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Commerce des grandes villes : quel état de santé ?

Outre une analyse au niveau communal pour l'ensemble du pays, permettant d'étudier l'évolution de l'emploi de 1995 à 2000, l'essentiel du travail repose sur l'inventaire sur le terrain des équipements commerciaux majeurs des 17 plus grandes villes belges et leurs périphéries : plus de 40.000 cellules commerciales, réparties en 111 noyaux de plus de 90 commerces, 125 parcs commerciaux représentant plus d'un million de m² de surfaces commerciales, 45 hypermarchés de plus de 4.000 m² et 12 shopping-centers isolés.

Ce matériel original permet de comparer le développement et la structure du commerce de détail mais aussi l'état de santé des noyaux et l'intensité et la forme de la pression du commerce périphérique sur le commerce des différentes villes.

Noyaux et hypercentre

Un même critère, mis au point empiriquement, a été utilisé pour la délimitation des noyaux commerciaux (au moins une façade sur trois commerçante). Il est assez fréquent que les acteurs de terrain utilisent au contraire un critère large quand il s'agit de faire valoir l'importance du nombre de commerces et étroit quand il s'agit de mesurer la proportion de commerces vides, plus faible au centre.

Le classement des principaux noyaux donne une image intéressante : Bruxelles-centre devance Anvers mais d'assez peu (2.800 magasins contre 2.500) ; vient ensuite Gand, légèrement devant Liège, puis Bruxelles haut de la ville, et Charleroi, grande ville, au même niveau que Bruges, ville régionale !

Une réflexion sur la définition et la délimitation de l'hypercentre, concept fort utilisé mais avec des acceptions souvent imprécises, a par ailleurs été conduite pour les quatre plus grandes villes, qui distingue trois parties emboîtées : les main-streets à enseignes internationales exigeantes, les autres rues d'équipement de la personne, les rues du commerce spécialisé.

Évolutions et facteurs

L'étude confirme que l'évolution de l'emploi dans le commerce de détail est généralement négative dans les communes urbaines centrales (- 3,1% de 1995 à 2000), et positive dans la périphérie (+ 6,4%). D'après le terrain, la proportion moyenne de cellules commerciales vides dans les principaux noyaux commerciaux était en 2002 de 16% dans les noyaux de centre ville, de 15% dans les autres noyaux urbains mais de 11% dans la périphérie. On considérait généralement qu'une proportion de 5% était normale. De telles valeurs étaient encore fréquentes à la fin des années 80, rares maintenant. À côté de cela, le taux de vacance est quasi nul dans les shopping centers et les parcs commerciaux, pour lesquels existent souvent des files d'attente.

Pour les commerçants des centres-ville, la cause de leurs mauvaises affaires est généralement claire : c'est le commerce de périphérie, et particulièrement le grand commerce moderne. Mais en fait, les taux d'équipements restent nettement supérieurs dans les centres par rapport aux périphéries même s'ils convergent lentement. Ces observations sont à rapprocher de l'évolution de la population, qui diminue généralement dans les centres-villes et augmente en périphérie. En conséquence, l'équipement commercial de certains centres-villes est devenu excédentaire par rapport à une population en décroissance tandis que dans la périphérie, les taux d'équipement sont encore généralement insuffisants par rapport à une population en croissance. La dynamique tend à rétablir lentement l'équilibre.

Le facteur principal de santé commerciale des centres-villes est l'évolution de la population et du pouvoir d'achat dans la région urbaine (ville + banlieue). Les trois régions urbaines hennuyères sont particulièrement mal loties de ce point de vue, au contraire de certaines villes flamandes comme Louvain, Hasselt-Genk ou Bruges. Par ailleurs, Charleroi, la Louvière et Mons se distinguent par un indice " emploi commercial sur population " particulièrement faible en ce qui concerne les types de commerces spécifiquement urbains, ce qui résulte aussi probablement de la faiblesse du pouvoir d'achat ; Liège, Namur et Tournai ne connaissent pas ce problème. Les noyaux commerciaux hors centre-ville qui se portent le mieux sont ceux autour desquels la population est en croissance et possède un bon pouvoir d'achat, comme Gerpinnes par exemple, au sud de Charleroi.

La conclusion est évidemment que le commerce de détail est une activité induite et qu'il s'adapte à l'évolution de la demande. Vient seulement ensuite comme facteur de santé commerciale la présence d'équipements modernes concurrents : shopping centers pour les centres-villes, parcs commerciaux pour les autres noyaux.

Jean-Pierre Grimmeau
Professeur, Géographie appliquée et géomarketing - Igeat

 


À l'instigation de la Politique des grandes villes et avec l'appui de Prospective research for Brussels, l'Institut de gestion de l'environnement et d'aménagement du territoire de l'ULB (IGEAT) a dressé, avec la collaboration de Ann Verhetsel de l'Université d'Anvers, un tableau du commerce de détail belge. Le point sur la santé de nos petits et grands commerces.



L'ensemble de l'étude est disponible à l'adresse : http://www.ulb.ac.be/igeat/igeat/ ulb_igeat/code/fr/acti_geog_pub_tel.htm .La version imprimée peut être commandée au prix de 16 euros auprès de Benjamin Wayens par e-mail (bwayens@ulb.ac.be) ou par fax (02 650 50 92).

 
  ESPRIT LIBRE > DECEMBRE 2004 [ n°27 ]
Université libre de Bruxelles