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esprit libre

[UAE]
 
 
 
COMMENCEMENT CEREMONY 2003

Après la remise des médailles de l'Université, le recteur Pierre de Maret félicite tous les nouveaux diplômés et leur souhaite d'entamer leur vie en êtres généreux et surtout enthousiastes.

Eric Gouder de Beauregard prend la parole pour rappeler les liens de fierté et de nécessité réciproque unissant l'Union des Anciens Etudiants et l'Université. Pour rester un pôle d'excellence, l'ULB a besoin du soutien de tous ses diplômés ; parallèlement, ces derniers trouvent dans l'Université et l'UAE le partenaire privilégié de leurs besoins en recherche et formation continuée.

Il décerne ensuite le prix UAE à François Hainaut, étudiant en sciences appliquées.

François Hainaut a mis sur pied un projet collectif, avec des étudiants d'autres universités, visant à réaliser, dans le cadre de l'ONG " Quinoa ", une action de reboisement des Andes équatoriennes. Les récoltes de fonds, à partir d'activités diverses, ont permis de financer l'achat d'arbres, la location du matériel nécessaire aux plantations, l'installation de coupe-vents et de bosquets destinés à lutter contre l'érosion. Pour réaliser ce projet, les étudiants ont séjourné dans une communauté de paysans andins, et ont donc cumulé le côté opérationnel du reboisement avec le contact profond d'une autre culture et d'une vie différente. Sur place, l'ONG se consacre aussi à revaloriser la culture des indiens Quechua et leur redonner une dignité que le contexte du pays leur déniait.

Roger Lallemand, orateur de la soirée, dédiait son discours à " l'Homme face à la souffrance et à la mort ".

Il évoque d'abord les conceptions multiples de la notion de souffrance et de douleur.

Une vision dominante veut que la douleur soit dégradante, réductrice, négative. Une douleur intense provoque un replis sur soi, une altération de la personnalité. L'Homme y perd sa liberté. La douleur le coupe du monde.

Les recherches scientifiques actuelles tentent à pallier le phénomène ; les médecins n'épargnent aucun soins pour aider les patients à sortir de ce monde avec douceur.

La plupart des philosophes grecs, d'Aristote à Senèque, considéraient déjà la souffrance comme inutile.

Mais la perspective judéo-chrétienne est tout autre : la douleur, considérée comme la sanction d'une faute, va devenir rédemptrice, fixatrice d'une mémoire morale !

Eve sera la première frappée : pour la punir, remarquons le, d'avoir voulu être libre et accéder à la connaissance, elle devra accoucher dans la douleur.

Et voilà le bonheur lié à la naïveté, à l'ignorance.

La passion du Christ, Saint Paul ensuite, relayés par les papes pies ou innocents, vont glorifier la douleur, cultiver son exemplarité. Dans les textes et les images : combien de Christ prêchant face au Christ en croix ? Combien de représentations de martyres percés de flèches, les seins sur un plateau, mutilés, poursuivis, torturés…tous affichant une " joie tranquille " ?

Cette imposition de la chrétienté dure jusqu'à nos jours : hostilité à l'anesthésie, à l'accouchement sans douleur. Des rapports médicaux montrent que 30% à peine des cas de douleurs intenses de patients cancéreux sont traitées correctement et efficacement.

Cependant, sans entrer dans ce schéma, il faut reconnaître que la souffrance est malheureusement indépassable, et que le refus absolu de l'affronter peut devenir négatif à son tour. Il faut donc l'affronter, lui résister, mais également affirmer qu'elle n'est pas une valeur en soi.

Et c'est dans ce cadre, qu'au bout de la douleur, physique ou morale, l'Homme a le droit de décider de sa vie, du sens de sa vie et de choisir d'y mettre fin. Toutes les religions refusent ce droit et considèrent l'euthanasie et le suicide comme un meurtre, une violation de la loi divine.

Or, décider de ce qu'on veut faire de la fin de sa vie, donne un sens à cette vie-même.

La problématique est compliquée : les valeurs s'opposent. Nous affirmons la valeur de la vie humaine en tant que telle, la valeur de la vie tout court d'ailleurs ; nous valorisons le respect de la vie.

Et nous nous trouvons devant nos contradictions : en même temps que les femmes s'émancipent, elles revendiquent le droit à l'avortement. Au nom du respect de la vie, et du droit à la vie, faut-il défendre un embryon ?

La sensibilité à l'avortement, comme à l'euthanasie, sont bipolaires.

Du point de vue idéologique, la valeur d'une vie est…in évaluable : qui peut la fixer, sur quels critères, avec quelle objectivité ?

Nous vivons dans une société de changements rapides, d'évolution des morales, de fragmentation des notions éthiques.

Or, la multiplicité éthique de nos sociétés actuelles doit nous amener à assurer la coexistence et non la pré éminence d'une d'entre elles, à appliquer le respect de l'altérité et de la différence, le refus du totalitarisme moral. La démocratie valorise un espace de liberté le plus large possible : l'individu, le citoyen, a le droit d'agir selon ses valeurs, même si elles ne sont pas celles d'une majorité.

En conclusion, Roger Lallemand nous offre une série de citations optimistes sur l'Homme, valorisant la vie et assurant que la jeunesse de l'esprit persiste, que la vie donne la chance d'un nouveau jour, que dans l'aube, il existe quelque chose qui vient toujours à naître et qui cherche son nom…Il parle d'espérance et d'amour, de Prométhée qui a apporté le feu et la lumière aux hommes. Et ni l'espérance, ni l'affirmation de la valeur de la vie et de son sens ne sont incompatibles avec la souveraineté d'un homme sur sa vie.

Trouver la volupté de vivre est la grâce qu'il nous souhaite.

Nous lui retournons bien volontiers ce souhait.

Michette MARDULYN
Secrétaire Générale

ROGER LALLEMAND



 
  ESPRIT LIBRE > FEVRIER 2004 [ n°19 ]
Université libre de Bruxelles