Jeunes femmes et études scientifiques
Esprit Libre : Matéo Alaluf, vous présentiez en octobre dernier, avec Pierre Marage, les résultats de l'étude Newtonia qui portaient sur
l'accès à l'université et les choix effectués par les nouveaux inscrits en première candidature. Vous y releviez que tout
le monde n'est pas égal au moment de la rentrée universitaire.
Matéo Alaluf : Nous avons pu relever trois indicateurs déterminants : le sexe, le niveau socioculturel et l'option choisie dans le secondaire.
Parmi les étudiants qui s'inscrivent pour la première fois à l'université, on compte plus de filles que de garçons ; mais
cette proportion se renverse radicalement dans le cas des filières scientifiques. Alors que les garçons issus des sections
" maths fortes " se concentrent dans les filières à connotation scientifique, les filles de ces mêmes sections se dispersent
à travers toute l'université.
Matéo Alaluf :
Esprit Libre : Aujourd'hui, vous avez fait un pas de plus dans votre étude en exploitant les résultats à l'issue de la première candidature
Najat Imatouchan : Le résultat majeur est que les filles réussissent beaucoup mieux que les garçons. Et cela quel que soit leur poids dans une
filière, les caractéristiques socioculturelles de leur famille ou l'option suivie dans l'enseignement secondaire ! Et même
en situation d'échec, les filles " s'accrochent " autant que les garçons.
Robertine Sanvura : Alors que nous savons que l'âge intervient dans la réussite, nous observons que les filles qui ne sont pas " à l'heure " réussissent
mieux que les garçons qui ne sont pas à l'heure.
Esprit Libre : A part le sexe, quels sont les autres facteurs de réussite identifiés ?
Matéo Alaluf : L'âge, on l'a dit, l'option suivie dans le secondaire et surtout l'origine socioculturelle : chez les filles, le taux de réussite
est 2,5 fois plus élevé quand les parents sont universitaires
Ainsi, des deux facteurs d'inégalité que nous avons identifié à l'entrée de l'université, l'origine socioculturelle et le
sexe, il apparaît, à l'issue de la première candi, que l'université a aggravé le premier et atténué le second. Ce sont aujourd'hui
les jeunes femmes qui permettent une ouverture de l'université vers les milieux moins favorisés.
Esprit Libre : Que faire face à ces déterminismes sociaux ?
Matéo Alaluf : Les injonctions ne servent à rien. La scolarisation massive ne s'est pas accompagnée d'une démocratisation. Il faut que l'université
s'adapte à ces nouveaux publics qui en arrivant à l'université sont hors de leur milieu social et confrontés à un choc culturel.
Il faut bien se rendre compte que ces étudiants là n'ont plus rien à voir avec les publics fantasmés par certains professeurs
Robertine Sanvura : Nous avons entrepris une démarche pour sensibiliser toute une série de personnes concernées par les résultats de cette recherche
: les parents, les enseignants et les associations professionnelles. C'est en informant qu'on pourra déjà briser certains
stéréotypes qui restent d'actualité et pèsent dans le choix d'études surtout celui des filles. Une enquête sur les trajectoires
professionnelles de divers diplômés est en cours, on espère pouvoir informer les jeunes sur la diversité et la variété des
métiers avec des exemples concrets.
Isabelle Pollet
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Une étude récente montre en quoi le sexe et l'origine sociale jouent un rôle fondamental dans l'accès, les choix et la réussite
à l'université.
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Vient de paraître
Les filles face aux études scientifiques. Réussite scolaire et inégalités d'orientation. Par Matéo Alaluf, Najat Imatouchan,
Pierre Marage, Serge Pahaut, Robertine Sanvura, Ann Valkeneers, Adinda Vanheerswynghels. Editions de l'Université de Bruxelles.
Une journée d'étude " Femmes et Universités. Choix d'études. Carrières professorales " se tient le mercredi 5 mars 2003, à
l'initiative de la Faculté des Sciences, du DULBEA et du centre de sociologie du travail, de l'emploi et de la Formation de
l'ULB.
Salle Dupréel
Av. Jeanne 44 - 1050 Bruxelles
Tél : 02 650 49 38
Courrier : newtonia@ulb.ac.be
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