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esprit libre

[à l'université]
 
 
 
20 ans de microgravité

Esprit Libre : Vous fêtez en février prochain, les 20 ans de votre première expérience en microgravité. Pourquoi cet anniversaire ?
Jean-Claude Legros : Parce que cette première expérience a été le point de départ de nos travaux qui ont permis la création du Microgravity research center (MRC). Il y a 20 ans, nous travaillions à deux personnes plus une bénévole. Aujourd'hui, notre laboratoire compte 31 collaborateurs dont les ¾ sont financés sur contrats extérieurs. Dès le début, l'équipe a été enthousiaste : nous y croyions et y croyons toujours. Notre laboratoire est d'ailleurs composé de collaborateurs très fidèles : mon premier thésard est aujourd'hui directeur de ma première spin-off, Lambda-X.

Esprit Libre : Y croire... Pourtant, les débuts furent incroyables, ou presque...
Jean-Claude Legros : Effectivement. Jeune chercheur, j'étudiais la physique des fluides. Mes expériences devaient être menées en microgravité mais j'ignorais à qui m'adresser. Après un détour par les États-Unis, j'ai pris contact avec l'ESA, l'Agence spatiale européenne. C'était en juin 1982, je ne connaissais rien à l'aérospatial mais j'ai complété les formulaires et appels à projet scientifique avec deux collègues. À mon retour de vacances, en août, il y avait un télex qui m'attendait : l'ESA nous demandait de nous rendre à une réunion à Brême. Nous avons payé nos billets de train nous-mêmes et sommes allés à cette réunion dont nous sommes sortis avec le calendrier de notre première mission. C'était hallucinant ! Quelques mois plus tard, nous étions sélectionnés pour un " Spacelab " (1).

Esprit Libre : Plus question alors de " bricoler " en vous finançant sur vos deniers personnels...
Jean-Claude Legros : C'était impossible. Le professeur Jaumotte a été le premier à nous aider. Nous avons ensuite contacté le monde politique scientifique belge qui nous a soutenu... Et au fil des projets, nous avons étoffé l'équipe et son financement tant public (Région bruxelloise, Région wallonne, etc.) que privé. Le spatial est un créneau porteur, ouvert à l'innovation mais c'est aussi parfois le Far West où la compétition est totale...

Esprit Libre : Quelles sont, en quelques mots, les activités du MRC aujourd'hui ?
Jean-Claude Legros : Nos recherches sont centrées sur les instabilités thermo-hydro-dynamiques de systèmes fluides. Disons que depuis 20 ans, nous étudions le transport d'énergie d'un point à l'autre, en tentant d'améliorer ce processus qui consiste à évaporer l'énergie à un endroit et à la condenser à un autre. Nos manipulations sont embarquées dans l'espace afin d'éviter toute altération de la gravité sur les résultats.

Esprit Libre : Vos travaux sont souvent menés avec des partenaires industriels. Gardez-vous toujours un volet de recherche fondamentale ?
Jean-Claude Legros : Bien sûr, je pense que recherche fondamentale et recherche appliquée s'alimentent mutuellement tant financièrement qu'intellectuellement. Le cloisonnement est mauvais : en tant que chercheur, j'aime repousser les limites de la connaissance sans oublier de réfléchir à l'exploitation possible en entreprise. De même, il nous arrive régulièrement de partir d'un problème industriel concret pour initier une recherche.

Esprit Libre : Vous connaissez bien le monde industriel puisque vous comptez vous-même deux spin-off à votre actif. Pourquoi vous êtes-vous lancé dans la création de PME ?
Jean-Claude Legros : Je dois être un peu fou ! En réalité, j'ai besoin de me fixer des objectifs à atteindre, des défis à relever pour me motiver. En 1996, nous avons créé Lambda-X, une petite sprl avec un capital minimum (750.000 FB à l'époque) qui a permis de valoriser notre expérience dans l'utilisation de diagnostics optiques en physique des fluides : Lambda-X conçoit et réalise des instruments d'optique spatiale, du traitement de l'image et de métrologie optique. La sprl s'est développée : elle est devenue une S.A., avec participation de l'ULB au capital et 10 collaborateurs. Aujourd'hui, elle vole de ses propres ailes. Euro Heat Pipes (EHP), elle, est née en 2001. Nous étions consultants pour la SABCA depuis plusieurs années quand celle-ci nous a annoncé qu'elle voulait externaliser un de ses départements dédié au contrôle thermique dans les engins spatiaux. La SABCA nous a proposé de le reprendre. C'était directement dans les compétences du MRC. L'ULB était enthousiaste, nous avons accepté, avec l'Université comme partenaire. Spécialisée dans la technologie des caloducs et boucles biphasiques pour la régulation thermique des engins spatiaux, EHP a été créée avec 5 collaborateurs ; aujourd'hui, elle compte 25 personnes dans le zoning industriel de Nivelles.

Nathalie Gobbe


Dans quelques semaines, le Microgravity research center (MRC) dirigé par Jean-Claude Legros fêtera le 20e anniversaire du lancement de sa première expérience en microgravité sur une fusée sonde. Évocation avec le maître d'oeuvre, de cette " première " et de quelques étapes-clefs dont, notamment, la naissance de deux spin-off : Lambda-X et Euro Heat Pipes (EHP).



Euro Heat Pipes S.A. - EHP - poursuit sa croissance rapide
La spin-off de l'ULB a signé en décembre dernier un document officialisant la mise en place d'une coopération étroite entre Astrium et Euro Heat Pipes : c'est là le début d'un partenariat qu'on espère fructueux à la fois sur le plan industriel et sur celui de la recherche.

 
  ESPRIT LIBRE > FEVRIER 2004 [ n°19 ]
Université libre de Bruxelles