structurelles. Soit nous souhaitons remplir au mieux une des missions essentielles de l'Université, transmettre le savoir, et former les gens qui conduiront notre société demain, en donnant une chance réelle à chacun, non pas de commencer l'Université, mais de réussir l'Université.

Esprit libre : Comment s'est élaboré ce plan ?
François Reniers : Ce projet a été monté en concertation permanente avec la délégation étudiante, les représentants du corps scientifique et du corps académique, réunis dans la coordination des activités pédagogiques de l'ULB (CAP). Il est le résultat d'un consensus général entre les différents corps concernés.

Esprit libre : Pour cette année, quels sont les changements pour les étudiants ?
François Reniers : Depuis cette rentrée académique, ils peuvent effectuer des exercices de remise à niveau, en ligne, via le site de l'Université Virtuelle, dans les matières suivantes : mathématiques, physique, chimie, statistiques. Au total, ce sont près de 4.000 étudiants de BA1 potentiellement concernés. L'immense majorité de nos étudiants sont connectés à Internet (plus de 90%), pour ceux qui ne le seraient pas, des salles informatiques sont disponibles sur tous les campus de l'ULB. Une aide sera prévue pour les étudiants en difficulté. Ces exercices ont également pour effet d'induire une dynamique de travail positive chez l'étudiant et d'assurer un suivi de celui-ci via les corrections. L'étudiant se voit, dès le départ, imposer un rythme de travail contribuant à éviter la période traditionnelle de flottement constatée lors de l'entame des études universitaires. Le Plan langues lancé il y a deux ans dans quatre facultés, va être étendu à l'ensemble de l'Université. Par ailleurs, un ambitieux projet en BA1 en Infocom a pour objectif d'encourager les étudiants à s'investir activement dans leur formation, en étant aidés par de jeunes diplômés.

Esprit libre : Aider les étudiants, cela nécessite aussi de revoir les méthodes d'enseignement ?
François Reniers : Le challenge est de permettre à de plus en plus d'étudiants de mieux réussir. C'est pourquoi il nous faut agir sur plusieurs plans et nous adapter. Le monde a changé : les étudiants sont en demande de plus d'interaction avec les enseignants par exemple. Il faut pouvoir répondre aussi à cette attente-là en donnant à nos enseignants une formation personnalisée en pédagogie. Tous les nouveaux engagés recevront dorénavant un appui en ce sens, au travers de la cellule PRAC-TICE (Pédagogie, recherche, action et technologies de l'information et de la communication au sein de l'enseignement) qui ciblera leurs besoins, leurs demandes et leur proposera des outils techniques, psychologiques, pédagogiques. En parallèle, il pourra compléter son programme au sein d'un catalogue de formations pédagogiques et technopédagogiques.

Esprit libre : Et à plus long terme ?
François Reniers : Toute une série d'actions à long terme seront lancées pour permettre de maîtriser la langue d'enseignement ; les cours de connaissances fondamentales à l'entrée de l'Université seront généralisés ; les guidances évaluées. Il nous faut aussi lutter contre les raisons qui poussent à abandonner les études en première année. Au niveau des enseignants, plusieurs voies seront poursuivies pour valoriser l'engagement pédagogique de ceux-ci, tant au niveau des projets d'équipe que des actions personnelles. Et lors des concours de promotion dans la carrière universitaire, le volet pédagogique sera valorisé sans pour autant amenuiser l'exigence d'une activité scientifique de qualité. Etc

Esprit libre : Du pain sur la planche en perspective pour un vice-recteur…
François Reniers : Oui! Mais je suis un indécrottable optimiste (rires).

Alain Dauchot


Un constat s'impose : dans beaucoup de sections, les étudiants de BA1 présentent des difficultés - en partie liées aux prérecquis - en math, physique, chimie ainsi que dans la maîtrise du français. Soucieuse de proposer la meilleure formation intellectuelle possible, de haut niveau, tout en donnant à chaque étudiant entrant une réelle chance de réussite, l'ULB a lancé un plan de promotion de la réussite qui devrait se déployer sur plusieurs années. Rencontre avec François Reniers, vice-recteur à la politique académique et à la promotion de la réussite, initiateur de ce plan.



 
  ESPRIT LIBRE > OCTOBRE 2007 [ n°52 ]
Université libre de Bruxelles