" Mes élèves ont entre 16 et 20 ans, certains sont en math fortes, d'autres non. Certains sont en technique, en " qualification tourisme ". C'est une école à discrimination positive avec une population assez variée, essentiellement d'origine immigrée mais pas seulement : des Turcs, des Belges, des Italiens, des Africains, des Marocains, des Portugais, des élèves qui viennent de l'Est... Et de toutes les religions. Ce mélange est assez enrichissant.

Comment faire face aux problèmes de violence, de racisme, de discipline... ? Depuis plus de dix ans, la préfette et le proviseur ont instauré quelques règles de base. Tous les matins à 8h, à l'entrée de l'établissement, ils surveillent la " tenue " des élèves, qu'ils connaissent d'ailleurs tous : pas de walkman, pas de foulard sur la tête, pas de casquette, aucun signe religieux trop distinctif... C'est en quelque sorte un travail préventif. Nous n'avons jamais eu de problèmes graves avec nos 500 élèves. Mais la violence peut arriver sans prévenir. Il y a parfois des frustrations cachées qui éclatent suite à une simple remarque a priori anodine... Quant au racisme, il est également sous-jacent.

Vu la diversité de la population des classes de notre établissement je me suis dit qu'il fallait trouver des chemins de traverse pour les intéresser à la matière... J'ai eu l'idée de leur proposer de créer des expositions, ce que nous faisons depuis 2000. Nous avons par exemple monté l'exposition " Regards mathématiques sur la ville " à l'ULB. Depuis nous participons chaque année au Printemps des sciences, aux jeunesses scientifiques, etc. On essaie de faire un maximum de liens avec l'extérieur en les faisant participer à des conférences par exemple, ou en allant avec eux au musée.

Le fait de créer des expos avec les élèves change le regard qu'ils portent sur l'enseignant qui n'est plus uniquement celui qui explique, qui met les mauvaises notes et qui juge en fin d'année... Au départ ils pensent que cela compte pour des points. Petit à petit, ils se rendent compte des vrais enjeux, comme de " ne pas se taper la honte " comme ils disent devant un public. Ils vont devoir présenter un travail devant les copains, les parents, des profs, des doyens... Cela implique de se mettre au niveau du public et d'avoir un réel échange. Résultats : ils apprennent des choses intéressantes à des personnes qui ne sont pas de leur milieu, ce qui les valorise. Les sujets sont répartis parmi les élèves en fonction de leur niveau en maths et de leurs capacités créatives. Chacun trouve sa place en étant responsable d'un des aspects du projet. Par ailleurs, les élèves se rendent compte aussi que leurs professeurs n'ont pas la science infuse et qu'ils ont également des choses à apprendre... Motivés, ils trouvent dès lors de l'intérêt à venir au cours. Cela change leur regard sur l'école. Et le climat général s'en trouve amélioré.

Cela demande évidement un gros investissement personnel. Tout le monde n'a pas la force, ni l'envie de se lancer dans ce genre d'aventure. Par peur parfois, ou parce que d'aucuns sous-estiment la valeur de leur élèves... C'est très gai mais cela implique beaucoup d'énergie, et le soutien de la direction ! "

 
Propos recueillis par Alain Dauchot

La prochaine exposition montée à l'Athénée aura pour thème " Femmes et science ", du 22 au 25 mars. Infos : 02 217 67 73.