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esprit libre

[à l'université]
 
 
 
SIDA : vers le vaccin salvateur ?

Esprit Libre : Pouvez-vous nous rappeler quels sont les différents stades de développement d'un vaccin.
Pr Clumeck : Le développement d'un vaccin comporte quatre phases principales. Lors de la phase I, on administre le candidat-vaccin à un nombre limité de volontaires sains pour tester l'innocuité (par exemple les problèmes d'allergie). On vérifie ensuite, lors de la phase II, l'action du vaccin sur un petit nombre de malades (pour définir entre autres la posologie). Ensuite, on poursuit les essais sur un échantillon plus large de malades lors de la phase III, pour établir l'effet thérapeutique du produit. Enfin, à la phase IV, on dépose une demande d'autorisation de mise sur le marché du vaccin, phase durant laquelle on peut suivre les effets du vaccin sur une plus grande échelle...

Esprit Libre : Combien de temps cela prend-il ?
Pr Clumeck : L'ensemble de ces phases prend généralement une dizaine d'années.

Esprit Libre : À quel stade du développement du vaccin contre le SIDA est-on ?
Pr Clumeck : Nous sommes actuellement au début de la phase II : concrètement le vaccin-candidat sera testé sur une trentaine de personnes en Belgique. Si la phase II montre une bonne tolérance au vaccin et donne des réponses satisfaisantes sur des tests in vivo, alors à la phase III, le vaccin sera testé sur un plus grand nombre de personnes (saines) directement sur le terrain (en Afrique, par exemple).

Esprit Libre : Comment fonctionne ce vaccin?
Pr Clumeck : La plupart du temps, des parties spécifiques du virus sont utilisées afin d'activer la réponse immunitaire. Une des stratégies est l'utilisation de vaccins multi-vecteurs (combinant plusieurs approches) qui provoquent une plus grande diversité des réponses immunitaires et offrent une protection plus importante. Le présent candidat-vaccin utilise un adénovirus qui comprend plusieurs fragments d'ARN viral dans le but de déclencher l'immunité cellulaire. Parallèlement à cela, le vaccin permettra également de déclencher une immunité mucosale, c'est-à-dire d'empêcher la pénétration du virus dans l'organisme par les muqueuses.

Esprit Libre : Ce vaccin est-il, a priori, destiné à tout le monde ?
Pr Clumeck : Non, il est exclusivement destiné à des personnes séronégatives à des fins purement préventives. D'autre part, ce vaccin s'adresse aux sérotypes non B, c'est-à-dire les sérotypes C du virus du sida qui sont les plus courants dans les pays en voie de développement.

Esprit Libre : Comment juge-t-on de l'efficacité finale d'un vaccin ?
Pr Clumeck : On considère en général qu'un vaccin dont l'efficacité est inférieure à 60%, n'est pas satisfaisant en termes de coût/bénéfice. Un vaccin efficace, comme celui de la polio, a une efficacité de l'ordre de 90%. Pour une large utilisation, il faudrait que l'efficacité de ce vaccin soit supérieure à 80%.

Esprit Libre : Il semble que le cycle du virus soit bien connu, ce qui a permis de mettre au point des thérapies (trithérapie notamment) qui marchent bien ; pourquoi tenter la mise au point d'un vaccin ?
Pr Clumeck : Il faut tout d'abord relativiser le fait que les thérapies marchent bien. Il faut savoir notamment que ces thérapies sont très lourdes pour les patients, entraînent de nombreux effets secondaires, n'empêchent pas de nouvelles contaminations et restent inaccessibles pour de nombreux pays en voie de développement à cause de leur prix élevé. Par ailleurs, il faut également savoir qu'il n'y a plus, à l'heure actuelle, de réservoir animal susceptible de transmettre le virus à l'homme, et la recherche d'un vaccin en théorie, permettrait l'éradication de la maladie par ce vaccin.

Jesus Millor
ActuSciences

Mohamed El Aydam
ActuSciences

Le dernier rapport ONUSIDA/OMS pour l'année 2003 constate qu'il y a aujourd'hui dans le monde plus de 40 millions de personnes vivant avec le virus VIH. Pour la seule année 2003, 5 millions de personnes ont contracté le virus et 3 millions en sont morts (dont 2 millions en Afrique). Le nombre de personnes étant décédées de cette maladie depuis son apparition est à ce jour de 20 millions et, selon des estimations récentes, ce nombre atteindrait le chiffre astronomique de 70 millions en 2020.

Ces dernières années, la principale avancée pour lutter contre cette maladie a été le développement de thérapies combinées qui ont amélioré l'état de nombreux malades. La prochaine étape dans la lutte contre le SIDA est la mise au point d'un vaccin qui, à moyen ou long terme, pourrait éradiquer la maladie.

ActuSciences, en complément de son dossier SIDA que vous trouverez sur internet, a interrogé le professeur Nathan Clumeck (Faculté de Médecine - CHU Saint-Pierre), responsable des essais cliniques en cours actuellement au sujet de vaccins contre cette terrible maladie.

Dossier SIDA d'ActuSciences : http://www.ulb.ac.be/ inforsciences/actusciences/



 
  ESPRIT LIBRE > FEVRIER 2004 [ n°19 ]
Université libre de Bruxelles