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esprit libre

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Il y a du changement dans l'air...

Lors de la conférence de Stockholm en 1972, la nécessité d'une remise en question de nos modes de production et de consommation semblait acquise. Néanmoins, il a fallu attendre le Sommet de la Terre en 1992, à Rio, pour que soient jetées les bases de réponses structurées à nos angoisses face aux dérèglements de la planète. En découlent l'Agenda 21 et la Convention-cadre sur les changements climatiques, laquelle a donné naissance au Protocole de Kyoto, en 1997. Les 160 pays signataires du protocole se sont alors engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de telle sorte que, à l'horizon 2012, elles soient globalement diminuées de 5,2 % par rapport à leur niveau de 1990.
Quelques sommets plus tard, après des revirements spectaculaires comme le désengagement du processus des États-Unis (pourtant le plus gros producteur), après bien d'âpres négociations et des compromis, le quorum de pays industrialisés produisant au moins 55 % du total des gaz émis en 1990 a enfin été atteint.

Pièges à chaleur

Pourtant, les gaz à effet de serre ne sont pas nos ennemis. Sans eux, la vie ne serait pas possible sur notre planète. Chauffée par les rayons solaires, la surface de la terre dégage à son tour de la chaleur, absorbée par des molécules comme la vapeur d'eau, le CO2 ou encore le méthane (CH4) présentes dans notre atmosphère. Sans ces pièges à chaleur, la température moyenne de l'atmosphère serait d'environ -18° C au lieu de 15° C. L'effet conjoint de l'accroissement brutal de la population mondiale au cours du dernier siècle et le recours massif aux énergies fossiles pour les activités humaines conduit à l'augmentation de la concentration des gaz à effet de serre. Nous assistons également à l'accumulation dans l'atmosphère de molécules synthétiques dont l'action sur la chimie de l'atmosphère est importante bien que loin d'être entièrement comprise.

Controverse

Le fait que la température moyenne de l'atmosphère se soit élevée de 0,5° C au cours du dernier siècle découle-t-il de l'augmentation de la concentration des gaz à effet de serre d'origine anthropique observée pendant la même période ? Difficile de répondre à cette question. Le climat de la Terre est en constante évolution, et l'alternance régulière de longues périodes chaudes et de glaciations a été établie à partir de l'étude des calottes glaciaires. Très divisée il y a quelques années, la communauté scientifique s'est mise au travail pour élucider la question. À l'heure actuelle, un large consensus se dessine pour dire que ce lien est hautement probable.
L'Union européenne n'a pas attendu la mise en application du protocole de Kyoto pour imposer aux pays membres de définir leurs engagements de réduction pour la période 2008-2012. Parmi les mécanismes conçus pour permettre aux états d'atteindre leurs objectifs sans mettre en péril leurs économies, il y a le très décrié système d'échange des quotas d'émission de gaz à effet de serre. Souvent présentés comme des permis de polluer, les quotas permettent à un acteur économique de dépasser le volume d'émission de gaz qui lui a été accordé en achetant, en bourse, des tonnes d'équivalent CO2 mises à disposition par d'autres acteurs. Ce système est entré en vigueur le 1er janvier.

Et en Belgique ?

La Belgique s'est engagée à réduire ses émissions annuelles à 92,5 % des émissions en 1990. En matière d'environnement, cependant, la compétence revient aux Régions et il leur appartient désormais de mettre en oeuvre les politiques nécessaires au respect de leurs engagements. L'accord de partage de l'effort de réduction entre les Régions n'est malheureusement pas suffisant et prévoit, dès lors, que l'État fédéral comblera la différence en achetant environ 2,46 millions de tonnes d'équivalent CO2 par an. Le marché des quotas concerne environ 50 % des émissions totales sur l'ensemble de l'UE et en représente 40 % en Belgique. À cet égard, la situation des trois Régions est très différente. Le cas de Bruxelles, ville-région, est totalement atypique car, bien que la part de Bruxelles ne soit que de 3 % des émissions totales de la Belgique, elles proviennent surtout du résidentiel et des transports. La Région Bruxelles-Capitale est donc en mauvaise posture pour respecter ses engagements, car ils dépendent largement des comportements individuels de ses habitants, et d'une politique de mobilité que Bruxelles ne maîtrise que de façon très partielle.

Les mesures prises dans le cadre du Protocole de Kyoto seront-elles efficaces ? Impossible de répondre tant les effets sur le climat sont complexes et à long terme.
Par contre, nous pouvons escompter des bénéfices plus immédiats de l'application de ces politiques en termes de meilleure gestion des ressources naturelles et de meilleure qualité de l'air que nous respirons. Et ce n'est déjà pas si mal !

Marie-José Gama
ActuSciences

Le protocole de Kyoto entre en vigueur le 16 février 2005. Entre la signature du protocole et sa mise en application, le chemin fut long et semé d'embûches. C'est que l'enjeu est de taille : mettre la protection de l'environnement au rang des activités réglées par des accords coercitifs au niveau supranational, privilège jusqu'ici réservé au commerce, via l'OMC.



Voir dossier ActuSciences www.ulb.ac.be/inforsciences/actusciences

 
  ESPRIT LIBRE > FEVRIER 2005 [ n°28 ]
Université libre de Bruxelles