Laïcité, égalité, mixité :
'Merci d'avoir osé'
" Merci d'avoir osé " lancera Chico Kebsi, président de Promo-Jeunes-Promo Basket, aux organisateurs de cette soirée. Responsable
d'un service d'aide à la jeunesse, il constate depuis plusieurs années un glissement inquiétant : le tissu associatif, citoyen
et syndical d'hier, celui qui assurait le maillage social, la solidarité intergénérationnelle et intercommunautaire a perdu
du terrain. D'autres réseaux de solidarité sont apparus, ethniques, dogmatiques, religieux, qui prônent non plus le " vivre
ensemble " mais le communautarisme, en Belgique, en France, en Europe en général. La ghettoïsation... en marche. Ce que confirme
Fadela Amara, fondatrice de Ni putes ni soumises (NPNS) et docteur honoris causa de l'ULB. La régression dans les cités durant
les années 90 s'explique aussi et surtout par un contexte social qui continue de s'abîmer : le chômage de masse et la discrimination
à l'embauche, les problèmes de logement, etc. En France, les femmes de NPNS sont entrées en résistance. En défendant un projet
de société où pouvait s'exprimer la liberté de conscience, au sein d'un espace commun où le respect est vecteur d'émancipation,
elles défendaient les valeurs de la laïcité, celles de la République donc. Belle leçon donnée à l'État, qui trop longtemps
a laissé en jachère un terrain propice aux embrasements...
Violences faites aux différences
Violences faites aux femmes, droit à la différence qui vire à la différence des droits, sacré confondu avec religieux... Dans
son introduction au débat, André Nayer (ULB) égrènera les maux qui s'insinuent de plus en plus dans notre société. Autour
de la table également, Fatoumata Sidibé (NPNS Belgique), Nicolas Zomersztajn (Centre communautaire laïc juif), Chemsi Cheref-Khan
(Institut européen d'humanisme musulman), Dominique Sopo (SOS Racisme, France), Sara Brajbart (Collectif Dialogue et Partage)
et Clément Dartevelle (Cercle du libre-examen de l'ULB).
Pour Dominique Sopo (Sos Racisme), il ne faut pas se tromper de débat. La laïcité au sein de la République garantit la liberté
individuelle, et elle cadre la liberté religieuse dans la sphère privée. Méfions-nous, dit-il, de toutes les tentatives pour
la dévoyer, en la redéfinissant - notamment au nom de la liberté - comme ne manquent pas de le faire les intégristes et les
communautaristes.
Au-delà des peurs
La peur, souvent fige les clichés. Pour les combattre et pour combattre un antisémitisme qui avait de plus en plus tendance
à " s'assumer ", sous couvert d'intifada, l'asbl Dialogue et Partage a choisi d'aller à la rencontre des autres communautés,
en commençant par la turque et la marocaine. Un dialogue au-delà des identités communautaires qui s'est poursuivi sur les
antennes de Radio Judaïca, au travers d'une émission qui ne se fit pas sans mal. Une expérience qui a permis de réelles relations
d'amitié et de partage, selon Sara Brajbart.
Chemsi Cheref-Khan parla lui de la pluralité des islams dont l'islam laïque, qui distingue la religion du droit ; une conception
qui remonte aux origines de cette religion et que son Centre défend. Nicolas Zomersztajn, pour le CCLJ, rappela lors de son
intervention que l'essentiel du peuple juif est laïc. Et que malgré les différences culturelles les défis sont les mêmes de
chaque côté : " le monde entier est un pont étroit. L'essentiel est de ne pas avoir peur de le traverser ".
NPNS Belgique
Cette soirée était également l'occasion pour Ni putes ni soumises Belgique, association fraîchement créée, de se faire connaître.
Fatoumata Sidibe, jeune présidente de l'association, dit avec des mots empreints d'une émotion rare, combien les problèmes
de violence envers les femmes, en Belgique, sont aussi cruciaux qu'en France. Qu'il s'agisse d'excision, de violence dans
le couple, de machisme, de voile imposé, de ghettos en voie de développement... Parmi les premières actions de l'asbl, la
publication d'un " Guide du respect ", dont on devrait entendre parler prochainement.
Lors du débat qui allait suivre, une personne dans la salle présenta la laïcité comme un rempart. Une digue à consolider chaque
jour. Et de suggérer une fédération et une implication des uns et des autres dans les luttes de chacun : droits des femmes,
des homosexuels, etc. Cette première rencontre en appelle d'autres, assurément, au vu de l'ambiance joyeuse qui régnait dans
la salle, malgré quelques interventions des représentants du Parti des jeunes musulmans de Belgique qui, c'est un euphémisme,
ne firent pas l'unanimité. On vit même, en fin de soirée, une facétieuse parodie d'extrémiste religieux par l'acteur Sam Touzani
monté sur son siège, ce qui déclencha l'hilarité (presque) générale.
Alain Dauchot
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Les premières Rencontres de la laïcité, de l'égalité et de la mixité organisées par le CCLJ et l'ULB ont fait salle (Dupréel)
comble, le 7 décembre dernier. À l'heure où les extrémismes de tous bords tentent d'exacerber les différences, où les intégrismes
de toutes obédiences attisent les conflits intercommunautaires, il était revigorant de voir toutes les couleurs et les origines
de la fraternité réunies autour de valeurs communes, celles du respect et de la démocratie citoyenne.
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