Albert, Niels, Ernest, Marie, Elisabeth, etc.
Les liens entre Einstein et la Belgique sont tout d'abord familiaux : un oncle d'Einstein - l'oncle Caesar - habite Anvers
; c'est d'ailleurs à ce dernier qu'Albert Einstein adresse son premier texte scientifique, une lettre qui porte sur l'électromagnétisme.
Einstein entretiendra toujours des liens étroits avec sa famille belge. Mais d'autres se créent peu à peu...
Le " sabbat des sorcières "
Lorsque inspiré par les travaux de ses autres fondations installées au Parc Léopold, Ernest Solvay décide de réunir un premier
Conseil scientifique international de physique, le nom d'Albert Einstein s'impose naturellement. Ce Conseil, qui doit se pencher
sur " quelques questions d'actualité des théories moléculaires et cinétique " rassemble parmi les plus célèbres des physiciens
de l'époque. On y retrouve Marie Curie, Poincaré, Langevin, Planck... Il est naturel que le physicien qui a " bouleversé "
la physique en 1905 y soit convié.
Le premier Conseil de physique marque une date dans l'histoire de la physique et ces séances seront immortalisées par une
photo qui fera le tour de la terre... Après le succès de ce premier Conseil, Solvay poursuit son oeuvre et fonde successivement
l'Institut de physique et l'Institut de chimie qui portent son nom. Ceux-ci organiseront désormais à intervalles réguliers
des " conférences "... dont les fameux Conseils de physique qui se tiendront tous les trois ans. Einstein en sera une figure
marquante : il participera aux conseils de 1911, 1913, 1927 et 1930, mais sera absent en 1921, 1924 et 1933 pour des raisons
politiques. Il deviendra aussi membre du Comité de l'Institut en 1926. Einstein animera particulièrement les conseils de 1927
et 1930, demeurés célèbres pour avoir été l'occasion d'un long, fascinant et... douloureux débat avec Niels Bohr .
Mais les Conseils Solvay sont aussi le lieu d'autres rencontres : Einstein y retrouvera notamment, à partir de 1927, un professeur
de l'ULB, Théophile De Donder, brillant théoricien en physique mathématique avec qui il entretenait une correspondance depuis
1916. En physique, d'autres contacts se noueront aussi, telles les discussions qu'Einstein poursuit avec le chanoine Lemaître,
l'un des pères du " Big-Bang " ; Einstein le rencontrera lors de son dernier séjour en Belgique en 1933.
Le mari du second violon
Mais Albert Einstein entretient aussi avec la Belgique des liens " politiques " : ainsi prend-il position avec force face
au Manifeste des 93, signé par les intellectuels allemands les plus prestigieux, dont Röntgen, Nernst, Planck - qui prennent
la défense des actions menées par l'armée allemande en Belgique, comme par exemple la mise à sac de Louvain. Einstein affirme
publiquement son opposition au Manifeste allemand et son engagement pacifique dans un contre-manifeste : l'Appel aux Européens.
C'est dans le droit fil de ses convictions que, de manière paradoxale en apparence, il ne soutient pas les deux objecteurs
de conscience belges, Hem Day et Léo Campion, en 1933. Il partage ses réflexions avec le roi Albert, estimant l'attitude des
deux hommes inadéquates face au danger que représente désormais l'Allemagne mais souligne aussi qu'il ne faut pas traiter
les deux hommes " en criminels ".
Le Roi, qui se présente comme " le mari du second violon ", faisant allusion à la passion partagée par la reine Élisabeth
et le physicien et à leurs après-midi de musique, adhère à la position du savant. Les contacts entre eux, créés à l'occasion
des Conseils, se sont poursuivis et intensifiés après 1929 et le roi Albert rappelle à l'occasion à Einstein que la Belgique
sera toujours pour lui une terre d'accueil. Einstein entretient aussi des relations cordiales avec Émile Vandervelde ou encore
Jules Destrée.
Dernière étape au Coq...
En 1933, revenant des États-Unis, Einstein apprend l'arrivée au pouvoir d'Hitler. Il s'installe alors en Belgique, au Coq-sur-Mer.
Il renonce officiellement à la nationalité allemande et déclare officiellement quitter l'Allemagne à tout jamais... Il y est
d'ailleurs victime d'une campagne de dénigrement très intense. Après quelques mois partagés entre la Belgique et l'Angleterre,
Einstein quitte le Coq pour rejoindre définitivement Princeton... Il ne reviendra plus jamais en Europe.
Didier Devriese Archiviste de l'ULB
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Contrairement à une légende qui court toujours, Albert Einstein n'a jamais failli devenir professeur à l'Université libre
de Bruxelles. Mais si cette histoire est bel et bien légendaire, celle des relations étroites entre Einstein et la Belgique
- et avec l'ULB en particulier - est bien vraie.
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1 À lire : Albert Einstein Dixit, texte de Pierre Marage, ULB-VUB, Bruxelles, sous presse.
2 Voir Ernest Solvay et son temps, dir. A. Despy-Meyer et D. Devriese, Bruxelles, ULB, 1997.
3 Lettre-invitation d'Ernest Solvay, Bruxelles, 15 juin 1911. Archives ULB.
4 Voir notamment Les Conseils Solvay et les débuts de la physique moderne, Bruxelles, 1995, éd. P. Marage et G. Wallenborn.
5 Idem.
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