Muriel Moser
Une femme à la Recherche
Esprit Libre : La seconde partie de l'étude Newtonia met en évidence le fait que trop peu de filles encore suivent une formation scientifique
et occupent des postes à responsabilités à ce niveau...
Muriel Moser : Il y a encore trop peu de filles qui font des études scientifiques, comme il y a également trop peu de femmes qui occupent
des postes à responsabilités... Un certain équilibrage est clairement souhaitable. C'est donc une bonne chose, effectivement,
que l'Université ait choisi une femme pour le poste de vice-recteur à la recherche !
Esprit Libre : Qu'est-ce qui vous a poussée à faire des études scientifiques ?
Muriel Moser : J'ai toujours été très intéressée par les problèmes de santé... Tenter de comprendre les mécanismes du vivant... J'ai donc
tout naturellement choisi les études de biologie.
Après mes licences, j'ai effectué mon doctorat au Laboratoire de physiologie animale de l'ULB. Ce laboratoire travaille en
immunologie, c'est-à-dire à la compréhension de la réponse qui permet de nous défendre contre les infections ; une étude qui
est vraiment fondamentale. Après ma thèse, j'ai effectué un stage post-doctoral aux États-Unis, à l'Institut national de la
santé, un très grand centre de recherche situé tout près de Washington, où j'ai également travaillé en immunologie, sur la
réaction du greffon contre l'hôte. Je suis ensuite revenue au Laboratoire de physiologie animale où j'ai été nommée au FNRS
comme chercheur qualifié. Je travaille donc depuis plusieurs années à l'IBMM, un institut de recherche de haut niveau, où
nous faisons en même temps de la recherche et de l'enseignement.
Esprit Libre : Qu'est-ce que la recherche vous apporte ?
Muriel Moser : Ce que j'apprécie vraiment, c'est la liberté de choisir des sujets d'études et leur orientation. Puis vient la satisfaction
de trouver des résultats, de les faire connaître en écrivant des articles scientifiques, etc. Et puis, je m'occupe d'un groupe
de recherche composé d'étudiants doctorants. Or, travailler avec des jeunes qui sont dynamiques et enthousiastes est vraiment
passionnant...
Esprit Libre : Vous et votre équipe avez obtenu cette année une bourse de la Fédération contre le cancer...
Muriel Moser : Une partie de mon équipe travaille plus spécifiquement sur la recherche contre le cancer. Notre approche est nouvelle : il
s'agit d'utiliser le système immunitaire pour combattre les tumeurs. L'avantage est que les effets collatéraux de la réponse
immunitaire proposée sont nettement moins importants pour le patient et qu'une " mémoire " s'installe. La bourse va permettre
de financer le fonctionnement et le matériel nécessaire pour que deux doctorants fassent des recherches dans ce domaine. Les
résultats que nous avons déjà obtenus sont encourageants.
Esprit Libre : Vous êtes à présent responsable à l'Université de la politique de notre institution en matière de recherche. Quel état des
lieux faites-vous en arrivant à ce poste ?
Muriel Moser : Nos étudiants et nos chercheurs sont très bons... Malheureusement, si l'on compare avec les États-Unis, la vie des chercheurs
est beaucoup plus compliquée chez nous. Nous sommes obligés de courir après les subsides et ceux-ci restent très faibles.
En Belgique, la plupart de la recherche se fait dans les universités et est essentiellement menée par des doctorants. Il est
très difficile d'engager des post-doctorants, contrairement aux USA, par exemple, qui offrent des salaires nettement plus
attractifs. Il faut faciliter la vie de nos chercheurs en augmentant les subsides et en les aidant d'un point de vue technique.
Esprit Libre : Quels sont les autres axes que vous désirez développer ?
Muriel Moser : Essayer d'augmenter les subsides. Il est possible à présent de défiscaliser le salaire de certains chercheurs ; cette défiscalisation
devrait être élargie. Il faudrait également introduire plus de projets européens. Nous devrons aussi rendre plus attractive
l'Université dans le contexte européen, en attirant de nouveaux étudiants et chercheurs ; pour cela nous devons encore gagner
des points dans le classement universitaire européen.
Esprit Libre : Le poste de vice-rectrice à la recherche chapeaute aussi bien les recherches en sciences exactes qu'en sciences humaines...
: Tout à fait. La recherche en sciences humaines est d'ailleurs essentielle dans notre société contemporaine ; elle doit permettre
de répondre à de nombreuses problématiques qui se posent aujourd'hui. Je connais évidemment mieux le domaine des sciences
exactes mais je suis en train de prendre des contacts avec une majorité de personnes du domaine des sciences humaines à l'Université,
pour essayer de cerner au mieux leurs problèmes et voir comment y remédier.
Esprit Libre : En dehors de la recherche, qu'est-ce qui vous passionne dans la vie ?
: Je fais beaucoup de sport, de la gymnastique en particulier... Sinon, ma famille est essentielle : j'ai trois fils - qui sont
d'ailleurs tous trois scientifiques ! - tout comme mon mari, Oberdan Leo, qui travaille à l'IBMM également. Sinon, je voyage
encore assez souvent, pour participer à des jurys de thèse à l'étranger ou pour des congrès. Mais je dois bien avouer qu'entre
mon travail de recherche et le vice-rectorat, il ne me reste plus beaucoup de temps !
Alain Dauchot
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Chercheuse à l'Institut de biologie et de médecine moléculaires, Muriel Moser partage à présent son temps entre Gosselies
et Bruxelles, entre la recherche et ses nouvelles responsabilités de vice-rectrice à la recherche à l'ULB. Une femme qui succède
à une autre femme - Véronique Cabiaux - à ce poste : un signe plutôt encourageant à l'heure où paraît la seconde partie de
l'étude Newtonia, mettant en évidence que trop peu de filles encore choisissent les études scientifiques...
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