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esprit libre

[à l'université]
 
 
 
Drépanocytose : L'hémoglobine S en héritage

Esprit Libre : En quelques mots, qu'est-ce que la drépanocytose ?
Béatrice Gulbis : Il s'agit d'une maladie génétique héréditaire de l'hémoglobine de transmission autosomique récessive. On parle de l'hémoglobine " S ". Elle est surtout répandue en Afrique, en Inde, au Moyen-Orient, et en Méditerranée, mais les flux migratoires au cours des siècles ont favorisé la diffusion du trait drépanocytaire dans tous les pays. On peut être porteur de la maladie sans en ressentir les effets, ou sans être malade. Par contre chez les malades, les globules rouges atteints prennent une forme caractéristique " en faucille " et sont beaucoup plus fragiles, plus rapidement détruits par l'organisme. À Bruxelles, il y a tout de même 1,3 % des enfants qui sont porteurs de cette hémoglobine anormale et 1 enfant pour 1900 naissances qui est malade.

Esprit Libre : Concrètement, quels en sont les symptômes et comment se transmet-elle ?
Béatrice Gulbis : La maladie se présente en deux phases. Des phases aiguës, lorsque les vaisseaux sanguins se bouchent. Ces crises sont extrêmement douloureuses et nécessitent souvent de la morphine. Mais il y a également une phase chronique : les malades souffrent d'anémie, d'une sensibilité accrue aux infections (notamment le pneumocoque) ; et des lésions organiques multiples (poumons, cerveau…). En ce qui concerne la transmission, il est important de noter que la maladie n'est pas contagieuse ; il s'agit d'une maladie génétique transmise par les parents. Si l'enfant hérite d'un gène " hémoglobine S " et d'un gène " hémoglobine A ", il sera porteur de la maladie mais ne souffrira d'aucun symptôme. Mais si les deux parents lui transmettent le gène ' hémoglobine S ', l'enfant souffrira de la maladie.

Esprit Libre : De quels moyens dispose-t-on pour lutter contre cette maladie ?
Béatrice Gulbis : On tente de prévenir les infections en vaccinant les enfants notamment contre le pneumocoque, et en leur administrant des antibiotiques quotidiennement jusqu'à l'âge de 5 ans. Actuellement, certains traitements (comme l'hydoxyurée) permettent non pas de guérir la drépanocytose mais bien de diminuer le nombre de crises douloureuses et toutes les complications qui suivent celles-ci. Une transplantation de la moelle permet quant à elle, de guérir la drépanocytose, mais il est très difficile de trouver un donneur adéquat. De plus, cette opération est lourde et peut conduire à diverses complications. En Afrique, faute de moyens, bon nombre d'enfants décèdent, entre autres des suites d'une infection ; le vaccin contre le pneumocoque et le traitement par hydroxyurée n'y sont pas disponibles.

Esprit Libre : Comment s'effectue le dépistage ?
Béatrice Gulbis : Ce dépistage est très facile techniquement : après une prise de sang, on examine l'hémoglobine de près, ce qui permet de révéler la présence d'hémoglobine " S ". Cependant, les porteurs sont difficiles à identifier car ils n'ont pas de symptômes et l' examen sanguin classique est normal ; il faut donc passer par ce test spécifique. C'est pourquoi, l'information du monde médical et de la population est indispensable.

Esprit Libre : Quel type de travail est mené par le " Réseau des hémoglobinopathies " ?
Béatrice Gulbis : Outre le fait que nous avons initié le dépistage systématique à la naissance dans toutes les maternités de Bruxelles-Capitale, et enfin obtenu une convention INAMI pour ce dépistage, le travail poursuivi par notre réseau (qui réunit des médecins de tous les hôpitaux du pays, des associations de patients, des responsables en santé publique, des généticiens…) est surtout une action de santé publique. Nous avons par exemple beaucoup travaillé sur des campagnes d'information et de prévention, notamment via une petite bande dessinée explicative, des cahiers de suivi médical pour enfants et adultes, etc. Nous avons mis en place une base de données sécurisée consultable par tous les médecins concernant les patients, pour que la prise en charge soit la plus optimale possible. Bien entendu, dans notre réseau, certaines équipes comme celle de pédiatrie à l'Hôpital universitaire des enfants Reine Fabiola (HUDERF) travaillent sur l'aspect thérapeutique dont le traitement par hydroxyurée et la greffe de moelle. Notre réseau s'est associé au Réseau de lutte francophone contre la drépanocytose qui est à l'origine d'un projet semblable au Téléthon : le Drépadon, dans le but de récolter des fonds. De notre côté, nous avons réalisé une journée belge de sensibilisation à la drépanocytose, le 30 novembre dernier, avec le soutien médiatique de cinq joueurs de football de l'équipe première du Royal Sporting Club d'Anderlecht (Walter Baseggio, Aruna Dindane, Mbo Mpenza, Lamine Traore et Pär Zetterberg). Nous avons notamment demandé que la drépanocytose soit reconnue comme un problème de santé publique, un soutien pour des campagnes d'information, et de la pénicilline et des vaccins contre le pneumocoque pour l'Afrique.

Michael Simonetto


La drépanocytose est une maladie du sang qui touche un nouveau-né pour 1900 naissances à Bruxelles et un nouveau-né pour 100 naissances à Kinshasa. À l'occasion d'une journée d'information qui a eu lieu à l'Hôpital Erasme, Béatrice Gulbis, chef de clinique dans le département de chimie médicale, nous parle de ce fléau, au nom du Réseau des hémoglobinopathies.



Infos : www.redcellnet.be

 
  ESPRIT LIBRE > DECEMBRE 2004 [ n°27 ]
Université libre de Bruxelles