Eric Lacroix
Du court au long, entre patience et passion
Esprit Libre : À quel âge le virus du cinéma vous a-t-il atteint ?
Eric Lacroix : Déjà à l'âge de 6 ou 7 ans, je calculais mon argent de poche en fonction du nombre de films que je pourrais aller voir. C'est
en jouant à tourner un film avec mon grand frère - avec une caméra, mais sans pellicule ! - que c'est devenu un rêve dévastateur.
Puis, quand j'ai eu 17 ans, mon père a acheté une caméra vidéo. J'ai réalisé des tonnes de petits films avec des potes, à
l'époque. Mais de là à en faire un métier...
Esprit Libre : Quand s'est opéré le déclic ?
Eric Lacroix : J'ai suivi des cours de droit durant quelques années. Mais au moment d'entrer en 2e licence, j'ai tout plaqué pour entreprendre,
seul, un voyage dans les Alpes. C'est à ce moment-là que j'ai pris du recul sur ma vie, que je me suis enfin décidé - à
23 ans - à suivre le chemin qui m'a mené au cinéma.
Esprit Libre : Vous suivez des stages vidéo, puis vous décidez de vous inscrire à ELICIT (licence en écriture et analyse cinématographiques
à l'ULB)...
Eric Lacroix : ELICIT est une excellente initiative parce que l'écriture de scénarios est ce qui manque le plus dans le cinéma actuel. J'ai
particulièrement apprécié les cours de Jean-Marie Buchet ; un homme vraiment exceptionnel. Il était très dur, très critique
sur les travaux mais il m'a vraiment fait comprendre ce qu'implique l'écriture. Cette licence m'a aussi donné l'opportunité
de voir une quantité de films qu'on n'a plus l'occasion de voir sur nos écrans.
Esprit Libre : Vous regrettez de ne pas avoir entrepris des études de réalisateur ?
Eric Lacroix : À 23 ans, je me voyais mal reprendre quatre ans d'études à l'INSAS ou l'IAD. Cela m'aurait certes permis de gagner du temps,
mais j'ai pris un autre chemin : j'ai eu la chance de travailler comme régisseur, j'ai ensuite fait de l'assistanat (ndlr
: notamment sur le film de Pierre-Paul Renders, " Thomas est amoureux ") pendant quatre ou cinq ans. Si j'ai un regret, c'est
de ne pas avoir démarré le cinéma à 18 ans.
Esprit Libre : Vous avez gagné le Prix Kieslowski pour le scénario du court-métrage " Des fleurs pour Irma " (tourné avec Annie Girardot)
? Qu'est-ce que ça a changé pour vous ?
Eric Lacroix : C'est un coup de chance énorme. Après ces années dans l'assistanat, je me suis rendu compte qu'il était difficile de poursuivre
dans ce métier tout en menant mes projets personnels. Les choses se sont alors enchaînées. J'avais réalisé un premier court-métrage
en noir et blanc que j'avais financé moi-même, puis j'ai rencontré Thierry Zamparutti qui a financé mon deuxième court ("
Nous ne sommes pas les derniers "). Et c'est lui qui m'a parlé du concours... Mon ex-copine, Anne Fournier, m'a poussé à écrire
le scénario (elle y a d'ailleurs participé grandement). Puis on l'a emporté sur... 1500 participants ! Morale de l'histoire
: il faut tout tenter parce que les bonnes choses n'arrivent pas qu'aux autres !
Esprit Libre : Quelles qualités faut-il avoir pour réaliser des films ?
Eric Lacroix : Il faut de la patience, de l'imagination, un sens très pragmatique de la mise en scène. Puis surtout, savoir gérer, motiver
une équipe, comme un chef d'orchestre. Réaliser, c'est un peu savoir utiliser le talent des autres. Il faut aussi être capable
de saisir sa chance...
Esprit Libre : Vous travaillez sur un projet de long-métrage ?
Eric Lacroix : Avec quatre court-métrages et l'aide à l'écriture que j'ai obtenue pour un long-métrage, je pensais que ça se mettrait en
place. Mais ce n'est pas si simple. J'ai plusieurs projets de scénarios de " longs " ; notamment une histoire assez sombre
qui fait un peu peur aux producteurs potentiels. J'ai aussi un projet de téléfilm... En attendant, j'envisage de mettre en
route un autre court-métrage pour garder le rythme.
Esprit Libre : Est-ce qu'on se dit à un moment : je vais gagner ma vie en réalisant des films ?
Eric Lacroix : Il ne faut pas avoir ce genre d'objectif ! Il faut de la passion et de la patience. L'argent peut venir ou ne pas venir, ce
n'est pas l'essentiel. Par ailleurs, ce métier apporte d'autres bonheurs, il réserve de bons moments : j'ai récemment été
à Acapulco pour un Festival du film français auquel j'étais invité. J'ai passé six jours fabuleux là-bas. Ceci dit, les organisateurs
se sont rendu compte, dans l'avion, que j'étais... Belge (rires) !
Alain Dauchot
|
Eric Lacroix, la trentaine, a failli mal tourner : il aurait pu être avocat ! C'est lui qui le dit en tout cas. Une personnalité
bien trempée et une licence " ELICIT " (ULB) sous le bras en ont décidé autrement : c'est sur grand écran qu'il rêve à présent
de transformer ses scénarios en films. En attendant, il se consacre aux courts-métrages. Son petit dernier, " La paille et
la poutre ", a récemment été programmé à la RTBF et a fait bon nombre de festivals. Parcours.
|
|